Édition originale du plus important programme des ballets russes, annonçant le ballet Parade, et dans lequel apparait pour la première fois la mention « sur-réalisme » sous la plume d'Apollinaire.
Couverture illustrée d'une vignette d'André Marty, sans la sur-couverture présente sur certains exemplaires.
Très bel et unique exemplaire enrichi de 20 signatures autographes des artistes réalisées à l'époque, dont celles des créateurs de Parade : Picasso (qui a signé deux fois), Cocteau et Léonide Massine, ainsi que Léon Bakst, et les danseurs des ballets russes : Nicolas Zvereff, (deux noms illisibles), Lydia Lopokova [trois fois], Alexander Gavrilov, Giuseppina Cecchetti, Zygmunt Novak, Stanislas Idzikowski (deux fois), Elena Antonova, Lubov Tchernicheva (deux fois), Maria Chabelska (qui incarne la petite fille américaine dans Parade et qui fut la - fausse - amante de Cocteau) et Maximilian Statkevitch.
Le programme contient le répertoire de la saison en trois spectacles, le 11, 14, 16 mai ; 18 mai ; 21 et 23 mai avec le programme détaillé et les arguments de L'Oiseau de feu ; Les Femmes de bonne humeur ; Contes russes ; Les Danses polovtsiennes du Prince Igor ; Les Sylphides ; Parade ; Pétrouchka et Soleil de nuit.
La préface par Guillaume Apollinaire, Parade et l'Esprit nouveau, qui introduit pour la première fois l'expression « sur-réalisme » officialise une nouvelle conception de l'Art, transversal et radicale :
« De cette alliance nouvelle, car jusqu'ici les décors et les costumes d'une part, la chorégraphie d'autre part, n'avaient entre eux qu'un lien factice, il est résulté, dans Parade, une sorte de sur-réalisme où je vois le point de départ d'une série de manifestations de cet Esprit nouveau qui, trouvant aujourd'hui l'occasion de se montrer, ne manquera pas de séduire l'élite et se promet de modifier de fond en comble les arts et les mœurs dans l'allégresse universelle car le bon sens veut qu'ils soient au moins à la hauteur des progrès scientifiques et industriels [...] Les décors et les costumes cubistes de Picasso témoignent du réalisme de son art. Ce réalisme, ou ce cubisme, comme on voudra, est ce qui a le plus profondément agité les Arts durant les dix dernières années. »
Les autres textes sont signés par Léon Bakst et Michel Georges-Michel. La revue est illustrée de deux lithographies et pochoirs en couleurs de Pablo Picasso, un pochoir en couleur de Larionov, plusieurs dessins en couleur et en noir de Picasso et Léon Bakst et des reproductions photographiques des danseurs et des artistes.
Alors que la guerre mondiale fait rage, les Ballets russes donnent au Théâtre du Châtelet six représentations exceptionnelles au profit des gueules cassées et durant l'une desquelles naît Parade, le 18 mai 1917, fruit d'une complicité musicale, visuelle et poétique entre Cocteau, Satie et Picasso.
Resté dans les annales de la modernité, ce scandaleux spectacle de music-hall avant-gardiste enchanta Marcel Proust et indigna les foules. Notre exemplaire appartint à l'un des rares spectateurs ayant immédiatement saisi l'importance de cette œuvre magistrale. Les signatures des artistes étant en effet datées de 1917, certaines plus précisément du 25 mai 1917, et parfois avec la mention « théâtre du chatlet » [sic]. Cocteau a ajouté : « Souvenir de Paris ».
Picasso, pour sa part, signe une fois sous son portrait par Léon Bakst et une seconde fois sur la photographie, prise par Cocteau, le représentant avec Massine au milieu des ruines de Pompéi. Il n'est pas anodin que cette découverte d'un des chefs d'œuvres de l'Art antique ait été reproduit dans le programme de Parade. Les répétitions du ballet se déroulaient en effet à Rome. Picasso partit donc en février 1917 pour l'Italie avec Cocteau et Léonide Massine. Il y rencontra sa femme, Olga Khokhlova, ainsi que les futuristes et les artistes de la Sécession, et fut fortement impressionné par sa visite de Pompéi et Naples :
« Ce Montmartre arabe, dans ce désordre énorme d'une kermesse qui ne ferme jamais » (Jean Cocteau, Lettres à sa mère, 3 mars 1917). Ce voyage initiatique dans l'un des trésors de l'art antique, lui inspire la signature visuelle inimitable de Parade, une peinture sur rideau marquant les débuts de sa période néo-classique, courant sur dix-sept mètres de long, aujourd'hui conservée au Musée national d'art moderne Georges Pompidou.
Le ballet demeure « l'un des plus grands scandales de toute l'histoire de la musique » et un chef d'œuvre esthétique admiré par Marcel Proust, sorti de sa réclusion le temps d'une soirée enchanteresse : « je voudrais vous dire - et pour Monsieur Picasso - les éternuements et le spleen que provoque inlassablement en moi le bleu dominical aux astragales blanches de l'acrobate incompris, dansant « Comme s'il adressait des reproches à Dieu. ». L'acrobate « aux astragales blanches » qui a conquis Proust est illustré dans le programme d'après une superbe aquarelle de Picasso, enrichie dans notre exemplaire d'une signature de son danseur Nicolas Zvereff.
Ce document d'exception rassemble les signatures d'une véritable constellation de jeunes artistes en plein « temps des mutations », entre cubisme, futurisme, et néo-classicisme, qui marquèrent l'histoire de l'art, de la musique et du spectacle vivant de leurs innovations.