Lettre autographe signée de Jean Paulhan adressée au libraire Robert Chatté, dix-huit lignes rédigées à l'encre noir d'une écriture ronde sur un feuillet à en-tête de la NRF.
Belle et intéressante lettre dans laquelle Paulhan, alors directeur de la Nouvelle Revue Française qu'il vient de ressusciter, évoque le succès d'Histoire d'O : « J'ai une Histoire d'O pour toi. Il me semble que - tirée disent-ils à 600 - il a bien dû s'en vendre déjà quelques 3000. » Roman sulfureux écrit par la mystérieuse Pauline Réage, Histoire d'O, dont Jean Paulhan rédigea la préface, fit couler beaucoup d'encre. Il fut même un temps soupçonné d'avoir lui-même composé ce désormais classique de la littérature sadomasochiste. On attribua enfin le texte à Dominique Aury, secrétaire de la Nouvelle Revue Française, qui avoua finalement en 1994 (à l'âge de 86 ans !) au New Yorker l'avoir écrit pour séduire Paulhan : « Je n'étais pas jeune, je n'étais pas jolie. Il me fallait trouver d'autres armes. Le physique n'était pas tout. Les armes étaient aussi dans l'esprit. "Je suis sûr que tu ne peux pas faire ce genre de livres", m'avait-il dit. Eh bien, je peux essayer, ai-je répondu. »
Jean Paulhan entretint une correspondance suivie avec son ami libraire, spécialiste des ouvrages érotiques, dont Jean-Jacques Pauvert évoque le souvenir dans ses mémoires : « Début 54 [...] j'avais fait la connaissance de Robert Chatté, le mystérieux libraire de Montmartre. Robert Chatté, grand, mince, très bien élevé, avec des oreilles décollées étonnantes, exerçait en appartement, prenant un grand luxe de précautions. Il n'ouvrait sa porte que si l'on usait d'un certain signal. »
Paulhan informe enfin l'énigmatique personnage : « Sais-tu que les Sapates de Ponge-Braque ne sont pas épuisées ? Je puis t'en avoir à 50 000 (non, je ne prends rien pour moi). C'est le plus beau livre de luxe que j'aie jamais vu : bouleversant. »