Billet autographe signé d'Antoine Blondin envoyé depuis Laval à Roger Nimier, surnommé "Ma Gégette", à son bureau de la N.R.F. , enveloppe jointe.
Dans ce billet rédigé sur un morceau de page quadrillée de cahier d'écolier, toute la verve et l'humour d'Antoine Blondin mettent parfaitement en exergue ses deux marottes : l'alcool et les femmes.
"Ma Gégette,
je passe du Chateau-Larteau de chez Kreesmann au Kreesmann Royal sans autre succès qu'un léger penchant à me rendre plus que de raison sur la grand'place où je sirote des pernods coloniaux en regardant passer des effrontées de l'Imprimerie Floch aux caractères un peu gras.
Les garnisons littéraires sont moroses.
A toi
Antoine."
Ce billet est accompagné d'un très court autre, toujours sur papier quadrillé de cahier d'écolier, sur lequel sont tracés ces mots : "Nous avons aussi nos friponnes, voir pièce jointe."
La pièce jointe mentionnée correspond à un polisson billet manuscrit, rédigé dans une orthographe phonétique et plus que fantaisiste, par une des friponnes évoquées ci-dessus, proposant un rendez-vous galant à Antoine Blondin, certainement par une femme de chambre de l'hôtel dans lequel il réside. En voici le texte avec toutes les fautes retranscrites :
"Si le monsieur du 8 voeux que je lui broute sa kékète de voillou, île faux draps kil attende que jet fini les chembres. Après je sortiraie avec Mamen et masseur."
Mais ne serait-ce pas Antoine Blondin lui-même, fortement entrainé par sa propension à l'éthylisme, qui fut le véritable auteur de ce billet farceur aussi salace qu'enfantin?
Humoristique témoignage de la complicité et de la fraternelle amitié qui unissait ces deux noceurs, chefs de file, "malgré eux" des "Hussards".
A propos de la très grande amitié qu'il témoignait à Roger Nimier et du mythe des Hussards, Antoine Blondin déclara à Emmanuel Legeard qui l'interrogeait : « Ce sont les "hussards" qui sont une invention. Une invention "sartrienne". En réalité, l'histoire, c'est mon ami Frémanger, qui s'était lancé dans l'édition, qui avait un seul auteur, c'était Jacques Laurent, et un seul employé, c'était moi. Laurent écrivait, et moi je ficelais les paquets de livres. Donc on se connaissait, on était amis, et d'autre part... d'autre part, Roger Nimier était mon meilleur ami. Nimier, je le voyais tous les jours. Je l'ai vu tous les jours pendant treize ans. Mais Laurent et Nimier ne se fréquentaient pas du tout. Ils avaient des conceptions très différentes. On n'a été réunis qu'une seule fois. On s'est retrouvés rue Marbeuf, au Quirinal, pour déjeuner. On a discuté de vins italiens et de la cuisson des nouilles. Pendant deux heures."