"Mes fenêtres s'ouvrent sur une école, et c'est la cloche des élèves qui règle mon lever, mon travail, mes repas. Pendant les récréations, je fume ma pipe, entre les deux coups de cloche. C'est admirable. C'est la vie de couvent, à domicile."
Signed autograph letter addressed to his friends Carlo and Alice Rim to whom he conveys all the happiness of a regained joie de vivre
S. n.|Nice 1er Novembre 1934|13.50 x 21 cm|une feuille
Autograph letter signed by Roger Martin du Gard addressed from Nice to his friends Rim (3 pages, 46 lines in black ink) great suppliers of sweets and other delicacies for the author of Les Thibault who seems to rediscover, under the Provençal sun and tranquility; a soothed sweetness and carefree spirit of living simply, the proximity of a school further facilitating this ideal peace :
"Nice. 1er novembre 34
Chers amis, pour si agréable qu'il soit, c'est un rôle bien gênant à tenir que celui du vieux monsieur qu'on gave de sucreries ! Je suis attendri jusqu'aux larmes que vous pensiez ainsi à me régaler à distance, et le coeur me fond dans la poitrine en même temps que les caramels dans la bouche... J'ai refusé autrefois de participer à l'érection d'un buste de Blasco Ibanez, sous le prétexte que les vrais bienfaiteurs de l'humanité, Gillette et Eversharp, n'avaient pas leurs statues sur toutes les places publiques de France. Je refuse aujourd'hui toute obole pour le monument du roi Alexandre, tant que Marseille reconnaissante n'aura pas fait à Castelmuro (pâtissier-chocolatier qui était une véritable institution marseillaise) la statue en pied, sur socle de nougat, qu'il mérite depuis longtemps ! Que devenez-vous ? Ou peut-on lire du Carlo Rim ? Mr Virgule me réjouit chaque semaine fidèlement ; mais la prose alerte et mordante, qui me donnait, de loin, l'impression d'avoir assisté aux fêtes de Paris, me manque. Et plus encore le volume substanciel que Rim pourrait nous donner tous les trois mois, s'il le voulait. Pour moi, j'ai trouvé à Nice le climat idéal. C'est seul coin du monde, je crois bien, où s'est réfugié la douceur de vivre d'avant-guerre. Nous y menons une vie "sans obligations ni sanctions" ; une vie laborieuse aussi, car j'y travaille bien, sans voir personne. Mes fenêtres s'ouvrent sur une école, et c'est la cloche des élèves qui règle mon lever, mon travail, mes repas. Pendant les récréations, je fume ma pipe, entre les deux coups de cloche. C'est admirable. C'est la vie de couvent, à domicile. Donnez-moi de vos nouvelles. Les nuages qui s'accumulent à l'horizon ne jettent-ils pas leur ombre sur votre irréductible bonne humeur ? Je vous souhaite mille prospérités ! Ne doutez pas de l'affectueuse fidélité de ma pensée, ni de ma gastronomique reconnaissance, Roger Martin du Gard." ["Dear friends, however pleasant it may be, it's quite an awkward role to play, that of the old gentleman who is stuffed with sweets! I am moved to tears that you think to treat me at a distance, and my heart melts in my chest at the same time as the caramels in my mouth... I once refused to participate in the erection of a bust of Blasco Ibanez, under the pretext that the true benefactors of humanity, Gillette and Eversharp, did not have their statues in all the public squares of France. I refuse today any contribution for the monument to King Alexander, as long as grateful Marseille has not given Castelmuro (pastry-chocolatier who was a true Marseille institution) the full-length statue, on a nougat pedestal, that he has long deserved! What are you up to? Where can one read Carlo Rim? Mr Virgule delights me faithfully every week; but the alert and biting prose, which gave me, from afar, the impression of having attended the festivities of Paris, I miss. And even more the substantial volume that Rim could give us every three months, if he wanted to. As for me, I have found the ideal climate in Nice. It's the only corner of the world, I believe, where the sweetness of pre-war living has taken refuge. We lead a life there 'without obligations or sanctions'; a laborious life too, for I work well there, seeing no one. My windows open onto a school, and it's the students' bell that regulates my rising, my work, my meals. During recess, I smoke my pipe, between the two bell strokes. It's admirable. It's convent life, at home. Give me your news. Don't the clouds gathering on the horizon cast their shadow on your irreducible good humor? I wish you a thousand prosperities! Do not doubt the affectionate faithfulness of my thoughts, nor my gastronomic gratitude, Roger Martin du Gard."]
Crease mark inherent to the folding for mailing.