Manuscrit recto-verso complet, à l'écriture très dense, comportant de nombreuses ratures, corrections et ajouts. Tapuscrit complet, présentant des ratures et quelques corrections autographes.
C'est Gaston Gallimard et Dionys Mascolo qui soufflent à Maurice Blanchot, dès le début de l'année 1943, l'idée de la publication en volume d'une sélection de ses chroniques littéraires qui, sous le titre de Faux Pas, deviendra son premier recueil critique.
Le jeune auteur sélectionne alors cinquante-quatre de ses articles parus les années précédentes dans Le Journal des Débats, mais aussi dans L'Insurgé et La Revue française des idées et des œuvres, et rédige une magistrale introduction intitulée « De l'angoisse au langage ».
Ce texte a la lourde charge de donner sa cohérence à l'ensemble et de le doter d'une dimension programmatique en soulignant, sous la double influence de Jean Paulhan et de Georges Bataille, l'importance de l'expérience intérieure et de la lutte de l'écrivain avec le langage : « De même que la détresse de n'importe quel homme suppose à un certain moment qu'il soit fou d'être raisonnable [...], de même celui qui écrit est voué à écrire par le silence et la privation de langage qui l'atteignent. »
Plus encore, « De l'angoisse au langage », qui annonce l'œuvre à venir, expose les tourments intimes de Blanchot face à l'écriture et à la littérature, et constitue en ce sens un très grand texte autobiographique : « Il arrive un moment où le littérateur qui écrit par fidélité aux mots écrit par fidélité à l'angoisse ; il est écrivain parce que cette anxiété fondamentale s'est révélée à lui, et en même temps elle se révèle à lui en tant qu'il est écrivain, plus que cela elle semble n'exister dans le monde que parce qu'il y a dans le monde des hommes qui ont poussé l'art des signes jusqu'au langage et le soin du langage jusqu'à l'écriture qui exige une volonté particulière, une conscience réfléchie, l'usage sauvegardé des puissances discursives. C'est en cela que le cas de l'écrivain a quelque chose d'exorbitant et d'inadmissible. »
Le manuscrit offre des différences importantes avec le tapuscrit (celui-ci avec ses quelques corrections est conforme quant à lui au texte publié). Outre les variantes, les biffures et les ajouts présents tout au long du texte, qui témoignent de la précision travail mené par l'auteur pour expliciter sa pensée, le principal changement opéré par Blanchot est la suppression d'un superbe paragraphe placé en ouverture et resté inédit, long de douze lignes de son écriture serrée : « L'écrivain, commence-t-il, peut de bonne foi croire à sa solitude. Il écrit et il se sent plus seul que si, comme un empereur désabusé, il était descendu dans sa tombe, et les mots qu'il continue à employer, le sens qu'il ne leur donne pas, qu'il reçoit d'un usage infiniment répété, [...] ces mille fragments du monde surpeuplé de l'histoire et de la culture ne lui servent qu'à vivre dans un désert où la notion de monde n'a plus de signification. [...] »