Photographie de Pierson représentant la comtesse Virginia Oldoïni, comtesse de Castiglione. Tirage au carbone, agrandissement d'après négatif sur verre par la Maison Braun vers 1895-1910, sous passe-partout et encadré.
Numérotation au crayon au verso.
En juillet 1856, la comtesse de Castiglione se rendit à l'atelier parisien des frères Mayer et de Pierre Louis Pierson, photographe de la cour impériale. Ses premières poses signent le début d'une collaboration qui durera près de quarante ans. L'écrivain dandy Robert de Montesquiou écrira La Divine Comtesse (1913) en son honneur et sera fasciné par ses portraits photographiques dont il assemblera une grande collection. Elle a inspiré à Emile Zola l'envoûtant personnage de Clorinde Balbi dans Son Excellence Eugène Rougon.
Ce cliché a été pris à l'apogée créatrice de la célébrissime courtisane qui mit à ses pieds l'Empereur des Français et le Roi d'Italie. La "plus belle femme de son siècle" s'affiche en robe de bal, véritables regalia de cette souveraine de Paris, qui marqua l'histoire de la photographie par ses autoportraits aux mises en scènes extravagantes et raffinées.
La comtesse a laissé en lieu de mémoires des centaines de portraits photographiques retraçant son brillant parcours d'intrigante au sein des cours européennes. Ce portrait appartient à la période la plus créative de son activité artistique avec le photographe Pierson, entre 1861 et 1867, durant son second séjour parisien. Ses apparitions dans le monde se font déjà plus rares, après le tourbillon des années 1856-58 où elle fut au coeur des intrigues politiques entre la France et l'Italie. Choisissant les costumes, les angles et les prises de vue de ses portraits, son travail sur la mise en scène anticipe celui des photographes contemporaines comme Cindy Sherman, Sophie Calle ou Claude Cahun. Le port altier, regard désinvolte et méprisant, elle offre une silhouette imposante digne d'un portrait royal, les doigts entrecroisés sur sa robe. Le corselet et les pans de sa jupe en « signets » sombres brodés d'or exploitent à leur avantage le clair-obscur de la photographie. Son allure est encore accentuée par sa célèbre coiffure à la Cérès, en lourde tresse perchée au-dessus de la tête, terminée par un large nœud reposant nonchalamment sur son épaule dénudée.
C'est lors d'un bal que la comtesse de Castiglione fut présentée pour la première fois à Napoléon III et qu'elle consomma sa liaison avec celui qui allait devenir sa plus prestigieuse conquête. Dans les bals, la vie de la comtesse se joua, d'épopées en tragédies, tantôt libératrice de l'Italie, tantôt scandaleuse demi-mondaine aux tenues trop indécentes. Elle se fera photographier par son fidèle acolyte Pierson, immédiatement après ces événements dont elle était l'attraction principale. Passée de reine à recluse, son obsession pour la photographie prolongera encore ces heures de gloire mondaine - agissant comme témoin immortel de ces anciennes performances sociales, où elle arborait le même regard énigmatique.
Sublime portrait au bal de la Castiglione, femme fatale au sommet de son art, enveloppée de ses atours déjà portés et seulement armée du pouvoir expressif de son regard.