Édition originale tirée à 36 exemplaires ornée en frontispice d’un portrait de l’auteur, un des 30 exemplaires numérotés sur vélin, seul tirage après 1 japon et 5 hollande.
Admirablement imprimé, cet objet bibliophilique rarissime est particulièrement précieux pour sa complémentarité avec l’édition originale du Voyage au bout de la nuit.
Bel exemplaire présenté sous une chemise en pleine toile beige (comportant une claire mouillure en pieds) qui semble être la chemise-étui de l’éditeur.
Ex-libris encollé au verso du premier plat.
Céline publie pour la première fois son texte le 16 mars 1933 en première page de l’hebdomadaire populaire Candide.
Quelques jours plus tôt parut dans L’Intransigeant un article d’Émile Zavie dans lequel celui-ci fustige le surréaliste témoignage d’un érudit garde forestier passant sa bibliothèque au sécateur :
« Il y a des livres de toute sorte, mais, si vous alliez les ouvrir, vous seriez bien étonné. Ils sont tous incomplets ; […] je lis avec des ciseaux […] et je coupe tout ce qui me déplaît. […] Des Loups j’ai gardé dix pages, un peu moins du Voyage au bout de la nuit. De Corneille, j’ai gardé tout Polyeucte, et une partie du Cid. Dans mon Racine, je n’ai presque rien supprimé. De Baudelaire, j’ai gardé deux cents vers et de Hugo un peu moins. […] de Proust, le dîner chez la duchesse de Guermantes ; le matin de Paris dans La Prisonnière. »
Zavie (qui, coïncidence, est lui-même fils d’un garde forestier) publie ici sans doute le plus beau et célinien compliment que pouvait recevoir le Voyage, dont Bardamu n’a à envier à l’homme des bois, ni l’intelligence gouailleuse, ni l’impertinence nihiliste. S’ensuit une polémique très opportune qui a surtout l’avantage de permettre à Céline de sortir de la réserve à laquelle il s’était astreint depuis la sortie du livre. Il donne alors libre cours à son esprit ironique et mordant, témoignant d’ailleurs d’une sublime complicité avec ce double sauvage qui tranche dans la littérature comme lui dans la langue et, malicieusement, l’honore d’une comparaison avec les plus grands écrivains.
Bien plus qu’une réponse, « l’explication » de Céline sonne comme un manifeste et une puissante réflexion sur son invention d’un style qui déconcerte et divise la critique. Robert Denoël rebaptise l’article « postface » et l’ajoute à la plaquette d’extraits de presse élogieuse qu’il fait éditer en août 1933, pour fêter la cent quatre-vingtième édition.
Cependant, la véritable édition séparée de ce texte essentiel ne sera diffusée auprès de quelques rares bibliophiles avertis, qu’en 1969 aux éditions À la lampe d’Aladdin de Pierre Aelberts dans sa collection « Le Bahut des Aromates ».
Officiellement publié quelques mois après l’article du Candide, à tout petit nombre d’exemplaires immédiatement épuisés – à l’exception du tirage de tête conservé avec les 14 autres titres de la collection dans un meuble en bois précieux, le fameux « bahut » – ce petit bijou de bibliophilie fut plus vraisemblablement imprimé, comme toute la collection, peu avant sa miraculeuse apparition sur le marché, à l’aube des années 1970.
Quant aux tirages de tête, il semble que la plupart soit restée dans le mythique bahut !