Exceptionnel manuscrit inédit et complet de 775 pages relatant le voyage du vicomte Edmond de Poncins à travers l’Inde (cf Numa Broc, Asie, pp. 376-377 et Afrique, p. 263 (pour ses explorations du Pamir et de l’Ethiopie). Thiébaud, 755-756 (pour ses ouvrages sur la chasse).
La relation couvre la période du 12 septembre 1891 (embarquement à Marseille) au 12 juin 1892 (départ de Karachi pour Marseille).
Reliure en demi chagrin vert sapin à coins, dos à cinq nerf sertis de filets noirsainsi que de caissons à froid décorés de fleurons centraux dorés, encadrement de filets à froid sur les plats de cartonnage vert, gardes et contreplats de papier peigné, ex-libris de l'auteur encollé en tête d'un contreplat, tête rouge, reliure de l’époque.
775 pp. (mal ch. 1-567, 567-774), 1 p.n.ch., 2 ff.n.ch. de table et qq. ff. restés vierges.
Important manuscrit inédit relatant le voyage du vicomte Edmond de Poncins à travers l’Inde. Il couvre la période du 12 septembre 1891 (embarquement à Marseille) au 12 juin 1892 (départ de Karachi pour Marseille).
Présenté sous forme de journal, il a été écrit à l’encre brune, d’une écriture cursive mais lisible.
Le texte contient toutes les observations de l’auteur sur les régions traversées, les routes parcourues et les moyens de transport, les parties de chasse, les personnalités rencontrées, ses relations avec les domestiques, etc. ; son récit précise aussi qu’il réalisa des photographies au cours de ses excursions.
Edmond de Poncins s’embarque à Marseille le 12 septembre 1891 sur le Peï-Ho, un paquebot de la Compagnie des Messageries Maritimes. Il fait le voyage avec le gouverneur d’Obock, qui doit rejoindre son poste, et un général britannique, inspecteur de cavalerie aux Indes.
Le trajet s’effectue par Port-Saïd, Suez, Obock et Aden. Au cours de la traversée de la mer Rouge, Poncins visite la salle des machines et parle en arabe à un chauffeur. Le 23 septembre, à Aden, il monte à bord de la Seyne, un navire de la même compagnie qui doit traverser l’océan Indien. L’arrivée à Karachi a lieu le 29 septembre. Le voyageur quitte le paquebot pour monter à bord d’un bâtiment à voiles à destination de Bombay, où il arrive le 2 octobre. Il y reste jusqu’au 8, date à laquelle il se rend à Poona. Le 16, il effectue une excursion aux Carlee Caves, un ensemble d’anciens temples bouddhistes creusés dans le rocher. De retour à Bombay le lendemain, il se rend ensuite à Pachora et, de là, il visite les Ajanta Caves, ou grottes d’Ajanta, célèbres pour leurs temples bouddhistes. Le 21, il est de retour à Bombay ; le lendemain, il se rend à Mehmadabad puis, le 24, à Kaira ; dans les environs de cette localité, il se livre à une partie de chasse aux crocodiles, puis aux cailles. Le 27, il est à Ahmedabad, à environ 450 km au nord de Bombay, puis, le 29, à Morvi, à 200 km à l’est de cette ville. De retour à Ahmedabad le 5 novembre, il retourne chasser dans les environs de Kaira. Le 10, il arrive à Abu Road puis il visite les temples du mont Abu avant de rentrer à Ahmedabad. Commence ensuite la traversée de l’Inde vers Delhi et Calcutta : Edmond de Poncins se rend à Ajmere le 21 novembre, Chitor le 23 et Udaipur le 25. Le 3 décembre, il pratique une chasse à l’ours dans les environs. Puis, le 7, il parvient à Jaipur et, le lendemain, au fort d’Amber qui surplombe la ville. Le 10, il arrive à Alwar, puis, le 12, il se rend à Delhi. Trois jours plus tard, il visite Agra, avant de se rendre dans la vallée du Gange : Cawnpore (Kanpur) le 17, Lucknoor (Lucknow) le 18 et Bénarès le 19 décembre. L’arrivée à Calcutta a lieu le 22 décembre 1891. Il y reste jusqu’au 4 janvier 1892, date de son départ pour une longue partie de chasse aux Sunderbans, une région marécageuse située dans le delta du Gange. Le 10 février, il est de retour à Calcutta pour préparer sa prochaine expédition. Le 19 février 1892 a lieu le départ pour l’Assam, région située au nord-est de l’Inde, dans la vallée du Brahmapoutre, aux confins du Bhoutan. Le lendemain, il est à Goalundo (actuellement au Bangla Desh), le 22 à Jatrapur (Bangla Desh) puis il commence une nouvelle chasse à travers la jungle au dos d’un éléphant domestique. Le 4 mars, il parvient à Raimana (Assam, Inde). Dans les jours qui suivent, il pratique la