Gravure originale in folio, extraite du Voyage dans la Basse et la Haute Egypte de Vivant Denon.
Planche composée de 2 vues ainsi décrites par l'auteur:
N° 1. L'entrée du village de Luxor : quel mélange de mesquinerie et de magnificence! quelle échelle des siecles pour l'Egypte! quelle grandeur et quelle simplicité dans ce seul détail! il me parut tout à la fois le tableau le plus pittoresque et la piece comparative la plus probante de l'histoire des temps ; jamais mon imagination et mes yeux n'ont été plus vivement frappés que par la vue de ce monument. Je suis venu plusieurs fois rêver à cette place, y jouir du passé, du présent, y comparer les fabriques pour en pouvoir comparer les habitants, et y entasser des volumes de souvenirs et de réflexions : le cheikh du village, m'abordant une fois dans cette préoccupation, me demanda si c'étoient les Français ou les Anglais qui avoient élevé tout cela ; et cette note acheva mes mémoires. Les deux obélisques, de granit rose, ont encore 70 pieds hors du sol : à en juger par l'enfouissement des figures, il doit y avoir 30 pieds de recouverts, ce qui en donneroit 100 à ces monuments ; leur conservation est parfaite ; l'arête et le fuselé en est d'une pureté on peut dire inouie ; les hiéroglyphes, profonds et en relief dans le fond, sont d'une touche franche et d'un fini précieux : quelle trempe pour les outils d'une pareille sculpture sur une telle matiere! que de temps pour le travail! quelles machines pour tirer de si énormes blocs de la carriere, pour les transporter, pour les dresser! tout faits, ils coûteroient des millions pour les changer de place.
Les deux colosses du même granit sont dégradés, mais les parties conservées annoncent qu'elles ont été terminées de la maniere la plus soignée : on y peut remarquer que l'usage de percer les oreilles étoit connu des Égyptiens; celles de ces figures en ont l'empreinte. Les deux grands môles qui formoient la porte sont couverts de sculptures, représentant des combats avec des chariots en lignes, montés de deux chevaux et d'un seul conducteur.
Tout le reste de ce que l'on voit dans l'estampe sont des fabriques modernes. Entre les deux môles est la porte moderne du village, et derriere cette porte les principales maisons, surmontées de colombiers.
N° 2. Vue de Luxor, prise de dessus le fleuve, du nord ouest au sud-est; à la partie opposée à la vue, n° 2, planche XLIX, à droite, à la pointe que forme le cours du Nil, le petit port ; dans le second plan, la rive gauche du fleuve ; au fond de la plaine on appercoit Médinet-Abou, et la chaîne libyque.
Légères rousseurs, sinon bel état de conservation.
Publié pour la première fois en deux volumes, dont un atlas de gravures, chez Didot, en 1802, le 'Voyage dans la Basse et la Haute Égypte' connut un tel succès qu'il fut traduit dès 1803 en Anglais et en Allemand, puis quelques années plus tard en Hollandais et en Italien, notamment. Presque toutes les planches sont dessinées par Denon, qui en a aussi gravé lui-même un petit nombre, notamment des portraits d'habitants d'Egypte, qui ont encore gardée toute la fraîcheur d'esquisses prises sur le vif (nos 104-111). Une bonne vingtaine de graveurs ont également collaboré à la création des eaux-fortes dont Baltard, Galien, Réville et d'autres.
Dominique Vivant, baron Denon, dit Vivant Denon, né à Givry le 4 janvier 1747 et mort à Paris le 27 avril 1825, est un graveur, écrivain, diplomate et administrateur français. A l'invitation de Bonaparte, il se joint à l'expédition d'Egypte en embarquant dès le 14 mai 1798 sur la frégate " La Junon ". Protégé par les troupes françaises, il a l'opportunité de parcourir le pays dans tous les sens, afin de rassembler le matériau qui servit de base à son travail artistique et littéraire le plus important. Il accompagne en particulier le général Desaix en Haute Egypte, dont il rapporte de très nombreux croquis, lavis à l'encre et autres dessins à la plume, à la pierre noire, ou à la sanguine. Il dessine sans relâche, le plus souvent sur son genou, debout ou même à cheval, et parfois jusque sous le feu de l'ennemi. A l'issue d'un voyage de 13 mois durant lesquels il dessine plusieurs milliers de croquis, Vivant Denon rentre en France avec Bonaparte, et devient le premier artiste à publier le récit de cette expédition. Les 141 planches qui accompagnent son Journal retracent l'ensemble de son voyage, depuis les côtes de la Corse jusqu'aux monuments pharaoniques de la Haute Egypte. Bonaparte le nomme ensuite directeur général du musée central de la République, qui devient le musée Napoléon, puis le musée royal du Louvre et administrateur des arts. En 1805, Vivant Denon relance le projet de la colonne Vendôme, qui avait été suspendu en 1803. Il organise ensuite des expéditions dans toute l'Europe impériale pour amasser les objets d'art, qui sont pillés pour être emportés au Louvre. En 1814, Louis XVIII le confirme à la tête du Louvre, dont une aile porte encore son nom aujourd'hui. Il est considéré comme un grand précurseur de la muséologie, de l'histoire de l'art et de l'égyptologie.