Encre originale aux teintes magenta, brune, verte et bleue titrée et signée « Moscou / LD » par Léon Deubel, réalisée au verso d’une page de son recueil La Lumière natale.
Superbe klecksographie aux encres multicolores signée par le poète maudit Léon Deubel, inspirée par les Illuminations d’Arthur Rimbaud. Ce pliage précurseur de Rorschach fut réalisé à l’aide de technique de pliage chère à Victor Hugo.
Deubel se lance dans les klecksographies quelques années avant de se donner la mort dans la Marne, en 1913. Menant une vie de bohème à Paris avec son grand ami Louis Pergaud, les deux écrivains se livrent aux jeux de l’imaginaire sous l’égide de Jean-Paul Laffitte, un jeune peintre animalier que Deubel avait connu à Lille et avec lequel les deux camarades restèrent très liés.
La méthode employée pour ces dessins consistait à tracer d’une écriture ample le nom ou les initiales d’une ville, d’un écrivain ou d’un homme de l’art à l’aide de l’encre de plusieurs couleurs. Avant séchage, la feuille était pliée donnant une figure pour laquelle les auteurs cherchaient à déterminer la relation avec le nom de départ.
Ce procédé fondé sur l’imaginaire et l’interprétation visuelle a conquis les affinités rimbaldiennes de Deubel, qui emprunte le titre de son fameux recueil Les Illuminations pour regrouper cet ensemble de dessins qu’il destinait à la publication. Le poète qui « souffrait énormément de son obscurité » (Edgar Varèse) s’est appliqué ici à couvrir la page d’une explosion de couleurs vives. Il réalise cette œuvre sur une des pages de son recueil Lumière natale, dont il avait déjà brûlé une bonne partie des exemplaires « pour se réchauffer » (Jean-Jacques Bedu, Bohèmes en prose).
La société des amis de Louis Pergaud (n° 40, 2004) nous apprend que ces « enluminures créées collectivement à l’encre de chine de différentes couleurs » avaient été retrouvées dans une malle de Deubel après son décès, ayant miraculeusement échappé à la destruction : avant sa noyade, le poète avait brûlé ses manuscrits et ses maigres effets personnels.
Rare impression visuelle qui a survécu à l’autodafé des œuvres de Deubel, cet « artiste à la destinée mauvaise » (Léon Bocquet).