Edition originale rarissime relatant le procès de Martin Guerre par le juge du procès Jean de Coras et auquel participeront Michel de Montaigne et Jean Papon, conviés par Coras lui-même.
Deux tirages de cette édition ont été répertoriés. Le plus fréquemment rencontré comporte quelques différences avec notre exemplaire : la pagination commence après les cahiers ** et s'étend sur 113 pages ; on distingue également une petite variante dans la marque du libraire.
à l'inverse, seuls 5 exemplaires de notre version de l'ouvrage (117 pages ; pagination incluant les feuillets **3 et **4) sont répertoriés dans les bibliothèques : BNF (Paris), Bibliothèque Louis Aragon (Amiens), Folger Shakespeare Library (Washington), Staatliche Bibliothek (Amberg, Bavière) et Staatsbibliothek (Berlin).
Reliure strictement de l'époque en plein vélin crème, très bien conservé hormis quelques petits manques sur les coupes supérieures.
Quelques taches anciennes sur la page de titre, une très pâle mouillure dans l'angle intérieur du second feuillet, une autre plus étendue mais néanmoins claire sur les quatre premiers feuillets, en marge basse.
Ex-dono biffé en page de titre.
Le procès Martin Guerre est l'une des plus célèbres affaires de la justice française.
à l'été 1548, Martin Guerre, accusé d'avoir volé son père, quitte son village d'Artigat (Ariège). Il laisse derrière lui sa femme Bertrande de Rols, épousée très jeune, et leur fils Sanxi - né bien après la célébration du mariage, le couple ayant longtemps été « maléficiez » (en raison de l'impuissance de Martin). La jeune femme ne se remaria pas. Huit ans plus tard se présenta au village un homme qui prétendait être Martin Guerre. Son apparence ainsi que les détails précis qu'il put fournir sur la vie du disparu lui valurent d'être accueilli à bras ouverts par ses proches. Le faux Martin Guerre intégra alors le foyer familial et eut deux autres enfants.
Cependant l'oncle de Martin Guerre nourrissait quelque soupçons'étonnant que son « neveu » ne pratiquât plus l'escrime. Le village se divisa alors en deux camps : celui qui soutenait la thèse de l'usurpation d'identité et celui qui, à l'instar de Bertrande, semblait persuadé de l'honnêteté de cet homme (il est plus vraisemblable, comme le remarque l'historienne américaine Natalie Zemon Davis, que sa femme s'accommoda en toute connaissance de cause de ce « nouvel époux »). Pourtants'étonnant que son « neveu » ne pratiquât plus l'escrime. Le village se divisa alors en deux camps : celui qui soutenait la thèse de l'usurpation d'identité et celui qui, à l'instar de Bertrande, semblait persuadé de l'honnêteté de cet homme (il est plus vraisemblable, comme le remarque l'historienne américaine Natalie Zemon Davis, que sa femme s'accommoda en toute connaissance de cause de ce « nouvel époux »). Pourtants'étonnant que son « neveu » ne pratiquât plus l'escrime. Le village se divisa alors en deux camps : celui qui soutenait la thèse de l'usurpation d'identité et celui qui, à l'instar de Bertrande, semblait persuadé de l'honnêteté de cet homme (il est plus vraisemblable, comme le remarque l'historienne américaine Natalie Zemon Davis, que sa femme s'accommoda en toute connaissance de cause de ce « nouvel époux »). Po, s'étonnant que son « neveu » ne pratiquât plus l'escrime. Le village se divisa alors en deux camps : celui qui soutenait la thèse de l'usurpation d'identité et celui qui, à l'instar de Bertrande, semblait persuadé de l'honnêteté de cet homme (il est plus vraisemblable, comme le remarque l'historienne américaine Natalie Zemon Davis, que sa femme s'accommoda en toute connaissance de cause de ce « nouvel époux »). Pourtant, des témoignages vinrent bientôt corroborer les doutes de l'oncle : un voyageur affirma que le vrai Martin Guerre avait perdu une jambe dans une bataille, probablement à Saint-Quentin en 1557 ; un autre témoin reconnut dans l'usurpateur un habitant d'une bourgade voisine, Arnaud du Tilh, fraudeur patenté. L'homme fut immédiatement jeté en prison, en raison de la gravité des faits.
