Édition originale de cet album de caricatures de Frédéric-Auguste Bartholdi numéroté et paraphé de sa main (exemplaire n° 36 suivi de son initiale). Il a été imprimé « à petit nombre d’exemplaires » (Musée Bartholdi), dont nous n’avons trouvé que six en institutions (Musée de Colmar, BnF, Harvard, UPenn, NYPL, Rutgers University).
Reliure de l’éditeur en percaline bleue, dos lisse portant le titre estampé à l’or dans la longueur, plat supérieur encadré de multiples filets noirs, ancres et étoiles estampés en noir aux coins, titre et date estampés à l’or, plat inférieur encadré de filets noirs, étoiles noires aux angles et ancre au centre, tranches rouges. Mors légèrement frottés, plat supérieur moucheté de pâles taches dans la partie inférieure, quelques onglets des planches légèrement fendus en pied sans gravité.
Illustrée d’un titre-frontispice gravé, d’un faux-titre illustré de la tête de la Statue de la Liberté, et de 30 lithographies à pleine page rehaussées de couleurs à l’aquarelle.
Rarissime exemplaire de l’album de caricatures d’Auguste Bartholdi réalisé sur le paquebot en route vers les États-Unis pour l’exposition universelle de 1876, où il exposa une partie de la statue de la Liberté.
Ce curieux album contient la seule caricature de la Statue par Bartholdi jamais publiée : une vignette sur la page de faux-titre représentant le sommet de la tête couronnée de Lady Liberty, aux yeux rieurs émergeant au-dessus de l’Atlantique. Par ailleurs, les profits du recueil furent reversés à la souscription franco-américaine pour l’achèvement de la statue.
En 1876, les États-Unis célèbrent les cent ans de leur indépendance avec une première exposition universelle sur le sol américain. Bartholdi est au cœur des événements en tant que commissaire de la délégation française mais surtout en tant que créateur de la fameuse statue de la Liberté. Le temps de la souscription n’aura pas permis d’achever la statue pour cette Centennial Exhibition de Philadelphie où elle devait être inaugurée. Seuls son bras monumental et sa main portant le flambeau, déjà terminés, sont transportés pour l’occasion et exposés à Fairmont Park sur le site de l’Exposition – une visite à grand succès, où l’on pouvait monter dans la torche moyennant un billet à 50 cents pour financer le piédestal américain.
Tout comme le bras de sa statue, Bartholdi part du port du Havre au début du mois de mai 1876. Il rejoint « L’Amérique » à bord du paquebot du même nom. Pendant les deux semaines de la traversée, il caricature allègrement des victimes innocentes toutes trouvées : ses collègues commissaires de la délégation française à l’Exposition.
Bartholdi pratique assidûment la caricature dès ses années d’écolier. La fameuse exposition universelle de Londres en 1851 lui avait aussi inspiré un album entier de croquis et physionomies des Anglais, qui demeure quant à lui inédit. Avec son style mordant à la Daumier, Bartholdi sera unanimement considéré comme excellent caricaturiste, mais seuls ces trente portraits feront l’objet d’une publication :
« Sur le paquebot, l’intention procède de la même insouciance. Il croque les divers personnages avec une acuité surprenante, les traits individuels sont marqués et amplifiés à l’extrême, le dessin est sec et nerveux, anguleux et plein de vérité, c’est de l’humour à la Bartholdi. Pour parfaire et achever cette galerie de personnes, il se représente également. Ces feuillets exécutés en présence des antagonistes plaisent énormément et les acteurs complices, proposent l’édition de l’ensemble des feuillets qui prendra le titre d’Album de bord » (Société d’histoire et d’archéologie de Colmar, Annuaire 1979, vol. XXVIII, p. 84).
Les planches magistralement rehaussées à l’aquarelle paraissent accompagnées d’une légende en vers de mirlitons composés par Louis Simonin, ingénieur des mines, connu pour avoir inspiré Germinal à Émile Zola et Sans famille à Hector Malot. La préface du recueil révèle que derrière les éditeurs « Bartholdi, Simonin, Fouret & Cie… » se cache en réalité la maison Hachette, dont l’associé Étienne Fouret faisait partie des compagnons de paquebot de Bartholdi. Dans l’album, il est représenté en géant sur le pont du navire, accompagné d’un amusant distique : « Fouret, la fine fleur de la maison Hachette / Qui tant de livres donne et veut qu’on en achète » ! (pl.10)
Superbe exemplaire dans sa reliure d’éditeur d’origine, numéroté et paraphé par Bartholdi de ce « petit volume humouristique déjà très rare » (Charles Lefebvre, Revue alsacienne, 1881), et véritable « Bartholdi pour bibliophile » selon la formule d’Alain Fourquier.