Tapuscrit recto seul, présentant des biffures et des corrections autographes à l'encre noire. En ouverture de la troisième partie, « Digressions sur le roman », huit feuillets manquent : « Mallarmé et l'art du roman », paginés de 128 à 135.
Début 1943, Gaston Gallimard et Dionys Mascolo proposent à Maurice Blanchot de publier en volume une sélection de ses chroniques littéraires. En mai 1943, l'ouvrage, sous le titre de Digressions, est autorisé par la Commission de contrôle du papier d'édition de Vichy. Mais, avant la fin de l'été, Blanchot décide d'en changer le nom, en témoigne une lettre datée du 30 août de Mascolo à la secrétaire de la Commission, Mme Antelme (alias Marguerite Duras) : « Le texte des "Digressions" autorisé en mai (n° 18159) paraîtra sous le titre de "Faux-Pas". » Toutefois, Blanchot conservera le terme de digression pour baptiser trois de ses parties : « Digressions sur la poésie », « Digressions sur le roman » et « Digressions sans suite ».
Ce jeu d'épreuves, corrigé entre le mois de mai et le mois d'août 1943, révèle un stade intermédiaire et passionnant de la conception du livre. En effet, il dévoile la nécessité du choix consciencieux des articles (qui met davantage l'accent sur les luttes de l'écrivain à l'œuvre que sur le renouveau ou l'actualité de la création) et de leur ordonnancement, ainsi que l'effort d'harmonisation du texte.
Ces épreuves montrent que Blanchot a alors sélectionné cinquante chroniques parues les années précédentes dans Le Journal des Débats, mais aussi dans L'Insurgé et La Revue française des idées et des œuvres : quatre, qui ne paraîtront qu'aux mois de juillet, août et septembre 1943 dans la presse (« Le mythe d'Oreste », « Le mythe de Phèdre », « Poésie et langage » et « Après Rimbaud »), seront ajoutées au cours des dernières semaines précédant la publication de l'ouvrage en décembre.
Mais Blanchot a d'ores et déjà établi le découpage en quatre grands ensembles : le livre s'ouvrira sur une première partie consacrée à l'expérience intérieure et à la question du langage, introduite par un remarquable texte inédit qui s'intitule encore « Un écrivain qui écrit : "Je suis seul" » et qui deviendra « De l'angoisse au langage ». La deuxième partie sera dédiée à la poésie, la suivante, au roman, et la dernière, plus hétéroclite, traitera à la fois de Goethe, Claudel ou Gide.
Les corrections autographes de la pagination et des numéros de chapitres témoignent de ce minutieux travail de construction imposé par un tel ouvrage, le premier recueil critique de Blanchot, qu'il refuse de concevoir comme une simple compilation. Quant aux corrections dans le corps du texte, elles visent notamment à supprimer les informations jugées journalistiques et les passages au ton trop docte : par exemple, « Le Journal de Kierkegaard, dont vient de publier en un premier volume des extraits qui se rapportent aux années 1834 à 1846 (éditions Gallimard) » disparaît au profit d'une formulation allégée. Elles montrent surtout le souci stylistique de Blanchot, qui ne cesse de reprendre certaines formulations, s'affirmant déjà comme un critique-écrivain : « L'écrivain se trouve dans cette condition de plus en plus comique de n'avoir rien à écrire, de n'avoir aucun moyen de l'écrire et d'être contraint par une nécessité extrême de toujours l'écrire. N'avoir rien à exprimer doit être pris dans le sens le plus simple. Quoi qu'il veuille dire, ce n'est rien. Le monde, les choses, le savoir ne lui sont que des points de repère à travers le vide. Et lui-même est déjà réduit à rien. Le rien est sa matière. Il rejette les formes par lesquelles elle s'offre à lui comme étant quelque chose. Il veut la saisir non dans une allusion mais dans sa vérité propre. Il la recherche comme le non qui n'est pas non à ceci, à cela, à tout, mais le non pur et simple. »