Brouillon autographe de l'auteur de 2 pages et 4 lignes in-8 recto-verso avec des ajouts, corrections et biffures. On joint le tapuscrit d'une lettre d'explication de Xavier de Lignac sur la démission [1er novembre 1941] : 2 feuillets in-4 (27 x 21 cm) foliotés.
Fondée en 1940, l'association Jeune France, placée sous l'égide du gouvernement de Vichy et financée par lui, visait, au prétexte de venir en aide aux jeunes artistes, à l'adhésion de la jeunesse à la Révolution nationale : « Si le gouvernement ne surveillait les projets que de loin en loin, l'idée générale demeurait de réorganiser la vie culturelle d'un pays à demi occupé et de rénover l'inspiration française, en en passant par une réconciliation de l'artiste avec le peuple. » (BIDENT Christophe, Maurice Blanchot : partenaire invisible, p. 162)
Georges Pelorson, nommé au Ministère de l'Education nationale, quitte son poste à la direction de la Section Littérature de Jeune France au début de l'année 1941 et souhaite voir Maurice Blanchot le remplacer. Blanchot, d'une grande discrétion, accepte, essentiellement pour des raisons pécuniaires, les collaborateurs de l'association étant très bien rémunérés. Il s'y montre peu actif, son biographe allant jusqu'à dire : « Il semble [...] qu'il soit venu pour ne rien faire. » (ibid., p. 160).
Peu à peu, l'atmosphère au sein de Jeune France change : le gouvernement lui demande désormais de rendre des comptes. A l'automne 1941, les tensions internes se multiplient. Maurice Blanchot, aux côtés de Xavier de Lignac, rattaché à la direction générale, et de Romain Petitot, chargé du théâtre avec Jean Vilar, croit encore en la possibilité d'une préservation de l'autonomie de l'association. Mais la parution d'une plaquette réalisée par la direction met le feu aux poudres. Selon son biographe, Blanchot serait l'instigateur de la fronde à venir. Le 27 octobre, Lignac rédige deux notes à destination de Pierre Schaeffer, fondateur de Jeune France, dénonçant les compromissions avec le gouvernement. Puis le lendemain, alors que Lignac et Schaeffer s'entretiennent sans trouver d'accord, Blanchot rédige cette lettre de démission commune à lui, Lignac et Petitot, que Schaeffer recevra le 29 octobre : « Il est nécessaire de préciser dans quel esprit certains collaborent à Jeune France et peuvent remplir les tâches qui leur sont demandées. Au cours de l'entretien avec le directeur de Jeune France [Pierre Schaeffer, le 28 octobre], il a été fait allusion au rôle de ces collaborateurs qui auraient par devoir rassemblé les écrivains et les artistes, de les grouper dans une sympathie intellectuelle puis dans une véritable amitié afin de leur faire créer de la vie [ ?]. [...] Il y a là beaucoup d'équivoques. D'abord, on ne rassemble pas des écrivains et des artistes ; on ne les groupe pas à moins de les enfermer dans quelque association corporative ou professionnelle [...]. Que peut signifier cette vocation à grouper des esprits dont le destin est la solitude, la recherche personnelle, la vie séparée ? Il s'agit de les rassembler parce que les circonstances politiques momentanées ont rendu familière l'idée de corporation et de communauté, il n'y a pas à s'arrêter à ce projet de simple opportunisme. »
Le 1er novembre, Lignac transmet à Schaeffer une deuxième lettre expliquant les raisons de cette démission, lettre qui s'adresse à tous les membres de Jeune France. Nous en joignons le tapuscrit, dont il existe un brouillon corrigé de la main de Blanchot (ibid., p. 164) : « Nous avons bien été forcés de reconnaître que les rapports de J.F. avec les pouvoirs politiques s'étaient développés d'une manière qui risque d'en changer le caractère et de compromettre tout effort pour maintenir intactes les conditions de la création artistique. [...] Nous avons donc, désormais, la conviction que la direction de J.F., par ignorance de la nature de l'art, tend à faire de ce groupement un piège, en offrant aux artistes une liberté d'apparence et en les tentant par quelques œuvres dont l'activité générale de l'association ne peut que discréditer le sens exemplaire. »
Au cours des semaines suivantes, Lignac négociera avec Vichy la création d'une nouvelle association « pour la défense et l'illustration des valeurs artistiques », à laquelle Blanchot devra prendre part en qualité de membre du conseil associatif. Mais l'arrivée au pouvoir de Pierre Laval en avril 1942 rendra définitivement caduque l'espoir d'un groupe indépendant et l'association ne verra jamais le jour.
Passionnant ensemble sur le refus de Blanchot de se soumettre directement à Vichy.