Édition originale, un des exemplaires du service de presse.
Reliure en demi chagrin noisette, dos lisse orné de caissons décorés de motifs floraux dorés, initiales C. T. dorées en queue, plats de papier marbré, gardes et contreplats de papier à la cuve, couvertures conservées, tête dorée, un coin supérieur émoussé, reliure très légèrement postérieure. Discrètes restaurations sur les mors, deux petites déchirures marginales sur les pages de titre et faux-titre.
Ex-libris à la plume de Charles Terrasse, fils du dédicataire de l’envoi, en tête d’une garde.
Précieux envoi autographe signé d’Alfred Jarry à l’un de ses plus proches collaborateurs : « À Claude Terrasse son admirateur et son ami. Alf. Jarry. »
Le « Berlioz de l’opérette française » Claude Terrasse participe au succès de nombreux chefs-d’œuvre de Jarry, et écrit l’accompagnement musical d’Ubu roi lors de sa création au Théâtre de l’œuvre. En 1898, Jarry organise la brillante reprise d’Ubu Roi dans l’appartement de Terrasse lui-même, où il crée avec lui et Franc-Nohain le Théâtre des Pantins. Ubu roi y est donné du 20 au 31 janvier 1898, avec des marionnettes façonnées par le peintre Pierre Bonnard, beau-frère de Terrasse. Ce dernier accompagne au piano cette expérience théâtrale.
Avec Messaline « la catin Auguste, la chair des empereurs divins » (p. 77) Jarry renoue avec ses références littéraires antiques qui abondaient déjà chez Ubu. Après s’être inspiré de Sophocle et son Œdipe roi, il puise ici dans Juvénal dont il subvertit le sens des fameuses satires « au lieu que soit stigmatisée la lubricité de l’impératrice comme chez le satiriste latin, Messaline dans ses frasques est présentée comme un être en quête d’absolu, qui retrouve en tant que Lupa les origines mêmes de Rome et une forme de sacralité » (Rémy Poignault). Terrasse produit la même année aux Bouffes Parisiens une parodie antiquisante à succès, Les Travaux d’Hercule.
Sur la demande de Terrasse, Jarry entame également l’ambitieux projet d’adapter un autre classique au fort potentiel burlesque, et travaille pendant plus d’une dizaine d’années au livret de Pantagruel, un opéra-bouffe sur la musique de son ami. Le compositeur invitera même Jarry dans sa maison de campagne pour inciter l’écrivain à achever son manuscrit décidément pantagruélique. Jarry mourra avant d’y apporter la touche finale – Terrasse se chargera de créer cette dernière « féerie mirlitonesque » du maître.