Edition originale, un des 1000 exemplaires numérotés, seul tirage avec 10 Chine et 50 pur fil.
Dos et mors remarquablement restaurés, habile restauration de papier en marge basse de deux feuillets 29 et 31, sans atteinte au texte.
Notre exemplaire est orné d'un exceptionnel dessin à pleine page réalisé au crayon noir portant, en haut à droite l'envoi suivant : « à Germaine Pittet très sympathiquement Francis Picabia 25 mars 1940 Golfe Juan ».
Il contient également des aphorismes manuscrits signés du peintre adressés à cette énigmatique jeune femme :
- sur la page de faux-titre au crayon de couleur noir : « La vie domine et dompte la connaissance / les bornes sont arrachées / tout ce qui a existé n'existe plus / cette épouvantable guerre en sera la preuve. » ; « N'oubliez pas votre promesse, vous ne devez pas ouvrir ce livre avant 1942. » ; « FIAT VERITAS PEREAT VITA. [que la vérité soit, que périsse la vie] mais cela n'est pas certain... »
- sur la page de titre au crayon de couleur noir : « Ce qui m'unit à l'amour c'est la vie et cette alliance associera éternellement mon nom à l'amour. »; « Les hommes sont malades : ils sont malades car les problèmes qu'ils portent en eux sont des purs problèmes d'hystérie. Francis Picabia »
- sur la page présentant les deux citations en début de volume, au crayon de papier : « Je crois que je sais mieux que n'importe qui aimer car personne ne peut atteindre les ravissements étranges de ma vie. F.P. »
On trouve la trace d'un autre portrait de la dédicataire, réalisé la même année et passé dans une vente aux enchères le 9 octobre 1986. Il ne nous a cependant pas été possible d'identifier la mystérieuse Germaine à qui fut adressé cet incroyable exemplaire d'un recueil dédié « à toutes les jeunes filles » et profondément empreint de nietzschéisme.
Dans ce contexte de Seconde guerre mondiale, le peintre-poète enrichit sa pensée et livre à Germaine des aphorismes inédits qui font écho à ceux de ce recueil surréaliste et confrontent le message surréaliste à la terrible actualité. Prophète auto-proclamé et véritable Über-mensch nietzschéen, Picabia dénonce la folie humaine, dont il se détache, refusant même la lecture du livre, fermé par deux adhésifs, avant la fin supposée de la guerre, 1942. La pensée nietzschéenne, présente depuis les débuts littéraires de Picabia, ne le quittera jamais et essaimera bientôt l'importante correspondance avec l'une des grandes passions de sa vie, Suzanne Romain. Notre exemplaire, sur lequel il trace en lettres capitales la devise « Fiat veritas pereat vita », est l'un des plus importants témoignages de son obsession pour le philosophe.
Les deux fragments d'adhésif demeurant sur la dernière garde et ayant laissé des traces sur le faux-titre sont l'œuvre de Picabia lui-même, comme en témoigne l'une des instructions laissées par le peintre : « N'oubliez pas votre promesse, vous ne devez pas ouvrir ce livre avant 1942. » Geste éminemment dadaïste d'un livre offert qui ne peut être lu et qui - décacheté - révèle un ultime aphorisme : « Je crois que je sais mieux que n'importe qui aimer car personne ne peut atteindre les ravissements étranges de ma vie. F.P. »
Certificat du comité Picabia joint.