Gravure originale in folio non rognée, extraite du Voyage dans la Basse et la Haute Egypte de Vivant Denon.
Planche ornée d'une gravure subdivisée en plusieurs figures, ainsi décrites par l'auteur:
N° 1. Un manuscrit en toile ou bandelette de momie, trouvé dans un triage du magasin des curiosités de l'académie des sciences ; il est composé d'une suite de dix-neuf pages, séparées et encadrées avec autant de vignettes : la premiere a un titre écrit en rouge ; le premier mot de chaque colonne est écrit de même couleur; la boule de la premiere vignette, n° 1, paroit être le soleil ; il est coloré rouge ; ce qui en sort est sans doute un faisceau de lumiere, composé alternativement de globules rouges, et de globules noirs ; ensuite viennent des pages, dont les vignettes sont des oiseaux : je n'ai figuré qu'une des pages d'écriture, parceque la totalité auroit tenu un grand espace, sans ajouter aucun intérêt à l'estampe tant que l'on n'aura pas découvert le moyen de lire ce manuscrit ; il suffit d'en voir quelques uns pour satisfaire la curiosité, et savoir où les autres existent en cas qu'on parvienne à pouvoir les lire ; jusque-là les tableaux ont un intérêt plus particulier ; comme ici, les temples monolithes n° 13 , 17 et 18, qui prouvent évidemment que ces especes de monuments ont servi à tenir les oiseaux sacrés, ainsi que je l'avois pensé lorsque je trouvai le premier encore à sa place dans le temple de Philée (voyez le plan de cette isle, planche LXX, n° 22, la figure que j'en ai dessinée à part, pl. XLI, n° 1, et le journal, tom. II, page 94).
Le n° 2 est un épervier avec une tête d'homme, une figure devant lui dans l'attitude de l'admiration. N° 3. Un épervier sur une cage. N° 4. Un épervier sur une dalle. N° 5. Un vanneau, oiseau très multiplié en Egypte, et dont il y a nombre d'especes. N° 6. Une demoiselle de Numidie. N° 7. Un serpent à tête d'homme. N° 8. La consécration d'une fleur de lotus. N° 9.Une même consécration devant une tête qui sort de la plante du lotus. N° 10. Un homme prosterné devant trois divinités qui semblent les mêmes. N° 11. Un corbeau perché sur une demi-circonférence toute marquée de points, qui peuvent être des étoiles ; ce qui pourroit être l'emblême de la nuit. N° 12. Un bateau sur l'eau. N° 13. Un petit temple monolithe ; deux éperviers dehors du temple, posés sur le stylobate ; une figure d'homme assise, tenant un bâton, et qui semble être leur gardien ; le siege, très élégant, est formé d'un corps d'animal, de ses jambes, de ses cuisses, et de sa queue. N° 14. Une figure, que j'ai toujours cru devoir être celle de la terre, posée et incrustée dans une dalle ; un instrument tranchant semble la partager en deux parties. N° 15. Un homme à tête de loup, présentant à manger à une divinité en forme de terme ; il porte en même temps la main sur la partie de la génération de cette divinité. N° 16. Un sacrifice ; sous l'autel, sont des vases d'eau lustrale. N° 17. Une figure en admiration devant un tabernacle ou temple monolithe, dont la porte est fermée ; la porte est un treillage. N° 18. Un temple monolithe, dont une figure ouvre la porte, et présente à manger à l'oiseau qui y est enfermé. N° 19. La même vignette que le n° 10.
