Carte plastifiée d'employé à la Warner Bros au nom de Luis Buñuel, comportant le logo de la compagnie. Au recto une photographie anthropométrique du réalisateur ainsi que sa signature manuscrite ; sous cette signature se trouve celle de Blayney Matthews, chef de la sécurité. Empreinte digitale et caractéristiques physiques de Luis Buñuel au verso.
C'est en décembre 1930 que Luis Buñuel effectue pour la première fois le voyage entre Paris et New-York où les studios de la M.G.M l'embauchent pour le former aux techniques du cinéma américain. Son nouveau contrat en poche, il part alors s'installer à Hollywood. Cependant, à peine quatre mois plus tard, il rompt son engagement et repart en Europe. Cette même année, il est mis en relation par son ami Claude de la Torre avec les studios de la Paramount à Joinville, en région parisienne, afin de superviser les traductions et les doublages des films en espagnol. La plupart de ses collaborations se sont faites de manière anonyme, il est donc difficile de savoir avec précision à quelles productions il a participé. Il alterne cet emploi avec différents séjours en Espagne jusqu'en 1934 et finit par s'installer à Madrid où la Warner l'engage pour les mêmes tâches. La guerre civile espagnole le contraint à rejoindre la France en septembre 1937 ; il n'y restera qu'une année avant de repartir aux Etats-Unis.
Cette carte de la Warner a été délivrée à Luis Buñuel en 1944, à l'occasion de son troisième séjour à Hollywood (Burbank) qui durera près d'un an et demi et qui sera certainement le plus intense. Il était initialement prévu que Buñuel produise et réalise des versions espagnoles des grands succès de la Warner. Dans un télégramme du 21 juin 1944 à Max Aub, il annonce même : « M. Warner m'a donné la permission de faire des films en anglais ». Mais tous les projets sont abandonnés au fur et à mesure et il ne reste que des collaborations anonymes à plusieurs projets dont la plus célèbre fut celle au film The Beast with five fingers, particulièrement la scène de la main dans la bibliothèque que Buñuel affirme avoir écrite sans en avoir eu le crédit (Buñuel, Mon dernier soupir, Laffont, 1982). Cinéaste mais avant tout émigré, il est finalement employé à divers postes qui consistent principalement à remanier les productions anglophones de la Warner destinées aux marchés espagnol et sud-américain.
Frustré par ce manque de liberté artistique, il a toutes les peines du monde à s'adapter au système normé de la grande maison de productions cinématographiques. Buñuel gardera alors un goût amer de cette expérience qui fera naître chez lui une relation contradictoire d'amour et de haine avec les Etats-Unis.
Le 17 novembre 1945 la Warner met fin à son contrat, les doublages en langue espagnole et portugaise ayant été exportés en Amérique latine pour des raisons de coût et de relations politiques entre les Etats-Unis et l'Amérique hispanophone et lusophone. Buñuel passe encore quelques mois à Los Angeles avant de partir s'installer au Mexique. L'expérience américaine de Buñuel est finalement contrastée : bien qu'elle lui ait procuré une certaine aisance financière, elle ne lui a pas permis d'atteindre ses ambitions cinématographiques. Le cinéaste y parviendra finalement : il reprendra au Mexique son activité de réalisateur et obtiendra le prix de la mise en scène du Festival de Cannes en 1951 pour son drame social Los Olvidados.
On joint le stylo en plaqué or Cartier modèle Vendôme de Buñuel, accessoire fétiche du réalisateur tout au long de sa carrière.