4 juillet 2025
Le Bon genre
L'exemplaire que nous présentons contient la suite complète des 115 planches du Bon Genre, rare et célèbre recueil de mœurs, costumes et divertissements sous l'Empire et la Restauration, à très grandes marges et magnifiquement rehaussées en couleur à l'époque. Habillé d'une exquise reliure, il se distingue par la présence des deux versions des planches 39, d'une insigne rareté.

Ces superbes estampes, gravées au cuivre par Georges Jacques Gatine, Schenker et d'autres ont été réalisées sur des dessins des plus grands peintres de la mode parisienne : Carle Vernet, Philippe-Louis Debucourt, Jean-Baptiste Isabey, Louis-Marie Lanté, Dutailly. Elles furent initialement vendues en supplément du périodique à succès Le Journal des Modes, avant d'être éditées en recueil. Quelques planches portent le nom du graveur et plusieurs celui des dessinateurs.
Cette exceptionnelle galerie de figures est singulièrement représentative d'une période de l'histoire de France au cours de laquelle furent bousculées non seulement les valeurs matérielles, mais aussi morales et intellectuelles. On y peint une partie de la société féminine, frivole et hardie, soucieuse de plaire et versée dans les jeux de l'amour. L'ensemble allie à merveille la satire sociale et le raffinement attendu des gravures de mode. Il comporte les célèbres portraits des « Merveilleuses » et des « Incroyables », demoiselles du Directoire aux tenues extravagantes - représentations qui font aujourd'hui autorité. Belles odalisques allongées sur des lits à la grecque, ou provocantes courtisanes dévêties, tout est propice à la représentation aux atours de ces jolies coquettes, souvent accompagnées d'un aréopage de soupirants ou de domestiques. Robes, chapeaux, fourrures, côtoient d'élégantes silhouettes masculines en redingote ou même quelques travestis (Trois grâces parisiennes, n° 16). Nombre des scènes ont une connotation clairement érotique, notamment les jeux de salon propices aux embrassades et aux positions suggestives.
La danse occupe une place de choix : pas moins de vingt planches figurent des danses de salon à la mode (« Danse du Schall », du nom de cet accessoire qui faisait fureur, figures du quadrille comme « la Poule », « La Trénis », ou plus osées comme la Sauteuse), des ballets, ou même les célèbres danseurs de corde funambules, Ravel et Forioso... Le mouvement des personnages se reflète dans les drapés des grandes robes de mousseline Empire, et des chevelures flottant au vent.
Parmi les dizaines de planches, un très grand nombre est consacré aux lieux de loisir et activités de divertissement disponibles en ce début de XIXe siècle. Gastronomie, jeux d'adresse, sport, acrobaties, cirque, musique et même de véritables attractions à sensation : plusieurs planches représentent les toutes premières montagnes russes parisiennes, installées à Belleville, puis à l'Odéon pour le carnaval en 1817. On y voit clowns, pierrots et figures masquées danser et dévaler à toute allure de raides pentes à bords de petits chariots. Autre invention révolutionnaire, la lanterne magique, ancêtre du cinématographe, fait l'objet d'une très belle planche (n° 31). Ces vues gardent la trace iconographique de grandes figures du spectacle qui se sont produits dans la capitale sous l'Empire : jongleurs indiens de Pall Mall (2 planches), le « Grimacier » italien, l'homme-orchestre, Jacques le Polyphage qui avalait toutes sortes d'objets et animaux, ou encore le fameux duo de chiens acrobates. On y mange de la glace, boit de la limonade, joue à colin-maillard... l'abondance des détails, la finesse d'exécution et l'humour qui se dégagent des scènes en font un ensemble parfait à tout point de vue. L'exemplaire se double d'une provenance prestigieuse, ayant appartenu à la princesse Eugène Murat qui avait assemblé une superbe collection d'ouvrages relatifs à la mode et au costume.

Les planches sont gravées sur cuivre, et toutes imprimées sur vergé et vélin et rehaussées à l'aquarelle à l'époque. L'ensemble contient une planche supplémentaire (soit 116 planches). Deux planches 39 entièrement différentes se suivent, la première : « Les Titus et les cache-folies » fut publiée dans les exemplaires de 1817 et 1822, la seconde : « La Politicomanie », n'apparaît qu'en 1827. Il s'agit de la série la plus complète, qui inclut également les 11 nouvelles planches parues de 1818 à 1822 et numérotées de 105 à 115.
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