Exceptionnel album regroupant au total 62 photographies originales en tirage argentique d'époque. Ces photographies ont été réalisées entre 1900 et 1901 par le médecin militaire Henry Coullaud (1872-1954).
Reliure de l'époque en demi percaline rouge à coins, dos lisse muet, plats de papier fleuri, une étiquette rouge présentant des idéogrammes chinois a été contrecollée sur le premier plat de l'album. La calligraphie chinoise sur cette étiquette, comme l'explique le Professeur Denis Coullaud, figure le patronyme du médecin : « "A Kou-Lou, la main merveilleuse qui rend le printemps". Ainsi pouvait-on traduire une inscription chinoise dont les caractères se détachaient en noir sur le fond cramoisi d'une étroite banderole verticale. Cela s'appelait un "paï-pien". Par une belle matinée de printemps de l'année 1900, ce présent fut apporté en grande pompe, précédé par une musique nasillarde d'une clarinette, qu'accompagnait le son grêle d'une petite flûte, et que rythmait un tambourin. La famille Wang, dont le patriarche avait été opéré avec succès de la cataracte, remerciait ainsi le médecin-major Coullaud. Les Chinois avaient traduit son nom par approximation phonétique, en traçant les deux caractères "kou" et "lou". » (in Pr. Denis Coullaud, La Main merveilleuse qui rend le printemps, 1992).
Chaque cliché a été annoté (lieu et légende) par le photographe qui a également inscrit un titre, à la plume, sur la première page de l'album : « La Vie chinoise aux champs et au village (Photographies prises pendant la Campagne de Chine Pi-tchi-li - Sept. 1900 - Juillet 1901) » .
Jeune médecin militaire lassé de la vie de garnison en métropole et rêvant d'aventure, Henry Coullaud demanda au Ministère de partir pour la Campagne de Chine. Sa requête acceptée, il embarqua le 19 août 1900 sur l'Alexandre III au sein du 1er bataillon du Régiment d'infanterie de Marche. Les photographies contenues dans cet album ont été prises dans les différentes villes chinoises dans lesquelles le docteur Coullaud a exercé : Tong-Kou, Tien-Tsin, Pao-Ting-Fou, Ting-Tchéou (Tin-Tjô), Cheng-Feng, Cheng-Ting-Fou, Taï-Téou, Si-Gnan-Shien, Sou-Kiao.
Le début de l'album contient quelques clichés de pagodes, temples et murailles. Sont également représentés les notables ainsi que plusieurs mandarins posant aux côtés d'officiers français. Certains clichés retranscrivent d'ailleurs l'ambiance particulière qui règne en pleine révolte des Boxers : les officiers jetant des sapèques au peuple à l'occasion du 14 juillet ou encore la poignante photographie d'exécution capitale de brigands visages contre terre. Mais ce qui fascine surtout notre jeune photographe amateur, c'est la vie des autochtones, par les villes et les champs. De médecin itinérant, il devient un véritable ethnologue, immortalisant les scènes champêtres qu'il légende avec humour : « Ramasseur de crottins (faut de l'engrais !) » ou encore « Groupe d'enfants (la Chine qui pousse) ». Il profite de la saison des moissons pour capturer des images des différentes étapes agricoles : semeurs, glaneuses, moissonneurs défile sous ses yeux ; le médecin assiste au séchage de la récolte, au battage des épis et même à la réalisation de la farine. La vie sur le fleuve est également un thème cher à Henry Coullaud qui fixe les peuples au fil de l'eau : pêcheurs aux cormorans, baigneurs, bateliers et lavandières. La figure du major ressurgit de temps à autre, en bon reporter il ne manque pas de photographier les jonques de guerre chinoises et bien sûr les convois fluviaux français. L'établissement de son infirmerie itinérante dans différentes villes chinoises lui donne l'opportunité de côtoyer les populations urbaines. Ses clichés sont le témoignage précieux de tous les petits métiers de l'époque : porteur de sapèques (fameuses pièces percées chinoises), porteur d'eau, barbiers, courrier, cordonnier, marchand de légumes...Coullaud photographie surtout les figures de la rue ; de l'équilibriste entouré de son public au musicien aveugle, il immortalise également des opiomanes aux visages hagards et décharnés. Proche des populations, il entre même dans leur cercle intime et saisit l'occasion de prendre de superbes clichés, notamment de femmes tartares et chinoises aux minuscules pieds bandés, quelques années avant l'interdiction de cette mutilation érotique millénaire. Témoin d'un enterrement traditionnel chinois, il réalise un petit documentaire constitué de sept photographies dépeignant ainsi les différentes étapes rituelles.
A travers cet album unique, important témoignage à valeur ethnologique, le Major Henry Coullaud nous offre une vue de la vie du petit peuple chinois au tournant du XXe siècle.