Ensemble complet du premier trimestre publié (11 avril–12-19 juillet 1886) de la revue symboliste La Vogue, plus importante revue littéraire de la fin du XIXe siècle qui contient la première impression des Illuminations de Rimbaud. Les n° 1 à 12 parus régulièrement chaque semaine ont été rassemblés sous une couverture trimestrielle et mis en vente en septembre 1886. Il n’a pas été tiré de grands papiers du premier trimestre de cette revue au tirage très confidentiel.
Exemplaire tel que paru, dos restauré, manques angulaires et marginaux habilement comblés. Notre exemplaire est présenté sous chemise-étui en demi-maroquin gris, dos lisse, plats de papier marbré, contreplats de papier à la cuve, étui bordé de maroquin gris, plats de papier marbré, ensemble signé Boichot.
Nombreuses contributions dont celles de Paul Verlaine, Stéphane Mallarmé, Auguste Villiers de L’Isle Adam, Charles Morice, Paul Adam, René Ghil, Jules Laforgue, Léo d’Orfer, Stendhal, Charles Henry, Stuart Merrill (traduit par Mallarmé), Édouard Dujardin, Joris-Karl Huysmans, Félix Fénéon, Paul Bourget, Walt Whitman, Teodor de Wyzewa, Fedor Dostoïevski, Charles Vignier, Jacques Casanova de Seingalt.
Toute première parution des Illuminations rimbaldiennes, dans cette revue qui fut le refuge des poètes maudits, et fit découvrir Walt Whitman aux lecteurs français.
« En 1886 [Rimbaud] était publié dans La Vogue. Le titre de la revue était une garantie de succès temporaire. Le sien fut durable, car les llluminations, ainsi révélées […] dépassaient infiniment les colifichets à la mode et allaient à l’essentiel » (Pierre Brunel, Arthur Rimbaud, ou L’éclatant désastre, Champ Vallon 2018).
La revue a en effet révélé Rimbaud au public en éditant, sous l’égide de Verlaine, l’intégralité du poème Les premières communions dans son premier numéro, et surtout Les Illuminations dans les numéros 5 à 9 du périodique, où se mêlent également onze poèmes en vers datant de 1872. On y trouve également les deux premières strophes de son troublant poème Le Cœur volé, ainsi que Tête de faune.
La revue a en effet révélé Rimbaud au public en éditant, sous l’égide de Verlaine, l’intégralité du poème Les premières communions dans son premier numéro, et surtout Les Illuminations dans les numéros 5 à 9 du périodique, où se mêlent également onze poèmes en vers datant de 1872. On y trouve également les deux premières strophes de son troublant poème Le Cœur volé, ainsi que Tête de faune.
Les poèmes des Illuminations connurent cette première impression au terme de multiples péripéties : les manuscrits, confiés à Verlaine lors de son ultime entrevue avec Rimbaud, passèrent de main en main avant de paraître en feuilletons à partir du 13 mai 1886 par le directeur de La Vogue Léo d’Orfer et son rédacteur en chef Gustave Kahn, un symboliste de la première heure. Après une querelle avec ce dernier, d’Orfer quitta le journal et emporta avec lui les manuscrits des cinq derniers poèmes des Illuminations, finalement publiés posthumement en 1895 chez Vanier. Verlaine procura des manuscrits pour La Vogue tout en faisant le deuil de cet époux infernal et poète de génie, qui avait définitivement tourné le dos à l’écriture. Comme le remarque Alain Bardel, « À partir du 7 juin, le nom de Rimbaud [mal orthographié, “Raimbaud” p. 233] est précédé de la mention “feu” sur le sommaire de La Vogue. Le bruit de la mort du poète a en effet couru dans Paris. En réalité, Rimbaud se trouve à Tadjourah en train de préparer sa caravane, chargée des fusils qu’il compte vendre à bon prix à Ménélik II, roi de Choa. » Dans le onzième numéro, il est même qualifié d’« équivoque et glorieux défunt » par les admirateurs de son œuvre, qui ignoraient tout de ses activités en Abyssinie. Kahn poursuit la publication dans La Vogue des lluminations, qui s’acheva dans le numéro 9 du 21-27 juin 1886.
Selon Michel Murat, l’édition originale des Illuminations quelques mois plus tard doit beaucoup à cette pré-originale de La Vogue, arguant que le jeune éditeur Félix Fénéon « n’a pas vu le manuscrit de près, et qu’il a composé la plaquette à partir de la pré-originale, sans retour au manuscrit ». Fénéon bousculera cependant l’ordre des poèmes, qui sera rétabli selon la configuration de La Vogue par les auteurs de la Pléiade de Rimbaud – ordre qui prévaut encore aujourd’hui jusque dans nos éditions les plus récentes.
1886, la véritable « année vers-libriste » (Eric Athenot) de La Vogue ne s’arrête d’ailleurs pas à Rimbaud : « La publication dans La Vogue, du 28 juin au 2 août, de textes de Whitman traduits par Laforgue allait accompagner l’éclosion du vers libre en France, entraîner Whitman dans la mouvance symboliste et lui assurer une visibilité pérenne en France […] 1886 associe, en les publiant conjointement, Laforgue, Whitman et Rimbaud dans des publications qui rendaient enfin visibles l’œuvre des deux derniers, jusqu’alors quasiment inédite en France » (L’Appel de l’étranger, Traduire en langue française en 1886). C’est dans les pages de la revue que Laforgue initie la rencontre de ces deux géants, en publiant les toutes premières traductions de Leaves of Grass (Feuilles d’herbe) aux côtés de la première impression des Illuminations. Rimbaud et Whitman seront associés malgré eux au Symbolisme et aux débuts du vers libre, par leur présence dans cet organe du mouvement naissant. Quelques mois après la parution des Illuminations dans La Vogue, Verlaine rappellera également dans sa préface de l’édition originale le souffle anglophone qui enveloppe le recueil de Rimbaud, dont le titre aurait été inspiré de ses fameux voyages à Londres.
Le premier trimestre de cette importante quoiqu’éphémère revue contient en outre la deuxième série des Poètes maudits de Verlaine, Le Concile féerique de Jules Laforgue, et l’étude sur les peintres impressionnistes de Félix Fénéon, ainsi que le Thé chez Miranda de Jean Moréas et Paul Adam. Elle compta parmi ses collaborateurs Edouard Dujardin, Villiers de l’Isle-Adam, Charles Henry, Charles Morice, Huysmans ou encore Stéphane Mallarmé.
Un très rare exemplaire renfermant la première parution des Illuminations, pièce indispensable à toute collection rimbaldienne. Cette apparition dans La Vogue marque un moment fondateur de l’édition des poèmes de Rimbaud, et sera considérée comme « la date réelle de publication de son œuvre » (André Guyaux).