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VENDU

Réf : 52073

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Antoine de SAINT-EXUPERY

Pilote de guerre

Editions de la maison Française, New-York 1942, 12x19cm, relié sous étui.

Edition originale, un des 8 seuls exemplaires ornés de dessins répertoriés à ce jour.

Reliure en plein maroquin noir, dos à cinq nerfs, date dorée en queue, gardes et contreplats de daim bordeaux, tête dorée, couvertures et dos conservés, étui de maroquin noir, plats de papier marbré, élégant ensemble signé Goy & Vilaine.

Exemplaire du tirage courant portant, sur le faux-titre, un envoi autographe signé d'Antoine de Saint-Exupéry à Henri Laugier : « Pour Henri Logier [sic], avec mon amical souvenir. »
Précieux exemplaire ¹ enrichi de trois dessins originaux de Saint-Exupéry à l'encre contrecollés par l'écrivain lui-même (en témoignent la disposition des dessins et la bulle s'échappant de l'un des personnages, à la manière d'une bande dessinée).
 
Deux dessins (a et b) représentant des personnages accompagnent l'envoi (43 x 18 et 82 x 48 mm) ; le troisième (c), figurant une devinette mathématique (67 x 52 mm), a été placé au verso du faux-titre.
 
(a) personnage masculin au chapeau, avec suite de multiples de 12 (12, 48, 60, 120 et 192)
 
(b) personnage aux cartes à jouer (autoportrait) : six virevoltent autour de lui, la septième, dans sa main, est un as de pique
 
(c) devinette mathématique avec figures de cartes à jouer.
La couverture, le second feuillet blanc et le faux-titre portent le timbre humide du « 3^rd Photo Group / A[irforce] P[ost] O[ffice] 520 / V[olunteer] S[ervice] [to the] A[ir] F[orce]», escadron de l'US Army Air Force commandé par le colonel Elliott Roosevelt, fils du président des États-Unis. C'est à cet escadron que fut rattaché le groupe de reconnaissance II/33 intégré par Saint-Exupéry le 26 novembre 1939 – dont il relate l'épopée, précisément, dans Pilote de guerre –, et qu'il retrouvera le 4 juin 1943, puis le 15 mai 1944. Cet exemplaire devait donc accompagner Saint-Exupéry en 1943, avant qu'il ne l'offre à Henri Laugier.
 
Si Antoine de Saint-Exupéry est de ces écrivains qui ne cessent de dessiner, « sur des feuilles volantes, des nappes de restaurants, de vieilles factures ² ». Seules, huit dédicaces ornées d'un dessin ont été répertoriées, dont la nôtre ³. Sa préférence va, comme ici, à l'encre, dont il use pour croquer de petites silhouettes expressives, de plus en plus épurées.
 
L'autoportrait caricatural (b) est un motif récurrent chez Saint-Exupéry ⁴, qui donnera naissance à la figure du Petit Prince en 1943. à partir du début des années 1940, on trouve plusieurs exemples comparables à notre croquis ⁵. Saint-Exupéry, connu pour ses tours de cartes qui émerveillent les spectateurs, s'est donc représenté entouré de cartes, un as de pique à la main. L'expression « as de pique » est aussi cette insulte désuète qui désigne tantôt un imbécile, tantôt un être curieux et drôle, tantôt une personne mal habillée. Par ailleurs, dans les pages de Pilote de guerre, l'écrivain rapporte un rêve dans lequel intervient cette carte : « Assieds-toi là », demande-t-il à un camarade, « je vais te faire un tour de cartes… Et je suis heureux de lui trouver son as de pique. »
Les croquis (a) et (c) révèlent quant à eux le talent de Saint-Exupéry pour l'invention de devinettes mathématiques et de jeux à partir de symboles ou d'anagrammes, grâce auxquels il ne cesse de charmer son entourage. Ainsi, en 1939 puis en 1943 et 1944, le pilote veille au moral du groupe de reconnaissance II/33 et soumet à ses camarades ces petites créations, quand il ne leur fait pas un de ses mythiques tours de cartes ⁶. Ces croquis sont rarissimes puisqu'aucun dessin similaire ne semble avoir été conservé.
 
Le dédicataire de l'envoi, le physiologiste Henri Laugier (1888-1973), avait pris la tête du CNRS en 1939, avant de rejoindre l'Université de Montréal. Il dirige alors les publications du groupe France Forever qui réunit les Français Libres et leurs soutiens américains, groupe placé un temps sous la houlette d'un ami de Saint-Exupéry, le fabricant d'avions Michel Wibault. C'est probablement à cette époque que Laugier fit la connaissance de l'écrivain. Laugier rallie le Général de Gaulle en 1943 ; trois ans plus tard, il est nommé Secrétaire général adjoint de l'ONU. Laugier et Saint-Exupéry se sont revus en décembre 1943, au Cercle Interallié à Alger, où le scientifique avait été nommé, par le Général, recteur d'Académie, chargé de la réorganisation de l'enseignement en Algérie ; mais leurs relations se dégradèrent. à moins que les deux hommes ne se soient réconciliés avant la mort de Saint-Exupéry, cette brouille laisse supposer que l'envoi et les dessins datent plus vraisemblablement de 1943, et non de 1944 comme l'avance Delphine Lacroix dans son ouvrage ⁷.
 
Ex-libris du bibliophile et aviateur russe ?. ?????? (Nikolaï Yatsenko).
 
Exemplaire unique, témoignage émouvant de la personnalité facétieuse et spirituelle de Saint-Exupéry.


1. Delphine Lacroix, Saint-Exupéry. Dessins..., p. 247, n° 382, exemplaire cité et page de titre reproduite.
2. Ibid., p. 10.
3. Ibid., n° 375, 378, 379, 380, 382, 393, 394, 422.
4. E. Chadeau, Saint-Exupéry, p. 380-381.
5. A cet égard, voir un dessin très proche et titré « Ça c'est moi », dans D. Lacroix, op. cit., p. 247, n° 380.
6. S. de la Bruyère, Saint-Exupéry, une vie à contre courant, p. 354 et 434.
7. D. Lacroix, Op. cit., p. 247.

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