"Nous sommes en désaccord partout. Non sur la base, la liberté, mais sur le moyen, le protestantisme. Je le vois en Angleterre, hélas, étroit et intolérant, et profondément ennemi du peuple. Tenons-nous-en à la philosophie.
Une lettre est nécessairement écourtée et incomplète. Vous êtes un esprit élevé. Je serai heureux s'il m'est jamais donné de causer avec vous de ces hautes questions."
Lettre autographe signée de Victor Hugo, écrite depuis Hauteville House, datée de la main de l'auteur du 7 juillet [1865 ?]. 1 pages à l'encre noire sur un feuillet de vergé bleu. Traces de plis transversaux inhérentes à l'envoi. Infimes trous causés par la pression de la plume de l'écrivain. Une légère tache transparente en pied.
Exceptionnelle missive d'un Victor Hugo défenseur de la liberté, qui dénonce avec véhémence le puritanisme de la Réforme en Angleterre. Elle a pu être adressée au pasteur vaudois Muston, qui avait célébré le mariage du fils de George Sand, et que Hugo invitera à Hauteville House.L'écrivain s'oppose dans cette lettre au courant de pensée en vogue en France au XIXe siècle qui voyait le protestantisme comme un vecteur de modernité libérale et démocratique. On a également avancé l'hypothèse d'Edgar Quinet comme destinataire de cette missive, le savant ayant dans ses écrits exprimé le même sentiment. En exil, Hugo s'était forgé une opininon tranchée sur les effets du protestantisme anglican. Dans une version primitive de son
William Shakespeare, intitulée "La Bible et l'Angleterre", l'écrivain s'était déjà attaqué à l'emprise déraisonnée du texte saint sur la vie séculaire en Angleterre. Sa vision est cependant davantage nuancée dans ses écrits de fiction, et notamment
Les Travailleurs de la Mer où il montre son mépris pour un ministre borné et matérialiste dans le personnage du docteur Hérode, mais aussi son estime pour l'esprit libre du prêtre Ebenezer Caudray.
L'écrivain couche sur le papier les fondements de sa pensée et son combat : "la base, la liberté
", lui qui consacrera sa vie à lutter pour le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes.