Missive inédite de Pissarro à la graphie particulièrement esthétique adressée à son ami le peintre Maximilien Luce.
N'en déplaise à Gutenberg, le manuscrit jamais ne s'effacera sous l'imprimé et aux solides caractères de plomb répondent les fragiles lettres de plume. Chef-d'œuvres en devenir et confidences intimes, prosaïques ou idéalistes. Écritures hâtives ou appliquées, pattes de mouche ou chant du signe.
« Je t'admire et ne suis que ton miroir fidèle
Car je m'abîme en toi pour t'aimer un peu mieux ;
Je rêve ta beauté, je me confonds en elle,
Et j'ai fait de mes yeux le miroir de tes yeux
Je t'adore, et mon cœur est le profond miroir
Où ton humeur d'avril se reflète sans cesse,
Tout entier, il s'éclaire à tes moments d'espoir
Et se meurt lentement à ta moindre tristesse
Ô toujours la plus douce ô blonde entre les blondes,
Je t'adore, et mon corps est l'amoureux miroir
Où tu verras tes seins et tes hanches profondes,
Ces seins pâles qui sont si lumineux le soir !
Penche-toi, tu verras ton miroir tour à tour
Pâlir ou te sourire avec tes mêmes lèvres
Où trembleront encore les mêmes mots d'amour,
Tu le verras frémir des mêmes longues fièvres
Contemple ton miroir de chair tendre et nacrée
Car il s'est fait très pur afin de recevoir
Le reflet immortel de la beauté sacrée
Penche-toi longuement sur l'amoureux miroir ! »
Lettre autographe signée de Charles Baudelaire adressée à Narcisse Ancelle, rédigée à l'encre noire sur un feuillet de papier bleu.
Pliures inhérentes à l'envoi, trois infimes petits trous sans atteinte au texte.
Cette lettre a été retranscrite dans les Oeuvres complètes volume 11 publiées en 1949 par L. Conard.
Emouvante missive bruxelloise adressée au célèbre notaire familial devenu en 1844 le conseil judicaire de Charles chargé de gérer sa rente et ses dettes exponentielles. Une relation complexe s'établit entre le poète et son tuteur, mêlant nécessité et défiance, mais témoignant néanmoins d'un véritable respect mutuel entre les deux hommes.
Cette correspondance, dépourvue de l'affectivité des lettres à sa mère ou des circonvolutions dans ses échanges avec les créanciers, constitue une des plus précieuses sources biographiques du poète. En effet, la dépendance financière de Baudelaire le contraint à une très grande transparence avec son tuteur et chacune de ses lettres à Ancelle résume admirablement ses pérégrinations.
Ainsi, cette lettre évoque-t-elle le terrible enlisement du poète en Belgique et son retour sans cesse reporté à Paris. Lorsqu'il écrit, Baudelaire est encore à Bruxelles à l'Hôtel du Grand Miroir, « 28 rue de la Montagne » (mais il ne faut pas écrire le nom de l'hôtel, sinon les lettres ne lui parviennent pas directement), où il se meurt d'ennui, de maladie et de rancœur contre un pays dans lequel, innocemment, il croyait trouver la gloire. Cette annonce de départ imminent pour Paris, "Deux ou trois jours après votre réponse je partirai", fait écho à toutes les promesses similaires que le poète adresse depuis près d'un an à ces correspondants. Celle-ci sera avortée, comme toutes les autres car, comme il l'avoue à Ancelle un quelques mois plus tôt, Paris lui « fait une peur de chien ». Ce n'est qu'en août 1865 qu'il accomplira un ultime et court séjour en France avant son apoplexie fatale.
Son retour, "Je suis très attendu à Paris et à Honfleur" était pourtant motivé par une raison impérieuse : négocier avec un éditeur, grâce à l'intervention de Manet, la publication de son recueil de réflexions sur ses contemporains qu'il a déjà intitulé « mon cœur mis à nu » et dont le manuscrit est en partie chez sa mère à Honfleur. Nouvel échec, l'œuvre ne paraîtra qu'en 1897, 30 ans après la mort de Baudelaire.
Mais c'est sans doute la référence aux « deux grands tableaux [qu'il veut] expédier à Honfleur », qui donne tout son sel à cette lettre. Baudelaire évoque en effet sa volonté de rapatrier des peintures de sa collection déposés chez divers prêteurs ou restaurateurs, et dont il avait déjà envoyé une liste à Ancelle quelques mois plus tôt. Parmi ceux-ci, quels sont ceux qu'il voulait ramener à sa mère ? Le portrait de son père, le Boilly, le Manet, un Constantin Guys ? Il n'est fait aucune mention dans les autres lettres de ce transport artistique et du « reste » auquel seront joints les tableaux. Cette volonté d'"expédier à Honfleur" ses biens précieux, témoigne pourtant du désir du poète affaibli de s'installer définitivement dans la « maison-bijou » de sa mère à Honfleur, ilot de sérénité dans lequel Baudelaire rêve d'une paisible retraite où tout ne serait à nouveau « qu'ordre et beauté, luxe, calme et volupté ». Il y retournera en effet, paralysé et muet, mais pour une dernière année d'agonie après sa crise syphilitique. L'hôtel du Grand Miroir, quant à lui, restera sa dernière véritable demeure comme cela sera noté le mardi 3 avril 1866, sur le registre des entrants à la Clinique Saint-Jean : « Nom et prénoms : Baudelaire Charles. « Domicile : France et rue de la Montagne, 28. « Profession : homme de lettres. « Maladie : apoplexie. »
Belle lettre à celui qui fut à la fois le persécuteur et le protecteur de Baudelaire. Il accompagna le poète jusqu'à sa mort, avant de devenir l'éxécuteur testamentaire de la famille.
Précoce lettre autographe signée du jeune premier Yves Montand adressée à Marcel Duhamel à propos du film Les Portes de la nuit de Marcel Carné. Une page et demie rédigée à l'encre bleue sur un feuillet ligné. Pliure inhérente à l'envoi et deux perforations en marge gauche sans manque de texte.
Jamais publiée, cette lettre a été lue sur France Culture dans l'émission « La Boîte à lettres » en novembre 2014.
"Léger comme une antilope / Il dansait, fumant son clope / Une java pleine de syncopes / Elle en eut le coeur cassé"
Manuscrit autographe de 12 pages sur feuillets à carreaux, rédigé à l'encre bleue, nombreux passages soulignés.
Ensemble de réflexions inédites de Jean-Paul Sartre portant sur la structure sociale et l'idéologie bourgeoise, écrites probablement en 1952 dans le cadre d'un projet de scénario sur la période révolutionnaire. Cette série de dialogues intérieurs sur la nature du pouvoir individuel et collectif constituent une première ébauche des idées développées dans son chef-d'œuvre de 1960, la Critique de la raison dialectique. à travers l'exemple de la Révolution française et de la Terreur, Sartre s'interroge sur le rôle du citoyen et de la propriété en invoquant les écrits de Kant, Marx, Rousseau, Hobbes, Saint Paul et Luther.
Manuscrit autographe signé du chorégraphe Maurice Béjart.
10 feuillets rédigés au stylo bleu. Foliotation autographe.
Épreuves manuscrites de Maurice Béjart pour son ouvrage Béjart-theâtre : A-6-Roc (Éditions Plume, 1992), à propos de sa pièce A-6-Roc créée la même année au théâtre de Vidy à Lausanne.
Après la fondation du « Béjart Ballet Lausanne » et son départ définitif de Belgique en 1987, Maurice Béjart poursuit sa mise en scène d'opéras, entreprend la réalisation de films et publie plusieurs livres (roman, souvenirs, journal intime...). Par ailleurs, il écrit et met en scène sa troisième pièce de théâtre A-6-Roc jouée à Lausanne en 1992, qu'il publie avec des commentaires dans un ouvrage intitulé Béjart-theâtre : A-6-Roc. La pièce met en scène sept personnages en quête d'un paradis perdu, et engage une profonde réflexion sur la mémoire et l'enfance du chorégraphe. Béjart tient le rôle principal et donne la réplique à Gil Roman, son danseur fétiche de la période lausannoise, qui lui succédera à la tête de sa troupe en 2007.
A-6-Roc fut probablement la pièce préférée de Béjart et sera la seule qu'il acceptera de publier. Largement inspirée du théâtre de Jean Anouilh et plus encore de celui d'Eugène Ionesco, elle emprunte également à son enfance dans le Sud de la France. Ce manuscrit, qui livre de précieuses indications de mise en scène et de décor, fut publié avec le texte original de la pièce en 1992. Le présent, le passé et le futur se rencontrent dans la pièce à travers trois personnages – une figure de patriarche que Béjart interprète lui-même, une autre incarnant la jeunesse joué par Gil Roman (« 6 doit avoir au moins le double d'âge de Mr A. Cette différence de génération crée leur tension et aussi leur complicité ») et un clown, appelé Roc, interprété par l'acteur Philippe Olza. On y décèle sans peine l'influence du théâtre de l'absurde tant dans les choix scéniques que la psychologie des personnages : « cette première séquence de la pièce, qui peut durer de 3 à 6 ou 7 minutes, n'est qu'un mouvement mécanique de corps [...] évoquant l'activité inutile et vaine des univers concentrationnaires ».
Le dramaturge Béjart n'en restera pas moins fidèle à l'idée « spectacle total » qui fit sa célébrité en tant que chorégraphe. La danse et le mouvement inondent la pièce – notamment dans le chœur théâtral (« quatre personnages devrais-je dire, car rien ne me déplaît plus que l'uniformité des pseudo-chœurs grecs et autres corps de ballet esthétisants ») et Béjart consacre les quatre derniers feuillets à la musique (« elle joue tout au long de la pièce comme les dauphins qui suivent un bateau ») allant de Nino Rota à la musique sirupeuse de Jackie Gleason. Au-delà du théâtre, Béjart désire créer avec A-6-Roc une œuvre d'art complète incluant tous les autres genres du spectacle, et démontre dans ce manuscrit son talent de de dramaturge et de metteur en scène.
Précieux manuscrit sur la dernière pièce de théâtre écrite, mise en scène et interprétée par Béjart. Il figure parmi les très rares documents du chorégraphe en mains privées, ses archives étant partagées entre sa maison bruxelloise, la fondation Béjart de Lausanne et le Théâtre Royal de la Monnaie.
Provenance : archives personnelles de Maurice Béjart.
Lettre autographe datée et signée d'une page de Jean-Louis Barrault adressée à Thierry Maulnier (20 lignes à l'encre bleue sur un feuillet).
Pliures centrales inhérentes à la mise sous pli, une petite déchirure en pie de la missive.
Billet autographe daté et signé d'une page de Paul Claudel adressé à Thierry Maulnier (12 lignes à l'encre bleue sur un feuillet).
Pliures centrales.
Lettre autographe datée et signée de quatre pages de Michel Mohrt adressée à Thierry Maulnier, 69 lignes à l'encre bleue, évoquant notamment sa candidature à l'Académie française en remplacement du fauteuil vacant de Marcel Brion.
Pliures centrales inhérentes à la mise sous pli. Présence d'un trombone permettant de maintenir ensemble les deux feuillets de la missive.