« Les personnages féminins de Tanning ne se soucient que de satisfaire leurs besoins érotiques très particuliers. Son travail est ancré dans sa propre sexualité, qu'elle expose candidement, sans complaisance, fièrement et brutalement au malaise et/ou à la fascination du spectateur »
Exceptionnelle frise constituée de 6 dessins érotiques originaux de l'artiste surréaliste et femme de Max Ernst, l'américaine Dorothea Tanning, réalisée au crayon et à l'aquarelle sur une longue bande de papier japon.
A droite, de la main de l'artiste, le mot "LOVE" (proche du célèbre motif de Robert Indiana, créé à la même époque) et sa signature. Sous chaque dessin, Dorothea Tanning a inscrit des mots formant le message suivant : "Ecoute mon amie / Tu me manque (sic) / Aussi / Se verra t'on / à Paris ?" Pliures transversales entre chaque dessin, inhérentes à la présentation sous forme de loporello.
Belle et originale expression des corps post-surréalistes de Dorothea Tanning, fantasmes sexuels aux contours graphiques, qui se projettent et s'abandonnent dans une étreinte esquissée et rehaussée à l'aquarelle. Révélant progressivement les dessins et le message, cette œuvre popup a certainement été adressée à Germaine Labarthe, femme du dessinateur Ylipe (Philippe Labarthe).
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Ces dessins sont emblématiques de son œuvre peuplée de silhouettes féminines contorsionnées, faisant la reconquête de leur propre puissance érotique. A partir des années 1950, Tanning avait effectué un travail sur le corps féminin. Revendiquée et libérée des stéréotypes de représentation surréalistes et l'ombre esthétique de son célèbre son mari, « L'imagerie de Tanning devient plus abstraite. Ses coups de pinceau sont devenus plus lâches et plus expressifs, construits en couches de gaze, voilant des corps qui semblent être en extase dans leurs mouvements. En s'éloignant de son style illusionniste antérieur, elle reste fidèle à la figure, qui évolue d'un corps rendu de manière naturaliste à une forme féminine plus mûre, sensuelle et souvent déformée. » (Dorothea Tanning Foundation)
Abandonnant pour un temps l'odeur de térébenthine (« I got fed up with the turpentine » raconte-t-elle dans une interview), le papier japon aux reflets nacrés et l'aquarelle deviennent des media de prédilection de l'artiste pour ses études du corps. Cette série de dessins érotiques s'inscrit dans une série de frises sur le même papier, notamment Poses dans une école d'Art qui n'existe pas (1967), Maternities (1968). Ses lignes alanguies préfigurent également ses célèbres sculptures en tissu de corps féminins aux formes sensuelles formant sa célèbre installation Chambre 202, Hôtel du Pavot quelques années plus tard.
La valeur singulière et la force de ces corps torturés de plaisir rappellent son union fusionnelle avec Max Ernst et leur couple hors norme. Mariés en 1946 en même temps que Man Ray et Juliet Brower, ils s'installent dans le désert américain puis en France, où ils font la rencontre de Ylipe (Philippe) et de sa femme Germaine Labarthe, à qui Tanning adresse cette oeuvre. Les deux couples partageaient une vision esthétique semblable : les dessins d'Ylipe mêlant surréalisme et humour noir ont été fréquemment comparés à la peinture de Ernst. Ylipe adressa également en 1965 une carte très explicite au couple Ernst-Tanning, avec qui il formait un cercle intime où art et sexe étaient inextricablement liés et se traduisaient par un véritable échangisme d'œuvres d'art.