chasse aux grands animaux (buffles, éléphants, rhinocéros, tigre) ; le 17, il tue un chat-tigre, puis, le lendemain, une biche et un cerf, mais les grands animaux s’éloignent. Le 19 mars, il attrape une insolation mais il continue néanmoins de chasser. Le 24, il est à Paglobat puis, le lendemain, à Dhubri (Assam) où il est atteint par une forte fièvre. Rétabli, il fait encore quelques excursions et, le 8 avril, il quitte la région pour retourner à Calcutta où il arrive le 10. Le 14, il est à nouveau malade et se fait voler par son boy qui est condamné à 6 mois de prison. Poncins quitte ensuite Calcutta pour traverser la plaine du Gange : le 29 avril, il arrive à Cawnpore (Kanpur) où il était déjà passé lors du voyage d’aller, et, le 30, il séjourne à Kalka. Le 1er mai, il parvient à Simla, à 250 km au nord de Delhi, sur les contreforts de l’Himalaya. Après une excursion à Amondah, les fièvres le reprennent et il doit retourner à Kalka où il prend le train pour arriver le 16 à Rawalpindi (actuellement au Pakistan). De là, il effectue quelques excursions dans la montagne (Murree, Gulmay) mais une épidémie de choléra l’oblige à quitter la région. Il part de Rawalpindi le 5 juin en train pour arriver à Lahore le lendemain. Le 8, il parvient à Karachi et prépare ses affaires pour embarquer à bord d’un navire à destination de Marseille. Le journal s’achève le 12 juin 1892, date du départ de Karachi. Extraits : [16 octobre 1891, entre Bombay et Poona, Maharashtra] : « Départ pour les Caves de Carlee. Parti à 6 h avec un tonga [charrette tirée par deux poneys] qui me mène sur la route en face du sentier des caves. Pris deux coolies pour mon appareil photographique et mon fusil. On traverse une longue plaine de rizières […]. Les caves sont au tiers de la hauteur d’une montagne de 800 pieds qui s’élève au bout de la plaine […]. On traverse un 1er petit temple de Siva et on est en face du grand temple dont l’entrée est fort imposante […]. A droite et à gauche de grands éléphants sculptés sortent du rocher jusqu’à mi-corps ; des bas-reliefs représentant des dieux aux formes exagérées, plus grands que nature […]. La grande salle est une merveille comme ensemble et comme détails… » (pp. 53-55). [25 octobre 1891, environs de Kaira, au sud d’Ahmedabad, Gujarat] : « Parti à 6 h à chameau pour aller chasser le crocodile. Fait 14 milles et arrivé à un village au-dessous duquel la rivière fait un grand coude très profond. C’est la Sabarmati. Tiré un gros crocodile à 150 mètres sur le sable. La balle va droit, il se débat un instant puis plonge et est perdu. Une 10aine d’autres qui étaient en vue plongent de même. Descendu la rivière et tiré à 60 mètres un petit crocodile se chauffant sur un îlot de sable. Il fait un grand saut et plonge dans un profond qui est rouge de sang en quelques minutes. Un indigène qui m’accompagne n’ose pas aller le chercher. Tiré 2 ou 3 autres crocodiles à la nage sans résultat apparent. A 2 h je suis revenu à mon point de départ […]. En tout j’en ai bien tiré une quinzaine et vu 50 en 4 ou 5 heures… » (pp. 76-77). [25 novembre 1891, à Udaipur, Rajasthan]. « On découvrait estompée dans la buée chaude du soleil levant, la ville blanche dominée par les hautes murailles et la superbe silhouette du palais du Maharana […]. Puis plus loin un grand cercle de montagnes rudes, aux silhouettes bizarres sur les sommets desquelles çà et là se profilent quelques forts, se dessinent qqs murailles de fortification. Vrai pays de féodalité sauvage. Le fils du 1er ministre auquel nous avons fait savoir notre arrivée, vient nous chercher en voiture à 1 h et se mettre à notre disposition. C’est un jeune homme de 20 à 22 ans, l’air intelligent, il parle bien l’anglais et est aimable. Le Maharana n’est pas à Oodeypoor, il est dans un bungalow distant de qqs milles en déplacement de chasse […]. Nous aurons du reste l’honneur d’être invités à une battue de S.A., en attendant nous allons visiter ce qu’il y a à voir à Oodeypoor… » (pp. 171-172). [4 janvier 1892, Bengale occidental] : « Parti ce matin de Calcutta pour Mutlah ou Canning. Arrivé à 10 h. Trouvé mes bateaux. On traverse un pays de rizières, de marais et de palmiers et cocotiers. Le train s’arrête au bout de la voie contre la berge même de la rivière.
