Edition en partie originale et imprimée à 350 exemplaires sur vergé d'Arches, "Feuilles de route" étant paru précédemment.
Précieux envoi autographe signé d'André Gide à Maurice Barrès.
La dédicace que le jeune Gide adresse à son prestigieux ainé sur ce recueil de notes de voyage se révèle être bien plus qu'une simple formule de politesse respectueuse envers le « maître à penser » des Lettres Françaises depuis 1880.
À l'instar de nombreux autres jeunes écrivains, Gide - que Barres introduit très tôt dans le cercle de Mallarmé - doit ses débuts littéraires à cette "instance de consécration" que représente Maurice Barres dont l'autorité intellectuelle et littéraire au tournant du XXème siècle ne cesse de croître.
Pourtant en 1906, alors que Barrès vient d'être nommé Académicien, Gide est en passe de devenir le nouveau chef de file de la jeunesse littéraire, en partie grâce à son opposition à ce maître jusqu'alors incontesté.
C'est en 1898 que Gide s'en prend respectueusement mais fermement à l'autorité Barrésienne en publiant sa critique des Déracinés dans l'Ermitage.
Les premières lignes maintes fois citées de cet article célèbrent le voyage et "la joie qu'il y aurait à ne plus se sentir d'attaches, de racines (...)". Gide pose ainsi les prémisses d'une éthique et d'une esthétique nouvelles excluant l'idéologie politique du champ littéraire pour ne « conserver qu'une seule et véritable autorité : celle de la qualité et du talent » (cf. Fabien Dubosson in L'autorité littéraire à l'épreuve d'elle-même)
Evénement majeur de l'histoire littéraire du XXeme siècle, cette irrévérence formulée par celui que l'on nommera désormais l'anti-Barrès, oppose justement le goût du voyage et la curiosité d'esprit, tels que le narrateur des Nourritures terrestres l'enseigne à Nathanaël, à la stérilité de l'enracinement prôné par Barrès.
L'article de Gide marque le début de la fameuse « querelle du peuplier » qui le confrontera à Charles Maurras, principal défenseur de Barrès, mais à laquelle prendront part de nombreux écrivains.
Publiée en 1903 dans Prétexte, cette polémique marque le clivage entre deux écoles, l'une revendiquant l'héritage de Barrès, l'autre s'en démarquant par une opposition constante qui se conclue en 1921 avec le meurtre symbolique du père au travers du célèbre procès Barrès intenté fictivement par Dada.
L'« Amical » envoi que Gide adresse à Barrès sur ces notes qui « exaltent la beauté du voyage » est sans aucun doute le témoignage d'une déférence du disciple à l'égard de son ancien maître. Mais ce « souvenir » est également la marque d'une autorité nouvelle qui, avec la création de la NRF, signera la fin des années Barrès et le début des années Gide.
Dos légèrement décoloré, une petite déchirure recollée en pied d'un mors.
Notre exemplaire est présenté sous chemise en demi maroquin marron, dos à cinq nerfs légèrement frottés, chemise bordée du même maroquin, ensemble signé de Pierre-Lucien Martin.