Gravure originale in folio non rognée, extraite du Voyage dans la Basse et la Haute Egypte de Vivant Denon.
Planche composée de 11 vues ainsi décrites par l'auteur:
N° 1. Vue de Salmie, sur la rive gauche du Nil, dans le Delta. Voyez le journal, tome 1, page 97.
N° 2. Vue des pyramides de Gizeh et de Ssakarah, élevées sans doute aux extrémités nord et sud de Memphis; l'espace qui est entre ces deux groupes de pyramides fixe l'étendue de cette ville dans cette direction, tandis que le Nil et la chaîne libyque bornoient irrévocablement ses côtés est et sud.
N° 3. Coupe de la pyramide ouverte, appelée le Chéops, par laquelle on peut prendre une idée des galeries qui conduisent aux deux chambres sépulcrales, qui paroissent avoir été les seuls objets pour lesquels on avoit construit ces especes d'édifices. G, l'entrée de la premiere galerie, qui étoit recouverte par le parement général, et qui apparemment avoit à cet endroit quelque particularité qui aura pu faire découvrir cette entrée lorsqu'on en a tenté la fouille. La galerie G jusqu'à H se dirige vers le centre et à la base de l'édifice ; elle a soixante-cinq pas de longueur , que l'on est obligé de faire d'une maniere si incommode, que l'on ne doit les estimer qu'à cent soixante pieds : arrivé à H, l'incertitude, causée par la rencontre de deux blocs de granit L, a égaré la fouille, et en a fait tenter une dirigée horizontalement dans la masse de la fabrique ; cette excavation abandonnée, on est revenu au point I ; et, fouillant autour des deux blocs jusqu'à vingt-deux pieds en remontant, on a trouvé l'entrée de la rampe ascendante K, qui, jusqu'à M, a cent vingt pieds: on monte cette galerie étroite et rapide en s'aidant d'entailles faites dans le sol, et de ses bras contre les côtés de cette galerie étroite ; la fabrique en est de pierre calcaire, liée avec un ciment de brique. Arrivé au haut de cette rampe, on trouve un nouveau palier M, d'environ quinze pieds carrés ; à droite est une ouverture N, qu'on est convenu d'appeler le Puits, et qu'à l'irrégularité de son orifice on peut croire être encore une tentative de fouille : il faudroit du temps, delà lumiere, et des cordes, pour s'assurer avec exactitude de sa profondeur et de sa direction; on entend qu'elle cesse bientôt d'être perpendiculaire par le bruit qu'y fait la chute d'une pierre : ce puits a deux pieds sur 18 pouces de diametre ; il faudroit faire une fouille pour pouvoir hasarder quelque conjecture sur cette excavation; à droite de ce trou, est une galerie horizontale O, de 170 pieds, se dirigeant au centre de l'édifice, au bout de laquelle est l'entrée d'une chambre dite de la reine, E : sa forme est un carré long de 18 pieds 2 pouces sur 15 pieds 8 pouces; sa hauteur est incertaine, parcequ'une avide curiosité en a fait bousculer le sol, et creuser une des parties latérales, et que les décombres de toutes ces violations ont été laissés sur la place. La partie supérieure a la forme d'un toit d'angle à-peu-près équilatéral; aucun ornement, aucun hiéroglyphe , aucun vestige de sarcophage : une pierre calcaire fine, et liée d'un appareil recherché, fait tout l'ornement de cette piece. Voyez même pl., le plan et la coupe de cette chambre, n° 4 et 5. A quoi cette chambre a-t-elle été destinée ? étoit-ce pour mettre un corps ? Dans ce cas, la pyramide, bâtie à dessein d'en mettre d'eux, n'a pas été fermée à une seule époque; en cas d'attente, et que cette seconde sépulture fût effectivement celle de la reine, les deux blocs de granit, dont j'ai déja parlé, et qui sont à l'entrée des deux galeries inclinées, étoient donc réservés à clorre définitivement l'ouverture des deux chambres, et des galeries adjacentes.Revenons sur nos pas jusqu'à la plate-forme du puits M, où, en se hissant de quelques pieds, on se trouve au bas d'une grande et magnifique rampe, P Q, de 180 pieds de longueur, se dirigeant aussi vers le centre de l'édifice; sa largeur est de 6 pieds 6 pouces dans laquelle il faut comprendre deux parapets de 19 pouces de diametre , percés , par espace de 3 pieds 6 pouces ; de trous longs de 22 , larges de 3. Cette rampe étoit sans doute destinée à monter le sarcophage ; les trous avoient servi à assurer par quelque machine le hissement de cette masse sur un plan aussi incliné ; la même machine avoit sans doute nécessité des entailles au-dessus de la partie latérale de chacun de ces trous, qui ont été réparés ensuite par un ragréement. Cette galerie se ferme peu-à-peu jusqu'à son plafond par huit retraites de 6 pieds de hauteur; ce qui, joint à 12 qu'il y a du sol jusqu'à la premiere plate-bande, donne 60 pieds de clef à cette étrange voûte ( voyez sa coupe n° 6 ). Arrivé au-dessus, en s'aidant d'entailles assez régulieres, mais modernes, on trouve une petite plateforme , puis une espece de coffre de granit C , dont les parties latérales, soutenues par la masse générale de l'édifice, étoient destinées à recevoir dans le vide qu'elles laissoient des blocs de même matiere, qui, hersés dans des rainures saillantes et rentrantes , devoient masquer et défendre à jamais la porte de la principale sépulture ( voyez lettre C, n° 7 et 8 ). Il a fallu sans doute des travaux immenses pour