Lettre autographe signée de Renée Vivien adressée à sa sœur cadette Antoinette Tarn, quatre pages rédigées à l'encre noire sur un double feuillet du Savoy Hotel de Londres.
Pliures transversales inhérentes à l'envoi.
Très belle lettre, pleine d'allégresse, témoignant de l'intense relation que Renée Vivien entretenait avec sa petite sœur. « Il serait profondément inexact de croire que Renée Vivien, pendant sa vie littéraire (1900-1909), n'entretint que peu de rapports avec sa famille. [...] divers documents nous apportent au contraire la preuve que les relations de Vivien avec sa famille - et avec sa sœur en premier chef - furent aussi suivies qu'affectueuses. » (J.-P. Goujon, « Renée Vivien et ses masques » (in A l'Encart n°2 avril 1980)
Notre lettre révèle cette grande tendresse de la poétesse pour sa « little Child » qu'elle couvre d'attentions : « I've sent you to-day some flowers and fruit which I hope will reach you safely. If not write so Solomon's and scold them soundly. I know you and Francis like fruit, - and how right you are ! - but it's frightfully difficult to get any at the sea-side. So I've sent you some peaches, a bunch of black grapes and a bunch of white - also some oranges, as they are so refreshing. » La Muse aux violettes s'attarde ensuite sur la description du bouquet que Toinette va recevoir (« Then there are some flowers for you especially - some green pink roses - not the ordinary stupid pink but a sort of flashed golden... (I'm afraid this sounds like a second-rate artist, but it's so difficult to express oneself. I mean a mélange of pink and yellow) And some of the dear fragrant litlle lilies-of-the-valley you like. »), mêlant avec humour phrases anglaise et vocabulaire français : « I'm talking you all this, my little Darling, en personne pratique, as if the things don't arrive all right, you can réclamer. »
La correspondance de Renée Vivien n'est habituellement pas marquée par une telle allégresse, et c'est sous un jour nouveau que cette lettre révèle la sœur optimiste et rassurante qu'elle fut : « (last night was horrible by the way - crises d'estomac and nightmare combined) But to-day I'm blithe and merry and feel sur this night will be a good one, as good and bad almost invariably alternate. However, even the bad nights aren't quite so bad, as then I compose poetry or write little prose-poems or pièces of théâtre and thus turn insomnia to good account. » Pourtant à cette époque, la santé de la poétesse s'est beaucoup dégradée, l'abus d'alcool et d'hydrate de chloral ayant provoqué chez elle une gastrite chronique. Dans ce moment douloureux et pourtant prolifique, c'est à sa sœur que pense Renée et, en cette année 1909, - sa dernière parmi les vivants - elle demande à Sansot, son éditeur, de publier une plaquette intitulée A ma sœur imprimée sur Japon à quelques exemplaires et dont le colophon précise : « Achevé d'imprimer le XVIII novembre MCMIX par E. Sansot éditeur [...] pour Pauline Tarn décédée ce même-jour ». Ce « lourd poème » et testament intime dit l'importante place qu'occupât Toinette dans la vie de Renée qui est d'ailleurs la marraine de son fils Paul, lui aussi évoqué dans cette lettre : « I so often think of you, and the lovely country, and little Paul [...] ! Give the Darling a great kiss from his absent Aunt. » L'enfant fut baptisé Paul (prénom très rare alors en Angleterre) en l'honneur de sa tante et, en 1911, Toinette donnera naissance à une fille qu'elle prénommera Renée en hommage à sa défunte sœur.
Les tendres lettres de Sapho 1900 à sa famille, parenthèses à sa souffrance, sont d'une grande rareté.