Edition originale de la traduction française pour laquelle il n'a pas été tiré de grands papiers.
Reliure à la bradel en pleine percaline bordeaux, dos lisse orné d'un fleuron doré, double filet et nom de l'éditeur dorés en queue, pièce de titre de chagrin noir, couvertures conservées, reliure de l'époque.
Rare envoi autographe signé de l'auteur sur un feuillet relié en tête de l'ouvrage, du nom qu'il adopta en 1923 : " to R[ené] D[oynel] de Saint-Quentin / whose acquaintance during the war the author remembers with very great pleasure. In India. 1928. TE Shaw".
Les relations entre Lawrence et René Doynel de Saint-Quentin ont été remarquablement décrites par Ch. Leclerc dans son ouvrage : "T.E. Lawrence en Arabie". Comme le souligne Maurice Larrès dans la préface de l'ouvrage: "Doynel de Saint-Quentin est peut-être le Français qui a donné de Lawrence le portrait le plus authentique, le mieux attentionné et le plus sincère, donc le plus précieux. En utilisant les rapports de Saint-Quentin comme il le fait, Christophe Leclerc comble une lacune regrettable, lacune presque totale du côté anglais, et fréquente du côté français."
Lawrence et Saint-Quentin se sont connus en 1915 lorsque ce dernier fut envoyé par la France auprès du commandant des troupes d'occupation d'Egypte afin de suivre les opérations, de se renseigner sur l'état des forces adverses et d'accroître les échanges de renseignements avec les Anglais. Il fut "maintenu seul auprès de l'armée anglaise, en raison de sa valeur personnelle, du tact avec lequel il s'était acquitté de sa mission et de l'ascendant progressif qu'il avait conquis auprès des autorités britanniques." En tant qu'attaché militaire près du grand quartier général britannique au Caire, Saint-Quentin devait apporter une aide précieuse à la Mission militaire française en Egypte créée en août 1916.
Ses notes et sa correspondance apporteront également un éclairage essentiel sur un épisode majeur de la vie de Lawrence : la prise d'Akaba, dont il fut le premier à rendre compte officiellement dans un télégramme au ministre de la Guerre du 12 juillet 1917. Il rédigea sur ce raid anglo-arabe une longue note dans laquelle on trouve un portrait de Lawrence de trois pages. Il y est présenté comme un éternel adolescent "de 27 ans, petit et mince, la mâchoire imberbe et volontaire, le front très haut et couronné de cheveux blonds toujours en désordre, les yeux très clairs illuminés par l'intensité de la pensée", et d'ajouter qu'il "donne une profonde impression d'énergie et d'intelligence." Saint-Quentin voit en Lawrence "probablement la figure la plus marquante de l'année ou de l'administration britannique en Orient" (Saint-Quentin, note n°70, "Le raid du major Lawrence et l'action anglaise à Akaba", 20 août 1917).
L'admiration que voue Saint-Quentin à Lawrence est réciproque et "lorsque Saint-Quentin est rappelé en France, Lawrence lui écrit une lettre (inédite) particulièrement éloquente : "Dear Saint-Quentin, (...) I expect I'll see you also before you go off on leave. I'm very sorry you are giving up the liaison work, though since I have been on this Hejaz adventure we have not worked together as we used to do in the old intelligence days. It was such a comfort to have one non-Englishman in Cairo to whom one could speak quite frankly about anything doing, and I'm very grateful. Yours sincerely, T.E Lawrence." (début mai 1918).
Cette amitié entre les deux hommes permet notamment à Ch. Leclerc de contredire la thèse de l'animosité supposée de Lawrence à l'égard de la France. Il est seulement motivé par un engagement profond en faveur de la cause arabe comme en témoigne Saint-Quentin lui-même : "Il est en effet, sans mesquinerie mais avec autant de résolution que de franchise, hostile à toute action française en Arabie, Syrie et Palestine. Son opposition est d'autant plus nette qu'il croit sincèrement la fonder non pas sur les anciennes rivalités de missionnaires et d'archéologues, où il l'a puisée, mais sur les intérêts supérieurs de la race arabe."
La traduction de La révolte dans le désert, réécriture condensée de Seven pillars of wisdom, (qui malgré son succès, ne paraitra en France qu'en 1930) incarne l'antagonisme entre les points de vue anglais et français sur la Grande Révolte arabe et la contribution de la France. Ainsi, le lieutenant-colonel Brémond reprochera à Lawrence de minimiser le rôle des Français et de surestimer le sien, l'accusant dans ses mémoires de francophobie. Il est pourtant, avec Saint-Quentin, à l'origine de la Croix de Guerre décernée à Lawrence le 23 novembre 1917. Le 15 octobre, il écrivait en effet à Saint-Quentin: "J'ai pensé à donner la Croix de Guerre à Lawrence. Qu'en pensez-vous?".
En dédicaçant à Saint-Quentin ce récit de leur expérience commune, Lawrence témoigne, dix ans après leur séparation, de sa complicité avec cet ami français, dont le témoignage contribuera également à restituer la vérité de cet épisode historique, loin des rivalités étatiques dont Lawrence fut la cible.
Agréable exemplaire enrichi d'un très rare envoi autographe signé de l'auteur.
(Références: "T.E. Lawrence en Arabie", Christophe Leclerc, L'Harmattan, 1998)