Un procès en première instance s'ouvrit à Rieux en 1560. Bertrande défendit le faux Martin Guerre mais de nombreux témoins identifièrent formellement un homme du village voisin, Arnaud du Tilh. Il fut condamné à avoir la tête tranchée. Il fit appel et un second procès se tint la même année au Parlement de Toulouse. Le juge rapporteur du procès, Jean de Coras (1515-1572), figure de l'humanisme juridique et chef de file du parti calviniste local, n'était pas du même avis que le tribunal de Rieux et restait persuadé de l'innocence du prétendu Martin Guerre, en raison notamment du soutien indéfectible de son épouse. L'accusé fut sur le point de remporter son deuxième procès, quand, au moment même où le Parlement allait prononcer l'acquittement, surgit le vrai Martin Guerre. Sa femme implora son pardon et Arnaud du Tilh avoua avoir profité de sa ressemblance avec le disparu. Il fut de nouveau condamné à la peine capitale et, cette fois-ci, exécuté.
Quelques mois après l'énoncé du verdict parurent deux ouvrages consacrés à ce cas remarquable : le premier, modeste et anonyme - depuis attribué à Guillaume Le Sueur -, Admiranda historia de pseudo Martino Tholosae (publié en latin fin 1560 par Jean de Tournes à Lyon, puis en français vers janvier 1561 par Vincent Sertenas à Paris), et celui, plus connu et plus ambitieux, de Jean de Coras, imprimé à Lyon chez Antoine Vincent et Symphorien Barbier en février 1561.
Le texte de Coras, structuré à la manière des ouvrages juridiques d'alors, alterne récit et commentaires mais témoigne d'un souffle véritablement littéraire ; nul doute que cette histoire d'épousailles précoces et de faux mari passionnait l'auteur des Mariages clandestinement et irrévéremment contractés par les enfans de famille, au deçeu ou contre le gré de leurs pères et mères (Toulouse, Du Puis, 1557). L'ouvrage rencontra un grand succès et fut réédité à plusieurs reprises avant la fin du siècle (1565, 1572, 1579 et 1596) et au début du siècle suivant (1605, 1608, 1610 et 1618).
à la suite de Guillaume le Sueur et de Jean de Coras, la dimension « prodigieuse » de l'affaire captiva les contemporains. Dès 1588, Montaigne remarquait dans ses Essais (livre III, chapitre XI) : « Je vy en mon enfance [il avait en réalité 27 ans], un procez que Corras Conseiller de Thoulouse fit imprimer, d'un accident estrange ; de deux hommes, qui se presentoient l'un pour l'autre : il me souvient (et ne me souvient aussi d'autre chose) qu'il me sembla avoir rendu l'imposture de celuy qu'il jugea coulpable, si merveilleuse et excedant de si loing nostre cognoissance, et la sienne, qui estoit juge, que je trouvay beaucoup de hardiesse en l'arrest qui l'avoit condamné à estre pendu. Recevons quelque forme d'arrest qui die : La Cour n'y entend rien ; Plus librement et ingenuëment, que ne firent les Areopagites : lesquels se trouvans pressez d'une cause, qu'ils ne pouvoient desvelopper, ordonnerent que les parties en viendroient à cent ans. »
Et c'est précisément à ce caractère extraordinaire que l'affaire doit d'avoir excédé les limites de la simple chronique judiciaire. Car une telle mystification - qui aurait berné jusqu'aux plus intimes de Martin Guerre - trouble et interroge les illusions entretenues par chacun sur sa propre vie. Plus encore, les liens avec le théâtre antique - signalés à plusieurs reprises par Coras lui-même - contribuent largement à donner à ce fait divers ariégeois une expression universelle, voire mythique, et à assurer sa féconde prospérité. Trois siècles plus tard, Alexandre Dumas et Narcisse Fournier, dans Les Crimes célèbres (1839-1840), ne s'y sont pas trompés, soulignant à propos du cas Martin Guerre et des mirages de la ressemblance : « Beaucoup de fables ont été bâties sur ce fait, depuis Amphitryon jusqu'à nos jours [...] ; mais l'aventure que nous offrons à nos lecteurs n'est pas la moins curieuse ni la moins étrange. » Et Natalie Zemon Davis, dont les travaux sur l'affaire fournirent une imposante matière au film de Jean-Claude Carrère et Daniel Vigne (Le Retour de Martin Guerre), de conclure : « Là on peut applaudir au cocufiage d'un mari d'abord impuissant, puis absent. Arnaud du Tilh devient une sorte de héros, un Martin Guerre plus réel que l'homme au cœur sec et à la jambe de bois ; la tragédie est moins dans l'imposture que dans sa découverte. »
Bel exemplaire de cette rarissime édition originale.
DU VERDIER I-482 ; BRUNET II-268