Edition originale, un des exemplaires de luxe comportant un double état des illustrations : l'un en noir sur papier teinté et un autre des mêmes planches rehaussées en couleurs fait en « colori gommé » sur papier blanc, protégées par des serpentes jaunes, signe du premier tirage. Exemplaire bien complet de toutes ses illustrations hors-texte ainsi que des frontispices, du Napoléon à cheval d'après Horace Vernet, et de la carte de France en double page du tome III Province. L'ouvrage compte aussi plus de 1500 illustrations dans le texte. Les Tomes I et II (Paris) datent de 1840, les tomes III et IV (Paris) et tomes I et II de la Province de 1841, enfin, les tome V Paris, tome III province et le Prisme datent de 1842.
Reliures en demi chagrin maroquiné rouge façon cuir de Russie, 4 faux nerfs ornés d'une roulette dorée, caissons estampés à froid, plats de percaline rouge, contreplats et gardes en papier à la cuve, couvertures et dos conservés. Reliure moderne dans le goût romantique.
7 couvertures des livraisons conservées dans le volume du Prisme : 5 couvertures bleues des « types coloriés à 10 sous », 1 couverture de la livraison 84 où sont conservées 3 pages de « La correspondance des Français », 1 couverture de la livraison 326 « suite de l'armée par M.E. de la Bédollière » où sont conservées trois pages : le poème « l'Ange de la poésie » de F. Fertiault et les pages 5 et 6 sur le Baron de Munchhausen.
Les textes et les illustrations de l'ouvrage sont consacrés aux métiers, ainsi qu'aux habitants des régions de la France métropolitaine et des colonies. L'ensemble constitue la génèse d'un genre nouveau : la littérature panoramique - définie par Walter Benjamin in Charles Baudelaire. Un poète lyrique à l'apogée du capitalisme. Outre ces portraits des Français, « l'apport de tout un aréopage de grands et petits auteurs et illustrateurs » (Ségolène Le Men, « La « littérature panoramique » dans la genèse de la Comédie Humaine : Balzac et Les Français peints par eux-mêmes », L'Année balzacienne 2002/1 (n° 3) CAIRN) rassemble les plus grands acteurs de l'art et la littérature de son temps. On compte parmi « l'aréopage » des contributeurs certains des plus grands auteurs et dessinateurs de l'époque qui contribuent chacun de manière originale au projet. Du côté des auteurs on trouve Balzac, qui écrit le premier article, « l'épicier », mais aussi Nodier, Gautier, Nerval, Gozlan, Janin, Karr, pour ne citer qu'eux. Les illustrateurs sont eux aussi nombreux : Gavarni, Daumier, Delacroix, Grandville, Johannot, Bellangé, Charlet, Daubigny, Vernet, Isabey, Lami, Meissonnier, Monnier, Traviès ...
Cette fresque protéique est dirigée par un éditeur, Léon Curmer, qui est déjà connu alors pour le succès éditorial de Paul et Virginie entre 1836 et 1838 - il est d'ailleurs représenté dans son propre livre par un article, « l'éditeur », au tome IV, écrit par Elias Regnault. Ce dernier prend pour modèle le Tableau de Paris de Louis-Sebastien Mercier, publié en 1781, dont il étend la perspective en représentant la province. C'est grâce à ce chef d'orchestre que l'œuvre ne se réduit pas à une simple compilation de portraits et trouve un sens plus large : « l'éditeur a élargi son cadre, et au lieu de laisser quelques portraits fugaces se perdre dans l'immense tourbillon quotidien qui engloutit toutes choses, il a cherché à réunir les physionomies les plus saillantes de cette époque. » (Ségolène Le Men, Ibid.).
En effet, c'est lui qui sélectionne les auteurs et dessinateurs en fonction des types qu'ils auront à dépeindre pour que le portrait des Français dressé par le livre se rapproche autant que cela est possible d'un autoportrait : « Il s'agit donc de faire appel à des auteurs et à des illustrateurs bien sélectionnés en fonction des « types » qu'ils auront à dépeindre. » (Ségolène Le Men, Ibid.). De plus, la forme que prend la publication est celle de la livraison - format très commun à l'époque. Celle-ci permet un investissement plus fort du public qui souscrit à la publication et dont l'avis compte pour l'orientation des articles à venir. Les lecteurs sont appelés à contribution comme en témoigne la « Correspondance des Français » conservée dans notre exemplaire du Prisme où l'éditeur répond aux propositions d'articles des lecteurs : « Le Coiffeur de M. Paul Tén... est un article des plus spirituels. Nous regrettons que ce type ayant été pris nous ne puissions pas l'accepter. » (Prisme, Livraison 84)
L'ouvrage est richement illustré dans le texte par des vignettes et des culs-de-lampe mais ce sont surtout les illustrations hors-texte, les « types » - figure en-pied dans un paysage esquissé en pleine page mises au regard du texte - qui inaugurent une nouveauté pour le livre illustré. Ces dessins d'habitants de régions ou de professions se rapprochent de la science de la physiologie en vogue à l'époque. Cette science consiste en une étude des groupes sociaux. Elle a pour objectif de déterminer une représentation d'un individu qui serait l'exemple de son groupe, cela la pousse à une forme de caricature.
Ce « projet d'encyclopédie morale qui résume toute la société » (Léon Curmer) est le témoignage accompli d'une époque. Ses contemporains trouvent dans l'ouvrage : « une sorte d'autoportrait collectif où se succèdent « Paris » et « la province », et où chaque groupe pourra, dans une livraison ou une autre, se reconnaître. » (Ségolène Le Men, Ibid.). Dès sa conception, il a déjà pour vocation de cristalliser un présent fugace qui vit selon la mode baudelairienne pour « faire un portrait des mœurs contemporaines, amusant pour le présent, instructif pour l'avenir. » (Ségolène Le Men, Ibid.)