Introduction et notes par Guillaume Apollinaire.
Ouvrage illustré, en frontispice, d'un portrait de Charles Baudelaire.
26 août 1880
9 novembre 1918
Édition originale sur papier courant en dépit d'une mention de deuxième édition, poinçon du service de presse sur le deuxième plat.
Précieux envoi autographe signé de Guillaume Apollinaire : « à Lucien Rolmer, au chantre, au psychologue, son ami ».
Ouvrage illustré de 46 portraits et reproductions d'œuvres de Georges Braque, Pablo Picasso, Juan Gris, Francis Picabia, Marcel Duchamp...
Comptant parmi les rares défenseurs du cubisme dès ses débuts, Apollinaire œuvre à sa diffusion et sa compréhension à travers ses chroniques et préfaces dont celle du catalogue de l'exposition du Cercle de l'art moderne du Havre, intitulée Les Trois vertus plastiques, repris en introduction des Méditations esthétiques. A l'insu du poète, l'éditeur Eugène Figuière met en exergue le sous-titre Les Peintres cubistes. Cette modification opportune sera déterminante pour la réception de l'ouvrage. Ainsi, au lieu de simples « méditations », le texte acquiert, pour les lecteurs, le statut de véritable Manifeste du cubisme et suscite à ce titre des réactions parfois violentes (plus encore de la part des milieux avant-gardistes que des opposants naturels à la peinture moderne). Mais il devient, par la même occasion, un des premiers écrits d'importance sur le cubisme, « définissant les caractères propres au nouveau mouvement pictural : son ''climat'' spirituel, ses ambitions, sa nécessité historique » et sa portée internationale. Un mois plus tard, Apollinaire faisait paraître Alcools, avec en frontispice un portrait cubiste de l'auteur par Picasso.
Grand ami d'Apollinaire, le poète Lucien Rolmer, d'un mois son aîné, n'a pas suivi le même parcours esthétique que son compagnon de bohème.
D'expression plus classique, Rolmer est sans doute moins sensible que le futur poète d'Alcools et de Calligrammes aux formes artistiques nouvelles que défend Apollinaire. Cependant les deux poètes partagent une ambition esthétique commune, la recherche d'un nouveau souffle créatif. C'est au nom de cette quête de ce qu'il nomme « la Grâce », que Rolmer fonde une école littéraire et une revue, La Flora, Revue de la Grâce dans les Lettres et dans l'Art. Apollinaire, de son côté, cherche une expression plus radicale qu'il trouve notamment dans le cubisme et dans les arts primitifs. Ainsi adresse-t-il au « chantre » de la Grâce ces Méditations esthétiques sur des œuvres dont les « vertus plastiques : la pureté, l'unité et la vérité maintiennent sous leurs pieds la nature terrassée ». Ce faisant, il interroge implicitement le « psychologue » sur cette expression nouvelle « qui n'est pas un art d'imitation, mais un art de conception qui tend à s'élever jusqu'à la création ». L'année précédente déjà, il initiait son ami à l'Art Nègre en l'invitant à nourrir son « art gracieux » de la contemplation d'une grande statue métallique dahoméenne représentant le dieu de la guerre, « l'objet d'art le plus imprévu et un des plus gracieux qu'il y ait à Paris ».
Etrange présage de leur destin tragique commun, puisque c'est la guerre, dont ils surent pourtant décrire l'absurde beauté, qui emporta pareillement les deux poètes. En mai 1916, refusant sa reddition, Lucien Rolmer, simple soldat, est exécuté d'une balle dans la tête. Deux mois avant, le sous-lieutenant Kostrowitzky était atteint par un éclat d'obus dans le crâne auquel le « poète assassiné » ne survécut que peu de temps.
Dans son dernier ouvrage, Le Flâneur des deux rives, paru l'année de sa mort, Apollinaire évoque ses pérégrinations parisiennes avec son ami disparu : « La dernière fois qu'avant la guerre, j'ai passé rue Berton, c'était il y a bien longtemps déja et en la compagnie de René Dalize, de Lucien Rolmer et d'André Dupont, tous trois morts au champs d'honneur ».
Notre exemplaire est présenté sous une chemise à rabats en demi maroquin vert, plats de papier peigné, date dorée en queue, dos lisse et un étui bordé de maroquin vert, plats de papier peigné.
Précieuse et émouvante dédicace d'un poète à l'autre, témoin de l'effervescence intellectuelle et artistique d'une jeunesse bientôt sacrifiée au Léviathan de 14-18.
Nouvelle édition imprimée à 1040 exemplaires numérotés sur alfa. Cartonnage d'après la maquette originale de Mario Prassinos. Petites rousseurs sur les tranches, un coin supérieur très légèrement émoussé.
Édition originale, un des exemplaires de première émission numérotés à la presse.
Reliure en demi maroquin marron, dos à cinq nerfs, date dorée en queue, plats de papier à motifs abstraits, gardes et contreplats papier bleu-gris, tête dorée sur témoins, couvertures et dos en parfait état conservés.
Second recueil majeur du poète-soldat aux inovations graphiques inédites et illustré, en frontispice, d'un portrait de Guillaume Apollinaire par Pablo Picasso.
“Quelques-uns des meilleurs poèmes de guerre, toutes langues confondues, sont réunis dans ce recueil, à côté d'oeuvres expérimentales comme Les Fenêtres (proche du cubisme) et La Jolie
Rousse, qui étaient très en avance sur leur temps” (Cyril Connolly, Cent livres-clés de la littérature moderne, nº 32).
Bel exemplaire au papier non cassant ce qui est peu fréquent, rare et étonnant envoi autographe signé de Guillaume Apollinaire : « à monsieur le critique littéraire de La Libre Parole, hommage de Guill. Apollinaire. »
Qui pouvait être le destinataire de cette dédicace non nominative mais adressée à un collaborateur du célèbre journal antisémite fondé par édouard Drumont ?
On connait la position ostensiblement philosémite de Guillaume Apollinaire qui s'enorgueillit dans une lettre de 1899 auprès de Toussaint Luca d'avoir tenté de provoquer Henri Rochefort lisant justement La Libre parole, en déployant devant lui L'Aurore mais sans oser, regrette le jeune dreyfusard, engager la polémique. En 1902, il marque publiquement sa fraternité avec le peuple juif avec une nouvelle parue dans La Revue blanche, Le Passant de Prague : « J'aime les juifs car tous les juifs souffrent partout ». Puis dans Alcool, il dédiera un poème à la religion hébraïque : La Synagogue. Mais c'est sans doute à travers son poème « Le Juif latin », paru dans L'Hérésiarque et Cie qu'Apollinaire dévoile, poétiquement, l'essence de son lien particulier avec la judaïté, dont il partage la condition d'éternel étranger, le sentiment de déracinement et la recherche d'identité.
Il peut donc paraître très surprenant que ce poète, dont la seule trace d'engagement politique fut en faveur de Dreyfus, dédicace son œuvre à un journaliste de La Libre parole, fut-il critique littéraire. Et de fait, La Libre Parole ne contient aucune rubrique littéraire !
A quelques mois de la disparition du poète, ce laconique envoi se révèle ainsi être un formidable et ultime pied de nez de l'impertinence poétique à l'intolérance politique...