construire d'abord et détruire ensuite cette partie de l'édifice ; ici, l'enthousiasme superstitieux s'est trouvé aux prises avec l'ardente avarice, et la derniere l'a emporté. Après la destruction de treize pieds d'épaisseur de granit, on a découvert une porte carrée F, de 3 pieds 3 pouces , qui est l'entrée de la piece principale D, de forme carrée, longue de 16 pieds sur 32 de large, et de 18 pieds de hauteur; la porte est à l'angle du grand côté, comme à la chambre d'en-bas. Vers le fond, à droite en entrant, est un sarcophage isolé , de 6 pieds 11 pouces de long sur 3 pieds de large, et 3 pieds 1 pouce 6 lignes d'élévation. Quand on aura dit que ce tombeau est d'un seul morceau de granit, que cette chambre n'est qu'un coffre de même matiere, avec un demi-poli d'un appareil assez précieux pour qu'il n'ait point nécessité de ciment dans tout son appareil, on aura décrit cet étrange monument, et donné l'idée de l'austérité de sa magnificence.Le tombeau est ouvert et vide , sans qu'il soit resté aucun vestige de son couvercle; la seule dégradation dans toute cette chambre est la tentative d'une fouille à un des angles, et deux petits trous à-peu-près ronds, à hauteur d'appui, auxquels des curieux ont attaché trop d'importance. C'est ici que se termine le voyage, comme c'est là qu'il paroit qu'ait été le but de cette immense entreprise, où les hommes semblent avoir voulu se mesurer avec la nature.Le citoyen Grosbert, ingénieur, qui a séjourné aux Pyramides, qui en a fait un plan en relief, que l'on voit avec intérêt au Jardin national des plantes, et une explication dans un livre intitulé, Description des pyramides de Djyzéh, de la ville du Caire et de ses environs, donne au Chéops 728 pieds de base, et évalue sa hauteur à 448 pieds, en comptant la base par la moyenne proportionnelle de la longueur des pierres , et la hauteur par l'addition de la mesure de chacune des diverses assises. D'après les calculs du citoyen Grosbert et de M. Maillet, la chambre sépulcrale est à 160 pieds au-dessus du sol de la pyramide. La base de la pyramide appelée Chefrenes est estimée par le même auteur de 655 pieds, et on élévation de 398 pieds ; sa couverte, dont il existe encore quelque chose à sa partie supérieure , est un enduit forme de gypse, de sable, et de cailloux. Le Miserinus, ou troisieme pyramide, dit encore le citoyen Grosbert, a 280 pieds de base, et 162 d'élévation : je renverrai mes lecteurs à cet écrivain pour les plans et les détails que je n'ai pas eu le temps de prendre, et que ses connoissances dans cette partie ont mis dans le cas de donner avec l'exactitude que mérite l'importance de ces édifices , et l'intérêt qu'ils inspirent.
Légères et discrètes rousseurs, sinon bel état de conservation.
Publié pour la première fois en deux volumes, dont un atlas de gravures, chez Didot, en 1802, le 'Voyage dans la Basse et la Haute Égypte' connut un tel succès qu'il fut traduit dès 1803 en Anglais et en Allemand, puis quelques années plus tard en Hollandais et en Italien, notamment. Presque toutes les planches sont dessinées par Denon, qui en a aussi gravé lui-même un petit nombre, notamment des portraits d'habitants d'Egypte, qui ont encore gardée toute la fraîcheur d'esquisses prises sur le vif (nos 104-111). Une bonne vingtaine de graveurs ont également collaboré à la création des eaux-fortes dont Baltard, Galien, Réville et d'autres.
Dominique Vivant, baron Denon, dit Vivant Denon, né à Givry le 4 janvier 1747 et mort à Paris le 27 avril 1825, est un graveur, écrivain, diplomate et administrateur français. A l'invitation de Bonaparte, il se joint à l'expédition d'Egypte en embarquant dès le 14 mai 1798 sur la frégate " La Junon ". Protégé par les troupes françaises, il a l'opportunité de parcourir le pays dans tous les sens, afin de rassembler le matériau qui servit de base à son travail artistique et littéraire le plus important. Il accompagne en particulier le général Desaix en Haute Egypte, dont il rapporte de très nombreux croquis, lavis à l'encre et autres dessins à la plume, à la pierre noire, ou à la sanguine. Il dessine sans relâche, le plus souvent sur son genou, debout ou même à cheval, et parfois jusque sous le feu de l'ennemi. A l'issue d'un voyage de 13 mois durant lesquels il dessine plusieurs milliers de croquis, Vivant Denon rentre en France avec Bonaparte, et devient le premier artiste à publier le récit de cette expédition. Les 141 planches qui accompagnent son Journal retracent l'ensemble de son voyage, depuis les côtes de la Corse jusqu'aux monuments pharaoniques de la Haute Egypte. Bonaparte le nomme ensuite directeur général du musée central de la République, qui devient le musée Napoléon, puis le musée royal du Louvre et administrateur des arts. En 1805, Vivant Denon relance le projet de la colonne Vendôme, qui avait été suspendu en 1803. Il organise ensuite des expéditions dans toute l'Europe impériale pour amasser les objets d'art, qui sont pillés pour être emportés au Louvre. En 1814, Louis XVIII le confirme à la tête du Louvre, dont une aile porte encore son nom aujourd'hui. Il est considéré comme un grand précurseur de la muséologie, de l'histoire de l'art et de l'égyptologie.