Lettre autographe signée de Victor Segalen adressée à Emile Mignard, quatre pages rédigées à l'encre noire sur un double feuillet de papier à lettre de papier bois asiatique imprimé en marge de silhouettes et paysages asiatiques bleus. La pliure transversale inhérente à l'envoi a été renforcée à l'aide d'une fine bande de papier japon, ne portant absolument pas atteinte à la lecture. Trace d'onglet de papier blanc.
Emile Mignard (1878-1966), lui aussi médecin et brestois, fut l'un des plus proches amis de jeunesse de Segalen qu'il rencontra au collège des Jésuites Notre-Dame-de-Bon-Secours, à Brest. L'écrivain entretint avec ce camarade une correspondance foisonnante et très suivie dans laquelle il décrivit avec humour et intimité son quotidien aux quatre coins du globe. C'est au mariage de Mignard, le 15 février 1905, que Segalen fit la connaissance de son épouse, Yvonne Hébert.
Segalen, parti du Havre le 11 octobre 1902 en direction de Tahiti, voit son voyage interrompu par la contraction de la fièvre typhoïde qui l'immobilise deux mois à San Francisco. Ce sera l'occasion pour le jeune homme de découvrir China Town, le quartier asiatique qu'il évoque dans cette lettre : « En haine des produits yankees mon cher Emile, je me rejette sur la fabrication chinoise et japonaise. Car il existe ici une ville entière « China Town », exclusivement composée de ce peuple industrieux et fourmilier, qui s'est enclavé dans la grande ville américaine et y a transporté son négoce, sa littérature et ses dieux. [...] Car maintenant et depuis une semaine, je sors tous les jours, matins et soirs, explorant par morceau cette étrange Ville qui ne doit avoir nulle part son équivalent. Ville jeune, en pleine sève, avec ses poussées, en 10 ans, de milliers d'habitants, ses relents d'Orient (qui est ici l'Occident), sa mêlée de races, ses bâtisses délirantes. » Le convalescent profite de son immobilisation pour faire des emplettes : « J'y flâne longuement, dans la ville sino-japonaise ; j'amasse quelques bibelots. J'ai tout un petit attirail, écritoire chinois, compliqué : encre, pinceaux et une cupule d'ardoises, un rien ciselée, pour délayer l'encre... »
Segalen quittera San Francisco pour Tahiti le 11 janvier 1903 : « Je ne pars en dernier ressort que le 11 Janvier. J'ai reçu précisément ce matin, une lettre charmante de Tahiti : mon futur Commandant répond à la mienne et me recommande paternellement de bien me soigner [...] »
Les lettres autographes de Victor Segalen sont d'une grande rareté.