Edition originale. Exemplaire sur Hollande Van Gelder Zonen, sous couverture en Japon Impérial, non justifié.
Reliure à la bradel en plein papier, dos lisse, pièce de titre de maroquin, couvertures et dos conservés, reliure signée de Germaine Schroeder, sous une chemise en plein papier orné d'un motif floral et doré, dos lisse, pièce de titre de maroquin, étui de même, chemise et étui signés de Patrice Goy et Carine Vilaine.
Envoi autographe daté et signé de Léon-Paul Fargue : « à mademoiselle Lilita Abreu, le 29 mars 1912. "Ecoutez la chanson bien douce qui ne pleure que pour vous plaire... (Paul Verlaine)". »
Issue d'une riche famille cubaine et proche des milieux littéraires, la belle Rosalia « Lilita » Sanchez Abreu (1886-1955) grandit entre Paris et La Havane. Après avoir charmé toute la NRF ou presque, inspirant plusieurs passions dévorantes dont celles de Jean Giraudoux et de Léon-Paul Fargue, elle épouse en 1921 Albert Henraux, ami de Marcel Proust et conservateur du Musée Condé à Chantilly. Dans les années 1930, elle-même sensible à la séduction des écrivains, elle deviendra la muse et la compagne de Saint-John-Perse.
Intimidé par la troublante Lilita, Fargue choisit pour cette émouvante dédicace un vers de Sagesse de Paul Verlaine - qu'il avait connu dans les cafés du Quartier Latin - comme intercesseur subtil de ses sentiments les plus intimes. Rencontrée le 16 janvier 1912 chez Yvonne Redelsperger (future épouse de Gaston Gallimard), Fargue s'éprend rapidement de Lilita et dans son poème Solitude composé les mois suivants, la décrit ainsi : « Elle sent la branche verte d'un arbre tropical... / Lorsqu'elle se penche, il vous semble qu'il va tomber / de sa tête une pluie de fleurs ténébreuses, odorantes / et vanillées, comme un essaim d'étoiles sombres... »
La correspondance littéraire et tourmentée de Fargue avec la jeune femme (publiée sous le titre Chère Lilita. Dix lettres de Léon Paul Fargue à Lilita Abreu, Paris, Balbec, 1988) témoigne de l'importance de leur relation. Il écrit : « Lilita, mon amie, je pense à notre soirée et j'en suis réconforté. Vous me faites du bien et vous m'êtes utile. Vous me donnez envie de travailler, de me surpasser, d'être heureux. Auprès de vous, je me sens d'une gaîté tendre, puissant, confiant. Et puis, même quand vous n'avez pas tout à fait raison, vous avez tout de même cent fois raison avec le cœur ; votre instinct ne saurait vous tromper, et c'est ce qui compte le plus. » Ou encore, souffrant parfois de ses cruautés d'ensorceleuse inaccessible : « L'autre nuit, j'ai rêvé de vous. J'étais littéralement furieux. Je vous faisais de sanglants reproches, avec une éloquence redoutable. Entre autres aménités, je vous disais "[...] Il ne vous suffit pas d'une victoire, la principale, vous voulez toutes les autres victoires, vous les voulez toutes ! Femme froide et cruelle, vous n'aimez que le jeu... Vous avez des idées de chatte..."[...] Puis, soudain, j'ai été terrifié de vous faire de la peine. Je me suis arrêté, profondément affligé, et je me suis mis à pleurer. »
Bel exemplaire agréablement établi de cette relique de l'amour.