Tapuscrits complets, recto seul, présentant des biffures et des corrections autographes à l'encre noire.
Quatre textes (« Le mythe d'Oreste », « Le mythe de Phèdre », « Poésie et langage » et « Après Rimbaud ») parus dans Faux Pas (1943)
Ces quatre textes, « Le mythe d'Oreste », « Le mythe de Phèdre », « Poésie et langage » et « Après Rimbaud », étaient absents de la version initiale de Faux Pas, telle que Maurice Blanchot l'avait conçue sous le titre de Digressions pendant le printemps et le début de l'été 1943.
En effet, ces chroniques, parues ultérieurement dans le Journal des Débats - les 27 juillet, 18 août
(article encore intitulé « Lecture de Phèdre »), 1er septembre et 15 septembre -, ne rejoignent le corpus des cinquante textes déjà sélectionnés pour le recueil qu'au cours des dernières semaines précédant sa parution, en décembre 1943.
Soucieux d'examiner l'actualité des mythes, Blanchot s'intéresse à Oreste, qui lui fournit un heureux prétexte pour se livrer à l'analyse des Mouches de Jean-Paul Sartre : « [...] la grande force tragique des Mouches devrait être leur valeur sacrilège. Oreste est le héros prodigieux, c'est-à-dire un homme qui a décidé de porter atteinte au sacré, de peser hardiment dans sa balance le monde supérieur. Chacun de ses gestes est un défi à l'ordre. Son existence est une faute, un péché permanents. On peut se demander pourquoi cette impression de sacrilège fait parfois défaut à la pièce qu'elle devrait soutenir. Est-ce parce que M. Sartre a donné une expression parodique de ce monde des dieux et des remords ou bien n'a-t-il pas poussé assez loin l'abjection qu'il dépeint ? » Puis c'est au tour du mythe de Phèdre d'occuper Blanchot : « [...] pour ceux qui estiment que le mutisme de Racine est un événement qui échappe aux conditions et aux causes, pour ceux qui, sensibles non seulement au renoncement de Racine, mais à la tranquillité avec laquelle il renonce à lui-même, voient dans la banalité et la discrétion sa plus sûre retraite, Phèdre est là pour rappeler la signification du silence et pour avouer, en même temps que sa propre ruine, l'effacement de l'esprit qui a voulu se servir d'elle pour comprendre la nuit. » Les Ziaux de Raymond Queneau et Haut-Mal de Michel Leiris sont ensuite l'occasion d'évoquer les luttes du poète avec la langue, dans « Poésie et langage » : « Si le poème est une mise en cause, on sait qu'il est d'abord une mise en cause du langage. » Enfin, Blanchot poursuit dans « Après Rimbaud » sa réflexion sur la poésie et le silence du poète : « A dire les choses très rapidement, il faut remarquer que le mutisme d'un poète doit ressembler à une trahison inexplicable, non seulement parce qu'il sacrifie la volonté de parler au silence, mais surtout parce qu'il préfère le silence qu'est le refus de la poésie qu'à ce silence supérieur, fondamental, que la poésie prétend exprimer. »
L'ajout in extremis de ces textes dans Faux pas révèle la volonté de Blanchot d'insister davantage sur deux points à ses yeux essentiels : la création contemporaine (au travers de figures bientôt incontournables de la littérature et la vie intellectuelle françaises telles que Raymond Queneau, Michel Leiris et Jean-Paul Sartre) et la question captivante du silence littéraire de l'écrivain.
Les biffures et les quelques corrections effectuées par Blanchot ont pour dessein de faire disparaître une tonalité trop informative, inévitable dans le cadre d'une chronique hebdomadaire, mais à proscrire dans un recueil critique.