Édition originale. L'exemplaire est enrichi d'un envoi autographe de Pierre Nicole à son élève et ami M. [Louis] Angran. Il présente en outre deux ajouts manuscrits (p. 48 et 329), très probablement de la main de l'auteur.
Reliure de l'époque en pleine basane mouchetée. Dos à cinq nerfs orné de caissons et fleurons dorés. Roulettes dorées sur les coupes et les coiffes. Toutes tranches mouchetées rouges. Deux petits trous de vers sur le dos, quelques autres sur les plats. Mors frottés et un peu fendus. étiquette de bibliothèque encollée sur le contreplat.
Louis Angran (1622-1706), issu d'une famille importante de magistrats proches de Port-Royal, et qui entretenait quelque relation de parenté avec les Arnauld, fut l'élève de Pierre Nicole aux côtés de Jean Racine dans les « petites écoles » de Port-Royal-des-Champs. Licencié en théologie à la Sorbonne (1645), et chanoine de Troyes, Louis Angran fait partie, en 1653, de la députation janséniste, partie à Rome pour plaider la cause de l'Augustinus. C'est chez lui que Pierre Nicole, sous le pseudonyme de M. Rosny, loge lors de son séjour à Paris avec Antoine Arnauld. Louis Angran sera ensuite avec Nicole un des principaux acteurs de l'affaire Nordstrands, île dans laquelle les jansénistes placèrent les biens de Port-Royal par crainte des persécutions.
Ce précieux envoi manuscrit témoigne de la fidèle amitié qui unit, leur vie durant, le maître et l'élève.
Préalablement à la Révocation de l'édit de Nantes en 1685, la plupart des écrivains théologiens polémistes critiquèrent l'Église protestante sur les points de doctrine qui la séparaient de l'église catholique. Les écrivains de Port-Royal, Arnauld et Nicole essentiellement, se firent les hérauts de l'église romaine, et on assista ainsi à des joutes théologiques avec des auteurs protestants, notamment Pierre Jurieu, qui se prolongèrent durant des années. De l'unité de l'église se présente ainsi comme une réponse à l'ouvrage de Jurieu paru en 1686, Le Vrai Système de l'église, mais celui-ci était déjà une attaque des Prétendus réformés convaincus de schisme de Nicole. Chacun de ces livres, et il y en eut de nombreux, suit les mêmes procédés : une analyse systématique et paraphrastique de chaque chapitre du livre abhorré, les polémistes étant à l'affût de la moindre contradiction ou imprécision. Ainsi Jurieu dans Le Vrai Système de l'église induit-il du livre de Nicole que l'église romaine devrait être universelle en tant qu'église du Christ, mais constatant qu'elle ne l'est assurément pas, elle conduit par son pouvoir arbitraire à la position schismatique des protestants. Chacun des ouvrages poursuit le même but, décrier l'adversaire, rendre à néant ses prétentions pour l'injurier alors en connaissance de cause, et ainsi par rebond détruire la cause religieuse qu'il défend. En assurant une critique continue de l'ouvrage précédent de Jurieu, Pierre Nicole assoit une nouvelle fois qu'il ne peut y avoir qu'une église, et que seule l'église catholique est bien l'église de tous, ce qu'il prouve en citant à l'envi les pères de l'église. Au regard de l'histoire, il peut paraître ironique que les champions de la doctrine catholique furent issus de Port-Royal au XVIIème siècle, alors que l'ensemble des religieux furent chassés de l'abbaye dès 1709, et le lieu rasé en 1712.
Les envois autographes du XVIIème siècle sont d'une insigne rareté.