Après cela viennent quatre tableaux l'un dessus l'autre et qui tiennent tout le diametre du manuscrit : celui d'en-haut est un bateau ; le second, un homme à genoux fait une offrande de quatre vases, et d'autres choses, que je ne sais comment nommer, à une divinité assise ; le troisieme, une autre offrande à deux figures qui paroissent être deux divinités ; le quatrieme est à moitié déchiré. Parallèlement sont quatre autres tableaux, qui ne sont point terminés, parcequ'à cet endroit la bandelette a été déchirée : celui d'en-haut représente une offrande de la cuisse d'un animal à trois divinités accroupies, dont celle du milieu est rouge ; un bateau conduit par un homme accroupi, tenant une rame à deux mains, et dans la même attitude pratiquée encore aujourd'hui en Egypte ; le second tableau, une moisson en maturité , qu'un homme coupe avec une faucille ; un autre homme qui soigne une plante, qui n'est plus du bled, mais du riz ou du doura : dans le troisieme, un homme qui laboure ; il tient la corne de la charrue , et appuie le pied sur le soc ; la charrue est traînée par un bœuf ; il y a des arbres très mal dessinés, entre lesquels sont deux figures de la terre ; la premiere bande est fort dégradée.
La derniere file, au bas de l'estampe, sont des bas-reliefs pris dans de petits monuments qui sont près des pyramides de Gizéh, représentant diverses actions de la vie privée, une suite d'occupations rurales, de transport de leurs productions aux marchés des villes, de pêche, de chasse, etc. On peut remarquer que, lorsque les figures ne sont plus hiéroglyphiques ou emblématiques, la sculpture perd la roideur de ses poses ; que le mouvement indique parfaitement l'action, et souvent d'une maniere très gracieuse, comme on peut le remarquer, lettre D, dans le groupe de cette gazelle qui allaite son petit.
Légères rousseurs principalement marginales, sinon bel état de conservation.
Publié pour la première fois en deux volumes, dont un atlas de gravures, chez Didot, en 1802, le 'Voyage dans la Basse et la Haute Égypte' connut un tel succès qu'il fut traduit dès 1803 en Anglais et en Allemand, puis quelques années plus tard en Hollandais et en Italien, notamment. Presque toutes les planches sont dessinées par Denon, qui en a aussi gravé lui-même un petit nombre, notamment des portraits d'habitants d'Egypte, qui ont encore gardée toute la fraîcheur d'esquisses prises sur le vif (nos 104-111). Une bonne vingtaine de graveurs ont également collaboré à la création des eaux-fortes dont Baltard, Galien, Réville et d'autres.
Dominique Vivant, baron Denon, dit Vivant Denon, né à Givry le 4 janvier 1747 et mort à Paris le 27 avril 1825, est un graveur, écrivain, diplomate et administrateur français. A l'invitation de Bonaparte, il se joint à l'expédition d'Egypte en embarquant dès le 14 mai 1798 sur la frégate " La Junon ". Protégé par les troupes françaises, il a l'opportunité de parcourir le pays dans tous les sens, afin de rassembler le matériau qui servit de base à son travail artistique et littéraire le plus important. Il accompagne en particulier le général Desaix en Haute Egypte, dont il rapporte de très nombreux croquis, lavis à l'encre et autres dessins à la plume, à la pierre noire, ou à la sanguine. Il dessine sans relâche, le plus souvent sur son genou, debout ou même à cheval, et parfois jusque sous le feu de l'ennemi. A l'issue d'un voyage de 13 mois durant lesquels il dessine plusieurs milliers de croquis, Vivant Denon rentre en France avec Bonaparte, et devient le premier artiste à publier le récit de cette expédition. Les 141 planches qui accompagnent son Journal retracent l'ensemble de son voyage, depuis les côtes de la Corse jusqu'aux monuments pharaoniques de la Haute Egypte. Bonaparte le nomme ensuite directeur général du musée central de la République, qui devient le musée Napoléon, puis le musée royal du Louvre et administrateur des arts. En 1805, Vivant Denon relance le projet de la colonne Vendôme, qui avait été suspendu en 1803. Il organise ensuite des expéditions dans toute l'Europe impériale pour amasser les objets d'art, qui sont pillés pour être emportés au Louvre. En 1814, Louis XVIII le confirme à la tête du Louvre, dont une aile porte encore son nom aujourd'hui. Il est considéré comme un grand précurseur de la muséologie, de l'histoire de l'art et de l'égyptologie.