S. n.|à Paris, • à Lyon, • à Dunkerqueet aux adresses ordinaires 1774|22 x 29 cm|relié
Rarissime édition originale, illustrée en frontispice d'une très belle gravure représentant une jeune harpiste au-dessus un charmant quatrain : « La Harpe entre vos mains Silvie / Ne laisse rien à désirer / De vos beaux yeux : l'âme est ravie / Peut-on vous voir sans vous aimer ! ». Titre gravé dans un cartouche arrondi entouré d'instruments de musique, ex-dono à la plume en bas. L'ouvrage, texte compris, est entièrement gravé sur cuivre.
Reliure de l'époque en demi-vélin, plats de papier à la cuve. Très discrètes restaurations de travaux de vers en marge intérieure des six premiers feuillets du volume.
L'ouvrage commence par une brève histoire de la harpe. Viennent ensuite quatorze chapitres, traitant de l'accordage, du maniement de la harpe, des arpèges, des pédales et de leur utilisation. On y trouve de nombreuses transcriptions d'airs populaires et de chansons, telles que les affectionnait Corrette, notamment La Fürstemberg, Que vous dirais-je maman...
Michel Corrette (1707-1795), bien connu des musicologues, est une figure importante de la musique du XVIIIème siècle français. Bien qu'il n'ait pas laissé d'œuvres impérissables - seul le concerto comique sur L'Air des sauvages de Rameau continue à être joué régulièrement - ses multiples activités musicales et ses œuvres nous font mieux comprendre le goût et la musique française à Paris tout au long du XVIIIème siècle.
En 1728, à seulement vingt-et-un ans, fraîchement arrivé à Paris, il publie l'un des premiers recueils de concertos français. La contribution française à ce genre majeur issu d'Italie et déterminant pour l'histoire musicale en Europe, est extrêmement mince. Corrette sera un des seuls à l'introduire en France, avec Blavet et Leclair.
Organiste attitré du Prince de Conti, puis du duc d'Angoulême, Corrette fut à la fois chef d'orchestre (à la foire Saint Laurent qui donnera naissance aux fameux Concertos comiques), violoniste virtuose, claveciniste et naturellement compositeur. Il fut également un grand pédagogue et composa de nombreux ouvrages méthodologiques à destination des élèves de son école de musique que les Parisiens surnommaient affectueusement « les Anachorètes » (ânes à Corrette !).
Très tôt, Corrette s'est attaché à fixer les formes musicales de son temps pour les transmettre, et ses premiers manuels comme Le Maître de clavecin (1753) rencontreront un certain succès. S'il poursuit en cela une tradition pédagogique à l'instar de Couperin, Rameau ou Bach, on sent cependant chez lui une volonté encyclopédique d'enseigner toutes les formes instrumentales. Corrette laissera ainsi des manuels pour le violoncelle, le clavecin, l'orgue, la flûte, la mandoline, la guitare, etc. Contrairement à nombre de ses pairs, ses manuels ne seront pas à la seule intention des musiciens mais, grande révolution opérée dans le monde musical, à destination des débutants. Cette méthode de harpe, à l'exemple de tous ses ouvrages pédagogiques, rend compte de l'ensemble des pratiques, françaises et italiennes - mais aussi allemandes, alors peu considérées en France. Celles-ci correspondent aux trois grandes écoles de musique en Europe au XVIIIème, l'italienne étant sans aucun doute celle qui a le plus bouleversé l'écriture de la musique.
Soucieux de modernité, Corrette publia sa méthode de harpe alors que la pratique de l'instrument émergeait depuis à peine quelques décennies. La harpe avait été autrefois délaissée pour son absence de chromatisme et il fallut attendre l'invention de la harpe à double rangée de corde par les Italiens, puis celle de la pédale, qui ne fut introduite en France qu'en 1749, pour que l'instrument connaisse un regain d'intérêt. Elle sera assez vite adoptée dans les salons aristocratiques mais sans répertoire dédié. Elle connaîtra une vogue croissante et des œuvres majeures pour l'instrument verront le jour dans la dernière partie du XVIIIème (Mozart, C.P.E. Bach).
On sait toute l'attention que portera le XIXème à cet instrument, grâce aux modifications techniques qui lui furent apportées dès 1800. Cette méthode atteste donc de la renaissance de la harpe en France, et constitue un témoignage important de sa pratique et de sa technique en cette fin du XVIIIème.
Publiée confidentiellement en raison de la nouveauté de l'instrument, tous les exemplaires de cette méthode semble avoir aujourd'hui disparu.
Nous n'avons trouvé aucune référence de cette précieuse édition dans les grandes bibliothèques européennes, ni en vente publique.