La marée est basse et pour gagner nos bateaux il faut me faire porter par mes hommes qui enfoncent jusqu’aux genoux dans une vase noire, gluante, abominable […]. Par-ci, par-là, qqs embarcations indigènes. Peu d’oiseaux. A midi perdu de vue les deux cheminées de la gare, devant il n’y a plus que le marais immense. Mes hommes qui sont musulmans ont levé l’ancre avec une prière […]. A 4 h nous stoppons à un ramassis de huttes non marquées sur la carte et qui s’appelle Fokai Hâttee. J’envoie 2 hommes à terre pour chercher du lait ou de la viande. Il n’y en a pas. Pendant ce temps je photographie mes bateaux, et un groupe d’indigènes qui regardent un jongleur et un ours… » (pp. 291-292).
[1er mars 1892, vallée du Brahmapoutre, Assam] : « Dans l’après-midi mon bullock cart [char à bœufs] est arrivé [et] un éléphant de plus envoyé par Mr Gordon. Mon personnel se compose donc définitivement de 3 éléphants, un bullock cart, 7 hommes pour les éléphants, 1 pour les bœufs, 2 pour moi… ». [2 mars] : « Parti à 6 h du matin avec le second éléphant que je n’ai pas encore monté. Nous prenons la route de Kaïmana puis tournons à gauche dans une jungle de grandes herbes brûlées [qui] sont de la hauteur de l’éléphant […]. Nous entendons à qqs 100 pas en avant un très grand animal qui écrase les herbes. Halte. Au bruit mon mahout [cornac] déclare que c’est un éléphant sauvage, le fait est que le bruit est identique à celui que fait le nôtre. Le rhino qui passe en dessous est moins bruyant. Que faire ? Le gouvernement défend sous des peines sévères de tuer les éléphants […]. Le fourré est tel qu’on ne le verrait pas à 2 mètres, je ne vois même pas la tête du mien. De plus les éléphants sauvages attaquent furieusement les éléphants domestiques… » (pp. 540-545).
Chasseur et explorateur, le vicomte Edmond de Montaigne de Poncins (1866-1937) effectua plusieurs voyages en Afrique et en Asie. Après son séjour en Inde (1891-1892), il parcourut l’Asie centrale en 1893 : parti de Samarcande (Ouzbékistan), il traversa les montagnes du Pamir et de l’Hindou-Kouch pour arriver à Srinagar (Cachemire) ; ce voyage lui valut en 1895 la médaille d’argent de la Société de géographie. En 1897, il voyagea avec le prince Henri d’Orléans entre Djibouti et Addis-Abeba ; en 1912, il explora l’est africain, entre Nairobi et le mont Kenya.
« Poncins n’est pas un savant mais un voyageur intrépide et un bon observateur […]. Peu d’explorateurs français ont atteint des altitudes aussi élevées en Asie centrale… » (Numa Broc, Asie).
Il est l’auteur de Chasses et explorations dans la région des Pamirs (1897) et Notes sur le gros gibier de nos colonies (1913).
Précieux manuscrit, bien relié à l’époque.
Provenance : Vicomte de Poncins, avec son ex-libris gravé représentant une tente dressée à proximité d’un baobab.