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Picasso : Le Maître et La Plume

Picasso : Le Maître et La PlumePicasso : Le Maître et La Plume
Enquête sur une élégante lettre autographe multicolore de Pablo Picasso à Max Pellequer, signée et datée par l'auteur du 20 décembre 1955. Un feuillet au crayon multicolore (bleu, vert, orange et rouge).

Cette œuvre d'art littéralement « graphique » constitue un superbe maillon polychrome de la chaîne épistolaire qui lia le plus grand artiste du XXe siècle à son principal mécène.
 
 

Malgré son intense correspondance, les lettres entièrement autographes de Picasso sont d'une très grande rareté, comme le souligne Laurence Madeline dans l'article qu'elle consacre à cette confidentielle activité de l'immense artiste : « L'inertie paralysant Picasso, qui préfère son travail d‘artiste à celui de secrétaire, rend plus essentielles et plus touchantes les lettres qu'il se plaît à rédiger » (in « Picasso épistolier », L'Herne, n° 106).

Installé sur les hauteurs de Cannes, le peintre est en effet épaulé par son fidèle secrétaire et ami d'enfance Jaume Sabartés. Celui-ci se charge de l'écriture de nombreuses missives – à l'exception notable de celles adressées à Pellequer, pour lequel l'artiste rédige chaque lettre, même les plus anodines, d'une ample et voluptueuse écriture, jouant des lettres et des mots comme autant d'objets graphiques s'assemblant et se répondant esthétiquement dans l'espace de la feuille, en parfait décalage avec le prosaïsme du message. On pourra même arguer que son âme d'artiste a largement envahi sa correspondance courante et administrative avec son banquier et ardent collectionneur de ses œuvres.

Une partie de la correspondance Picasso, Pellequer est d'ailleurs conservée au musée national Picasso à Paris.

Un destinataire hors du commun.

Le banquier et collectionneur Max Pellequer fut présenté à Picasso en 1914 par son oncle par alliance André Level. Il sera rapidement l'un de ses plus importants collectionneurs et, plus tard, son conseiller financier pendant plus de 30 ans.
L'intérêt de Pellequer pour les œuvres de Picasso commence dès les années 1910, notamment par le bouffon en bronze qu'il acquiert auprès d'Ambroise Vollard.
Pendant les années 1930 et 1940, il devient le banquier personnel du peintre dont il assure la fortune et lui permet de s'installer confortablement dans le Sud de la France. Les deux hommes entretiendront tout au long de leur vie une intense amitié et complicité artistique. Picasso réalise notamment pour Pellequer un superbe ex-libris sur cuivre ; lui achète des toiles dont La mer à L'Estaque de Cézanne [conservée au Musée Picasso, Paris] ; en échange d'autres et lui fait don de plusieurs œuvres. Amateur averti et passionné, Pellequer constitua une des plus belles collections de toiles de grands maîtres de l'art moderne : Degas, Raoul Dufy, Paul Gauguin, Fernand Léger, Henri Matisse, Joan Miró, Modigliani, and Maurice Utrillo, aujourd'hui conservés dans les plus importants musées internationaux.

L'« art épistolaire » de Picasso.

La production épistolaire de Picasso agissait comme un exutoire à son incessante énergie créatrice qui se déclinait en céramiques, sculptures, photographies, illustrations, collages, ou poésies… Chaque lettre était propice à l'éclosion du génie, qu'importe le contenu administratif de ses échanges avec Pellequer. Peut-être pour en contrer la platitude, Picasso redoublait-il d'efforts : une explosion de couleurs, des lettres calligraphiées en travers de la page…  afin de conjurer la banalité du sens par l'élégance de la forme et parer ses mots de teintes chatoyantes aux pastels gras, feutre noir ou crayons de couleurs. Aussi, ces lettres de l'alphabet, chiffres, mots, phrases, posés sur le papier comme autant de gammes musicales, sont rendus littéralement vivants par la puissance créatrice du peintre.  

Les années de la Californie à Cannes.

Installé avec Jacqueline Roque dans la villa La Californie, le peintre réalise au moment de cette lettre une série de captivants portraits lithographiés de sa compagne. Paradoxalement, cette lettre colorée correspond à une période très monochrome de son œuvre – un superbe pendant aux lavis de noir sur zinc. La mort de Matisse était survenue un mois plus tôt, avec qui Pellequer entretenait aussi une correspondance.

Très belle et visuelle illustration du besoin d'expression totale de Picasso, au travers de sa correspondance avec l'un de ses proches conseillers et amis.  

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