Une petite déchirure recollée en pied du dos légèrement éclairci, rare et agréable exemplaire aux fragiles couvertures non passées.
Manuscrit autographe de l'auteur de 2 pages et demie in-4 publiée dans le numéro du 27 Avril 1944 du Journal des Débats. Manuscrit complet à l'écriture très dense, comportant de nombreuses ratures, corrections et ajouts.
Chronique littéraire publiée à l'occasion de la parution de l'étude de Martin-Chauffier, Chateaubriand ou l'obsession de la pureté.
On joint le tapuscrit complet.
Blanchot a peu écrit sur Chateaubriand, et ses rares allusions dans La part du Feu et Sade et Restif de la Bretonne, donnent à penser qu'il accorde peu d'estime à cet écrivain majeur. Pourtant peut-on imaginer posture plus blanchotienne que celle de cet écrivain s'effaçant derrière son oeuvre ?
Cet article sur la vie et l'oeuvre de l'auteur des Mémoires d'outre tombe constitue sans doute une clé de lecture tant de l'oeuvre de Chateaubriand que de la pensée de Blanchot sur le pouvoir du langage face au réel. Si Blanchot porte un jugement sans appel sur la monotonie de la vie de Chateaubriand, c'est pour réévaluer les Mémoires non à l'aune de la "nudité désespérante" de sa vie, mais à travers la transfiguration de celle-ci par l'écriture: "ce qui importe seul, c'est le récit qui, après avoir reconstitué l'existence pour lui donner la perfection de l'oeuvre, y substitue le chef d'oeuvre dont l'existence est l'occasion. Aussi est-il bien superflu de poser la question de sincérité et de vérité."
"Rien n'aurait approché l'absurdité de l'existence pour Chateaubriand, s'il n'avait pu en jouir au passé, la reprendre par le souvenir et finalement lui donner le sens qu'il n'avait pu vivre en la transformant en oeuvre d'art".
Entre avril 1941 et août 1944, Maurice Blanchot publia dans la "Chronique de la vie intellectuelle" du Journal des Débats 173 articles sur les livres récemment parus. Dans une demi-page de journal (soit environ sept pages in-8), le jeune auteur de "Thomas l'obscur" fait ses premiers pas dans le domaine de la critique littéraire et inaugure ainsi une oeuvre théorique qu'il développera plus tard dans ces nombreux essais, de "La Part du feu" à "L'Entretien infini" et "L'Écriture du désastre". Dès les premiers articles, Blanchot fait preuve d'une acuité d'analyse dépassant largement l'actualité littéraire qui en motive l'écriture. Oscillant entre classiques et modernes, écrivains de premier ordre et romanciers mineurs, il pose, dans ses chroniques, les fondements d'une pensée critique qui marquera la seconde partie du XXe. Transformé par l'écriture et par la guerre, Blanchot rompt, au fil d'une pensée exercée "au nom de l'autre", avec les violentes certitudes maurassiennes de sa jeunesse. Non sans paradoxe, il transforme alors la critique littéraire en acte philosophique de résistance intellectuelle à la barbarie au cœur même d'un journal "ouvertement maréchaliste": "Brûler un livre, en écrire, sont les deux actes entre lesquels la culture inscrit ses oscillations contraires" (Le Livre, In Journal des Débats, 20 janvier 1943). En 2007, les Cahiers de la NRF réunissent sous la direction de Christophe Bident toutes les chroniques littéraires non encore publiées en volumes avec cette pertinente analyse du travail critique de Blanchot : "romans, poèmes, essais donnent lieu à une réflexion singulière, toujours plus sûre de sa propre rhétorique, livrée davantage à l'écho de l'impossible ou aux sirènes de la disparition. (...) Non sans contradictions ni pas de côté, et dans la certitude fiévreuse d'une œuvre qui commence (...) ces articles révèlent la généalogie d'un critique qui a transformé l'occasion de la chronique en nécessité de la pensée." (C. Bident). Les manuscrits autographes de Maurice Blanchot sont d'une grande rareté.
