Exceptionnelle réunion de ces deux grands textes nietzschéens, les derniers qu'il écrivit avant de sombrer dans la folie.
La Généalogie de la morale, rédigée à Sils-Maria durant l'été 1887, fut imprimée à compte d'auteur à seulement 600 exemplaires, immédiatement après l'échec de Par-delà le bien et le mal : « tout le monde s'est plaint du fait qu'on « ne me comprend pas », et les quelque 100 exemplaires vendus m'ont fait comprendre de façon bien tangible qu'on « ne me comprend pas » (lettre de Nietzsche à Heinrich Köselitz, 18 juillet 1887). La mention au dos de la page de titre de la Généalogie (« ajouté à Par-delà le Bien et le Mal », publié dernièrement, pour le compléter et l'éclairer ») témoigne de cette volonté d'éclaircissement. Les ventes de cet « écrit polémique » – tel est le sous-titre choisi par le penseur – ne remporteront pas le succès escompté : William Schaberg (The Nietzsche Canon) révèle que seulement 203 commandes de l'ouvrage ont été enregistrées deux mois après sa parution ; ce qui n'empêchera pas Nietzsche de commander à Naumann un second tirage de 1 000 exemplaires en octobre 1891.
Longtemps considérée comme un simple addendum, la Généalogie ne sera redécouverte que récemment par le monde universitaire, devenant une œuvre à part entière, aujourd'hui considérée comme l'une des plus importantes de la pensée morale.
Le 7 septembre 1888, Nietzsche adresse un nouveau manuscrit à Naumann :
« Très Honoré Monsieur l'Éditeur, [...] Vous pensez certainement que nous en avons fini avec les impressions : mais voici ! Justement le manuscrit le plus propre que je vous ai jamais envoyé. [...] Son titre est : Loisir d'un psychologue. » L'éditeur lipsien démarre immédiatement l'impression de cette nouvelle œuvre dont le titre deviendra, sous l'impulsion de Peter Gast, Crépuscule des idoles, pied de nez à peine dissimulé au Crépuscule des dieux de Wagner, avec qui Nietzsche s'était brouillé dix ans plus tôt. Habitué à presser son éditeur, le philosophe lui demande cette fois de temporiser l'impression déjà entamée : il lui adresse entre temps l'important chapitre intitulé « Ce que les Allemands sont en train de perdre » ainsi que les aphorismes 32 à 43 des « Flâneries inactuelles ». La version finale se constituera d'un avant-propos, de dix chapitres et d'un extrait d'Ainsi parlait Zarathoustra (« Le marteau parle »). Le premier chapitre, intitulé « Maximes et traits » (« Sprüche und Pfeile »), contient 44 aphorismes, dont les mythiques : « Ce qui ne me tue pas me rend plus fort » ou encore « Sans la musique, la vie serait une erreur ».
L'ouvrage – imprimé à 1000 exemplaires – ne paraîtra qu'en janvier 1889 alors que Nietzsche, à Turin, vient de sombrer dans la folie.