Gravure originale in folio non rognée, extraite du Voyage dans la Basse et la Haute Egypte de Vivant Denon.
Planche composée de 3 vues ainsi décrites par l'auteur:
N° 1. Ka-van-ray ou karavanseray, établissement bâti sur le bord des chemins par des êtres modestes et bienfaisants, qui n'attachent point leur nom à cet acte charitable : ouverts à tous les passants, ils y trouvent de l'ombre et de l'eau pour eux et pour leurs bêtes de somme. L'édifice consiste en une citerne, le premier motif de l'institution ; deux chambres, une galerie ouverte, un abreuvoir, une fontaine, quelques pots, et des nattes. Point de propriétaire, personne qui mette aucune contribution à l'usage qu'on en veut faire : bâti également pour le riche et pour le pauvre, il est au premier occupant, et cette liberté est sans inconvénients dans un pays où les voyageurs sont rares, et les marches isolées se font toujours en troupes nombreuses.
N° 2. Seconde vue de Zaouyéh, prise dans la partie nord de ce village ; la maison la plus élevée étoit la plus considérable, et celle du général qui y commandoit. Les constructions terminées en pointe sont des colombiers : tous les cordons qui couronnent les maisons sont formés de mottes à brûler, composées de fiente de bœuf et de chameau, délayée avec un mélange de poussiere et de paille hachée, et séchée au soleil. Ce sont ces mottes, et la canne de dourach qui chauffent les fours, et font bouillir la soupe ; les terrasses des maisons en sont les magasins, et de loin elles en paroissent décorées.
N° 3. Nahourah, ou machine à monter l'eau pour arroser les nouvelles plantations, lorsque les eaux du Nil se sont retirées. Ces roues à chaînes, à pots, et à caisses, sont d'un usage général dans toute l'Égypte: elles s'établissent d'ordinaire sous un arbre, afin que celui qui mene les chevaux se trouve à l'ombre pendant cet exercice. Dans cet heureux climat, le tranquille propriétaire calcule sa premiere récolte sur l'élévation du débordement, et la seconde et troisieme sur le nombre d'arpents que la quantité d'animaux qu'il possede peut arroser.
Le grand arbre à droite est un sycomore avec sa forme surbaissée, qui est celle qui le caractérise : quelquefois l'homme que l'on voit dessous, au lieu de marcher en excitant les bœufs, est assis sur une espece de fauteuil attaché à la barre, et tourne avec la machine. Voyez le plan n° 2, planche XXXVI.
Légères rousseurs marginales, sinon bel état de conservation.
Publié pour la première fois en deux volumes, dont un atlas de gravures, chez Didot, en 1802, le 'Voyage dans la Basse et la Haute Égypte' connut un tel succès qu'il fut traduit dès 1803 en Anglais et en Allemand, puis quelques années plus tard en Hollandais et en Italien, notamment. Presque toutes les planches sont dessinées par Denon, qui en a aussi gravé lui-même un petit nombre, notamment des portraits d'habitants d'Egypte, qui ont encore gardée toute la fraîcheur d'esquisses prises sur le vif (nos 104-111). Une bonne vingtaine de graveurs ont également collaboré à la création des eaux-fortes dont Baltard, Galien, Réville et d'autres.
Dominique Vivant, baron Denon, dit Vivant Denon, né à Givry le 4 janvier 1747 et mort à Paris le 27 avril 1825, est un graveur, écrivain, diplomate et administrateur français. A l'invitation de Bonaparte, il se joint à l'expédition d'Egypte en embarquant dès le 14 mai 1798 sur la frégate " La Junon ". Protégé par les troupes françaises, il a l'opportunité de parcourir le pays dans tous les sens, afin de rassembler le matériau qui servit de base à son travail artistique et littéraire le plus important. Il accompagne en particulier le général Desaix en Haute Egypte, dont il rapporte de très nombreux croquis, lavis à l'encre et autres dessins à la plume, à la pierre noire, ou à la sanguine. Il dessine sans relâche, le plus souvent sur son genou, debout ou même à cheval, et parfois jusque sous le feu de l'ennemi. A l'issue d'un voyage de 13 mois durant lesquels il dessine plusieurs milliers de croquis, Vivant Denon rentre en France avec Bonaparte, et devient le premier artiste à publier le récit de cette expédition. Les 141 planches qui accompagnent son Journal retracent l'ensemble de son voyage, depuis les côtes de la Corse jusqu'aux monuments pharaoniques de la Haute Egypte. Bonaparte le nomme ensuite directeur général du musée central de la République, qui devient le musée Napoléon, puis le musée royal du Louvre et administrateur des arts. En 1805, Vivant Denon relance le projet de la colonne Vendôme, qui avait été suspendu en 1803. Il organise ensuite des expéditions dans toute l'Europe impériale pour amasser les objets d'art, qui sont pillés pour être emportés au Louvre. En 1814, Louis XVIII le confirme à la tête du Louvre, dont une aile porte encore son nom aujourd'hui. Il est considéré comme un grand précurseur de la muséologie, de l'histoire de l'art et de l'égyptologie.