Autant la vie de Bataille écrivain est bien connue dans ces années, autant sa vie privée échappe. Et ce n'est pas le moindre paradoxe de cette oeuvre plus qu'aucune autre dénudante qu'elle ne dise de la vie privée que le minimum, et généralement le pire. » (M. Surya, G. Bataille, la mort à l'oeuvre)
Lorsque Georges Bataille rencontre Denise Rollin en 1939, il vient de perdre son précédent amour, Colette Peignot, morte de la tuberculose, tous ses amis l'ont abandonné, et la guerre vient d'être déclarée. Pourtant ce chaos sentimental et social n'affecte pas autant Bataille que la relation tumultueuse qu'il entretiendra alors avec Denise Rollin, amie de Cocteau, Breton, Prévert et égérie de Kisling et Derain.
Leur idylle durera quatre ans, on connaît peu de détails de leur vie sentimentale durant cette période d'Occupation sinon ce que Bataille veut bien nous en apprendre dans Le Coupable qui s'inspire pour une part de cette relation passionnée et douloureuse.
En 1961, lors d'un entretien, Bataille reviendra sur cette période : « Le Coupable est le premier livre qui m'ait donné une sorte de satisfaction, anxieuse d'ailleurs, que ne m'avait donnée aucun livre et qu'aucun livre ne m'a donnée depuis. C'est peut-être le livre dans lequel je suis le plus moi-même, qui me ressemble le plus... parce que je l'ai écrit comme dans une sorte d'explosion assez rapide et assez continue. »
Les lettres que Bataille adresse à Denise durant cette période contiennent en effet en germe les sentiments qui explosent dans Le Coupable comme dans toute l'oeuvre de Bataille. Flux et reflux incessant d'amour et de souffrance, d'extase et de déception, de calme et d'énergie, mêlant tutoiement et vouvoiement, compliments et reproches, elles sont souvent impossible à dater avec précision tant elles procèdent toutes d'un même mouvement de flagellation extatique :
« Je n'ai même plus le courage de vous dire ce que je souffre : en tout cas imposer une pareille souffrance à un homme, exactement pour rien, cela devient une maladie, comme un délire. Je ne sais pas comment j'ai trouvé moyen d'espérer malgré tout - jusqu'ici. »
« Ce que tu me dis dans ta lettre, c'est pour moi ce qui délivre, c'est comme la nudité - tout ce qui se déchire entre toi et moi. Mais encore une fois, je ne me suis jamais senti aussi fier de toi. »
« Jai honte de tant souffrir et de vous ennuyer avec ma souffrnance quand vous seule êtes malade. »
« Je ne vous parle que pour que vous sachiez à quel point je vous aime, à quel point tout es devenu en moi aussi vrai que la maladie. »
« Je suis tellement fou en ce moment que je ressens comme une complicité et une perfidie de tous pour me faire mal, comme si vous vous prêtiez au jeu pour que je sois encore plus désespéré. »
« Maintenant je n'aspire qu'à une chose, c'est à vous prouver que je n'appartiens plus qu'à vous, que je suis rivé à vous, que je veux que vous le sachiez à tel point que si je ne devais plus avoir d'autre moyen qu'une profanation pour vous le prouver, je ferais devant vous cette profanation. »
« Je ne voudrais pas que tout s'enlise, [...] je veux bien accepter la souffrance pour moi, plutôt que pour vous et moi une sorte de médiocrité infirme. »
« Je vous écris comme un aveugle, parce que (...) vous me faites tomber dans une obscurité insupportable. »
« Peut-être ai-je été trop heureux avec vous pendant plusieurs mois, même alors que l'angoisse ne tardait jamais beaucoup à interrompre, au moins pour un temps, un bonheur qui était presqu'un défi. »
La guerre, dans ces lettres, ne semble vue et vécue qu'à travers la tension amoureuse de Bataille :