Envoi autographe signé de Jean Tardieu à Marcel Jouhandeau.
Petites traces d'insolations en marge du second plat.
Touchante lettre autographe signée de Georges Bataille à Denise Rollin, 37 lignes à la mine de plomb, petite mouillure en haut à droite, sans atteinte au texte.
Georges Bataille tente de rassurer sa compagne Denise Rollin : « Je t'en supplie. Il ne faut pas t'inquiéter, mais pas du tout. » Elle est partie s'installer à Vézelay où Bataille la rejoindra bientôt. Il est resté à Paris où les bombardements ne perturbent en rien la vie des parisiens : « Tu n'imagines point à quel point les petits dégâts qu'on voit paraissent insignifiants à côté de la place intacte qu'il y a de tous les côtés. Pendant toute l'alerte, j'ai déjeuné bien tranquille avec mon chef de service de passage à Paris (il vit au front) » Bataille n'a pas renoncé à son emploi de bibliothécaire à la Bibliothèque nationale. Tuberculeux, il n'est pas envoyé au front et il en profitera pour rédiger plusieurs textes à cette époque tels que Madame Edwarda ou Le Coupable.
Plus loin, il évoque une visite : « Un peu après, Henri Michaux est venu me voir » Les deux hommes avaient participé à la revue Mesures et avaient en commun d'être à part de la nébuleuse surréaliste. Il se retrouve dans leurs œuvres respectives une violente indépendance et la même tension vers la spiritualité, une forme de mysticisme. Bataille avait fréquenté le séminaire dans sa jeunesse et Michaux a plaisamment dit de lui : « Il donne l'impression d'un séminariste sortant furtivement d'une pissotière. »
Après ces nouvelles presque triviales, Bataille se lance dans une analyse de ses sentiments : « Ce que tu me dis dans ta lettre, c'est pour moi ce qui délivre, c'est comme la nudité, tout ce qui se déchire entre toi et moi. Mais, encore une fois, je ne me suis jamais senti aussi près de toi. » Il demande à sa correspondante : « il faut me dire tout. C'est très doux que j'aie vu où tu es, que je connaisse les chemins que tu prendras, les ponts par où tu passeras. » La sensualité n'est jamais loin du sentiment pour l'auteur : « Dis-moi aussi quelle chambre tu as : pour que je songe à toi dans cette chambre et à tout ce qui arrivera là quand nous serons de nouveau ensemble. »
De cette sensualité, et des sensualités passées, il reste les fruits que sont les enfants. Denise Rollin est partie à Vézelay en compagnie de son fils Jean, surnommé Bepsy : « Tu ne me dis rien de ta vie avec Bepsy [...] Bepsy est-il plus calme : moi aussi je l'ai entendu crier dans tes bras. » Bataille remercie Rollin : « Pour Sylvia je t'ai une immense reconnaissance de m'avoir aidé à changer. » Sylvia Bataille fut la première épouse de Georges Bataille. Ils s'étaient séparés en 1934 mais ne divorceront qu'en 1946. De cette relation, pour l'auteur : « Il ne reste que Laurence et la nécessité d'envisager les choses sans heurt » Laurence était la fille née de ce mariage en 1930. Elle rejoindra Bataille, Rollin et Bepsy en 1943 lorsque son père ira s'installer à Vézelay.
Manuscrit autographe complet signé de Paul Verlaine d'une des Chroniques de l'hôpital, 90 lignes serrées à l'encre noire, au verso de feuillets de l'Assistance publique de Paris.
Chronique de l'une des hospitalisations de Paul Verlaine, se produisant entre septembre 1889 et février 1890. La mention « III » a été rayée au crayon bleu de typographe. Dans leur recueil définitif, le texte se trouve en effet en seconde position. Dans la version publiée par Le Chat noir, le 5 juillet 1890, on ne constate pas de variante avec notre manuscrit. Il s'agit donc du dernier état du texte remis à l'imprimeur.
Jacques Borel situe la rédaction de cette chronique lors d'un passage à l'hôpital Cochin en juin 1890. Verlaine a passé de longs jours hospitalisés au cours de sa vie et plus particulièrement à cette époque. Durant ces séjours, il compose les Chroniques de l'Hôpital, des poèmes en prose en huit parties. Il y mêle l'anecdote, les observations de la vie des malades ainsi qu'une fine analyse poétique du milieu hospitalier.
Verlaine débute par un constat troublant et désabusé : « Décidément, tout de même, il noircit l'Hôpital, en dépit du beau mois de juin [...] Oui, l'Hôpital se fait noir malgré philosophie, insouciance et fierté. » Malgré le beau temps, la rigidité du système, la misère et la maladie assombrissent la vision du poète : « Réprimons toutes objections sous peine d'expulsions toujours dures, même en ce mois des fleurs et du foin, des jours réchauffants et des nuits clémentes, pour peu que l'on loge le diable dans sa bourse et la dette et la faim à la maison. »
La sortie, par expulsion ou pour guérison et la vie à l'extérieur n'offrent pas plus de réconfort que le séjour : « Évidemment nous sortirons tôt ou tard, plus ou moins guéris, plus ou moins joyeux, plus ou moins sûrs de l'avenir, à moins que plus ou moins vivants. Alors nous penserons avec mélancolie [...] à nos souffrances morales et autres, aux médecins inhumains ou bons. » Un sentiment déjà éprouvé lors de ce qu'il appelle « mes entractes », temps où il n'est pas hospitalisé.
Car à la sortie de l'hôpital, c'est une vie de misère qui l'attend, malgré sa reconnaissance déjà acquise. Sa misère, Verlaine la met en parallèle de celle de la classe ouvrière qui partage ses séjours dans des hôpitaux. Le poète appelle à la résignation ses « frères, artisans de l'une et de l'autre sorte, ouvriers sans ouvrage et poètes... avec éditeurs, résignons-nous, buvons notre peu sucrée tisane ou ce coco, avalons bravement qui son médicament, qui son lavement, qui sa chique ? ! Suivons bien les prescriptions, obéissons aux injonctions, que douces nous semblent les injections et suaves les déjections, et réprimons toutes objections ». Avec eux, le poète souhaite profiter de la beauté du mois de juin en reprenant deux vers de la Chanson sentimentale de Xavier Privas : « Nous nous plairions au grand soleil. Et sous les rameaux verts des chênes, nous, les poètes, aussi bien qu'eux, les ouvriers, nos compagnons de misère. » Égaux devant le malheur, qu'ils soient actifs ou oisifs, pourraient-ils ressentir de la nostalgie une fois dehors : « Et peut-être un jour regretterons-nous ce bon temps où vous travailleurs, vous vous reposiez, où nous, les poètes, nous travaillions, où toi l'artiste, tu gagnais ton banyuls et tes tods ? »
Malgré cette rêverie, Verlaine est « las de tant de pauvreté (provisoirement, croyez-le, car si habitué, moi, depuis cinq ans ? !) » et il conclut, amer par le constat d'une médecine moderne sans humanité : « l'Hôpital avec un grand H, l'idée atroce, évocatrice d'une indicible infortune, de l'Hôpital moderne pour le poète moderne, qui ne peut, à ses heures de découragement, que le trouver noir comme la mort et comme la tombe et comme la croix tombale et comme l'absence de charité, votre Hôpital moderne tout civilisé que vous l'ayez fait, hommes de ce siècle d'argent, de boue et de crachats ? ! »