Manuscrit autographe signé, rédigé aux feutres noir, rouge, vert, violet et bleu sur papier de récupération imprimé, comprenant de nombreux ajouts, corrections et biffures.
241 feuillets, dont 238 foliotés et 3 non numérotés, de formats variables, essentiellement in-4 et in-8, recto seul avec parfois des annotations ou des collages au verso, sous couverture saumon avec titre et envoi autographe à l'éditeur Alex Grall et chemise noire avec étiquette de titre autographe signé une deuxième fois au contreplat. Feuillets perforés avec œillets.
Manuscrit complet de la première version de L'Amour baroque, rédigé entre le 18 décembre 1969 et le 16 juin 1970, et à paraître en avril 1971 chez René Julliard.
Le livre, premier volet d'une trilogie sentimentale qui se poursuivra avec Y a-t-il un docteur dans la salle ? et L'Angevine, se présente comme un journal intime. Son thème principal, l'amour, constitue l'un des sujets de prédilection de l'auteur. Le narrateur, qui raconte son aventure passionnelle avec une femme endeuillée par la mort de sa fille, joue avec les codes du roman, dans une langue truculente et vive. Faut-il rappeler que les ouvrages de René Fallet, marqués par Rabelais, Molière ou Marcel Aymé, ont inspiré, par leur style fleuri, le cinéma de Michel Audiard, René Clair ou Jean Girault ?
Ce manuscrit, offert par René Fallet à l'éditeur Alex Grall, ne saurait être considéré comme un simple manuscrit. Il s'agit bien davantage d'une création plastique qui mêle jeux visuels, jeux de mots, collages et croquis (fleurs, femmes dénudées, têtes grotesques), composée en couleur sur une multitude de papiers de récupération. En effet, Fallet a collecté de nombreux feuillets de papier à entête (ORTF ou Radiodiffusion et télévision belge, Parti communiste français, Éditions Denoël ou Gallimard, Dépêche TV, Miroir du Cyclisme, L'Équipe, First National City Bank, Société de Mythologie Française, Hôtel Intercontinental de Düsseldorf, Société nationale des chemins de fer belges, et autres Ministère des Affaires sociales) qu'il utilise comme support pour son manuscrit, créant un effet graphique et dynamique. Il écrit également au revers de prospectus publicitaires (liquide vaisselle Paic, mouchoirs Kleenex), de photographies de presse originales (peloton du Paris-Roubaix en amateur de cyclisme, tableau de Tom Wesselmann en amateur de femmes nues !), de photographies d'exploitation de films (Fahrenheit 451 de François Truffaut avec Julie Christie et Oskar Werner), de jaquettes de livres (Les Milanais tuent le samedi de Giorgio Scerbanenco, SAS de Gérard de Villiers, Ils ne pensent qu'à ça de Georges Wolinski), de pochettes de disques (Let it be des Beatles), d'images tirées de revues érotiques ou de planches de dessin de presse (Jean-Jacques Sempé). Il enrichit le tout de collages - « L'étudiant français lit beaucoup Camus » - sans oublier d'insérer plusieurs portraits de lui-même, dont une photographie originale en compagnie de Georges Brassens et un notable autoportrait nu !
L'ensemble forme, à dessein, une image joyeuse, jouissive et caustique de la culture populaire au tournant des années 1960 et 1970. Car Fallet, personnage haut en couleurs se disant « anarchiste tendance essuie-glace, de gauche à droite », prend un malin plaisir à détourner avec beaucoup d'humour certains archétypes de la modernité (la pin-up, la ménagère, le couple idéal, le sportif, etc.), dans une démarche qui n'est pas sans évoquer certains mouvements artistiques contemporains (Pop Art, Nouveau Réalisme).
Le manuscrit présente d'importantes variantes avec le texte achevé. D'un point de vue structurel, d'une part, Fallet ayant modifié le découpage de ses cent six chapitres, qui seront ensuite organisés en trois parties dans la version publiée. D'un point de vue narratif, d'autre part, puisque l'auteur joue avec les prénoms de ses personnages, chacun d'eux étant nommé de plusieurs manières : ainsi, le mari de l'héroïne parfois prénommé Jean-Louis dans le manuscrit deviendra Jean-Claude par la suite. Par ailleurs, Fallet a réservé ses marges afin d'y inscrire ses corrections, mais aussi de numéroter les lignes et surtout d'indiquer la date de rédaction de chaque passage : ainsi, nous pouvons suivre jour après jour, du 18 décembre 1969 au 16 juin 1970, l'avancée magistrale de son écriture. Le dernier feuillet, non folioté, est constitué d'une liste d'extraits à revoir.
Enfin, le manuscrit révèle que l'inspiratrice de ce récit de passion amoureuse n'est autre que Mette Ivers, illustratrice avec laquelle Fallet collaborera et par ailleurs épouse de Sempé, et dont le nom revient très souvent au verso des feuillets ou dans les marges.
Superbe manuscrit, remarquablement composé par René Fallet afin de créer un véritable objet plastique.