Édition originale de la traduction de ces contes tirés de L'homme qui voulut être roi et Les bâtisseurs de ponts, par Louis Fabulet et Robert d'Humières. Exemplaire numéroté sur papier des Manufactures de Rives. Infimes frottements sur le mors supérieur et les coins inférieurs.
Illustrée d'un frontispice de Paul Colin.
Habillée d'une élégante reliure en demi maroquin bleu marine à coins, dos à cinq nerfs aux pièces de maroquin mosaïquées, rouges, vertes et jaunes à motifs floraux, date dorée en queue, plats de papier abstrait coloré, filets dorés en encadrement des plats, contreplats et gardes de papier bleu moucheté, couvertures et dos conservés, tête dorée, reliure signée Grégoire Lévitsky.
Enrichi d'un exceptionnel extrait autographe signé du poème "France" de Rudyard Kipling sur la page de faux-titre, avec quelques variantes inédites. Cette magnifique ode fut composée en célébration de la visite officielle du président Poincaré à Londres le 24 juin 1913 et deviendra l'épitome de l'Entente cordiale entre la France et le Royaume-Uni. Kipling fera même l'enregistrement sonore de cette strophe le 23 novembre 1921 lors d'une visite à Paris:
"Broke to every known mischance - lifted over all
By the light, sane joy of life - the buckler of the Gaul.
Furious in luxury, merciless in toil.
Terrible with strength renewed from her tireless soil.
First to seek new truth and last to leave old truths behind
France, beloved of every soul that loves and serves mankind
"France"
1913"
Kipling employa à nouveau ce poème en préface de son livret France at War publié en 1915, après sa première publication dans le Morning Post (24 juin 1913). Au lendemain de la guerre, Kipling reçut un diplôme honorifique de l'Université de Paris. A cette occasion, il fit la lecture de cet exact passage du poème, dont l'enregistrement est désormais conservé au sein de la phonothèque de la Bibliothèque nationale de France (Université de Paris, Archives de la parole).
Il est intéressant de noter que les vers choisis pour cet envoi autographe, très certainement chers à leur auteur, ont été pensés comme un refrain qui ouvre et achève son poème "France". Les deux versions - l'une introductive et l'autre finale - publiées dans le poème présentent entre elles de menues variantes. Kipling les a rassemblées ici en une seule version dans cet extrait manuscrit, avec quelques variantes inédites, notamment dans le vers final "France, beloved of every soul that loves and serves mankind" : tandis que la version introductive originale donnait "that loves or serves its kind!" et celle en fin de poème donnait "that loves its fellow-kind!" Kipling fit le choix de remplacer "La France, chère à tous ceux qui aiment et servent ses semblables" par "qui aiment et servent l'humanité" tout entière, donnant davantage de puissance à la célébration de l'universalisme français. L'autre variante inédite et éloquente se trouve dans le vers "First to seek new truth" (la première à chercher les verités nouvelles) choisie au lieu de "First to face the Truth" (la première à faire face à la vérité) ou "First to follow Truth" (la première à suivre la vérité).L'amour de Kipling pour la France remonte à son enfance, lors de sa première visite Paris avec son père qu'il conta dans Something of Myself. Sa découverte de l'exposition universelle de 1878 fut "une véritable éducation qui a scellé [s]on amour pour la France".
Véritable prémonition de la nécessité d'une alliance franco-britannique, ce poème écrit à l'aube de la guerre connut un grand succès en France - selon son biographe Lord Birkenhead, il "eut un effet électrique sur ce pays et influença même le cours des relations internationales." Il fut maintes fois traduit en français, notamment par José de Bérys avec l'approbation de Kipling ("Le Poème à la France", La Nouvelle Revue , 1 sep. 1919, p. 16) dont voici les vers correspondant à l'extrait manuscrit :
"Toi qui, dans la tourmente et les calamités
Vainquis par la santé de tơn libre génie,
Tu tires de ton sol une force infinie,
O France, dans le luxe et la sérénité.
Tu sais ce que tu vaux, Nation immortelle,
La dernière à quitter les vieilles vérités,
La première à goûter les vérités nouvelles,
O France, douce aux cœurs épris d'humanité!"
Une magnifique déclaration poétique de Kipling considérée par Carrington comme "un hommage au caractère national français dans des termes très différents de la vision anglaise conventionnelle" célébrant "son attachement à l'entente anglo-française, fondement solide de ses idéaux politiques pour le reste de sa vie" (Charles Carrington, Rudyard Kipling, his life and work, 1955, p. 415).