Carte autographe signée à Stuart Merrill « Cela vous sort de la vie moderne, si banale, si scélérate, si lourde et je vous remercie de m'avoir enlevé à cet affreux milieu, par votre très-curieux livre »
s. l. • (Paris) s. d. [1891]|11.50 x 9 cm|Une carte recto-verso
Exceptionnelle carte autographe de Joris-Karl Huysmans adressée au poète Stuart Merrill. 17 lignes à l'encre noire, avec des indications au crayon d'un précédent bibliographe. Huysmans donne ses impressions sur un des chefs-d'œuvre de Merrill, le recueil de poèmes intitulé Les fastes : Thyrses - Sceptres - Torches, publié en 1891.
Les accents symbolistes de l'ouvrage de Merrill semblent avoir profondément affecté Huysmans, qui ne tarit pas d'éloges sur les poèmes d'une « très ardente beauté » de son confrère. Les Fastes rejoignent la célèbre esthétique décadente et raffinée d'Huysmans ; un parallèle saisissant peut d'ailleurs être établi entre la « tendance vers l'artifice » du personnage de des Esseintes dans A Rebours, et le « lilas artificiel et plus charmant, plus fin que nature » acclamé par Huysmans dans la lettre.
L'admiration mutuelle de Merrill et Huysmans remonte à la publication en 1887 du premier recueil de Merrill, Les Gammes. Huysmans, à qui Merrill dédie le poème "Nocturne", découvre par la même occasion ce « Verlaine chuchotant » et sa poésie « subjuguante » (lettre de Huysmans à René Ghil). Ils fréquentent tous deux les Mardis de Mallarmé dans son appartement rue de Rome, incontournable rendez-vous des écrivains symbolistes.
Preuve d'une brillante complicité littéraire entre les deux hommes, cette lettre empreinte de poésie évoque les plus beaux écrits symbolistes de la fin du siècle.
« Mon cher confrère,
Les fastes m'ont été remises en votre nom et ce fut pour moi un très réel plaisir que de les lire au coin du feu. Si j'en excepte les pièces Wagnériennes et celle qui est intitulée Bagues et que je trouve d'une très-ardente beauté, les plus séduisantes selon moi, celles des thyrses exhalent le parfum de l'arbuste que vous aimez, du lilas choyé par vos vers, mais d'un lilas artificiel et plus charmant, plus fin que nature, distillé dans un temps de pavanes et de poudres.
Cela vous sort de la vie moderne, si banale, si scélérate, si lourde et je vous remercie de m'avoir enlevé à cet affreux milieu, par votre très-curieux livre.
Merci donc, mon cher confrère, et bien à vous
Huysmans »