Ouvrage illustré de 9 pointes-sèches originales d'Albert Woda qu'il a signées et numérotées au crayon de papier.
Bel exemplaire complet de son étui en pleine toile marron.
Signatures manuscrites d'Alain Adaken et Albert Woda en dessous au colophon.
Lettre autographe signée de Pablo Picasso à Fernande Olivier. Deux pages à l'encre noire sur un feuillet réglé à en-tête de l'hôtel du Canigou, Maison Armand, Céret. Enveloppe autographe jointe adressée à "Madame Picasso" à leur adresse du 11 boulevard de Clichy, tampon postal en date du 8 août 1911. Plis inhérents à l'envoi, infimes déchirures marginales sans atteinte au texte. Recto et verso de l'enveloppe détachés.
Superbe lettre inédite à « la belle Fernande », depuis la Mecque du Cubisme, le village de Céret. Arrivé depuis peu dans ce temple de l'art où il passera trois étés en compagnie de Braque, Picasso adresse à sa première muse, une ultime lettre d'amour où souffle déjà un vent de liberté et de nouveaux désirs.
Cette très rare lettre précoce rédigée dans un français encore hésitant et empreint de graphie catalane marque un tournant dans la vie et l'œuvre de Picasso.
Peintre enfin reconnu, confortablement installé dans un bel immeuble parisien avec gouvernante, animaux de compagnie et « Madame Picasso », Pablo s'échappe pour ce qu'il pense être une courte escapade provinciale dans ce village catalan, à l'invitation de Manolo Hugué.
Ce qui devait être un simple retour aux sources contre l'embourgeoisement parisien, se révèle une formidable source d'inspiration. La puissance créatrice qu'insuffle cette nouvelle vie à Picasso transparaît dans cette lettre passionnée ou se bousculent l'amour, l'amitié, l'espace et le désir dans un joyeux collage de propos morcelés entre lettre d'amour et naissance d'une nouvelle inspiration.
« Je t'aime beaucoup [...] Je ne ai reçu encore que une lettre de toi tu me écriras tous les jours [...] je t'embrasse tout le temps.»
Rencontrée en 1904, Fernande Olivier, surnommée à Montmartre « La Belle Fernande », subjugue le tout jeune Picasso qui la convainc de s'installer dans son atelier du Bateau-Lavoir, où il ne cesse de peindre, sculpter et dessiner sa muse, qui pose désormais exclusivement pour lui. Depuis les encres représentant leurs premiers ébats passionnés jusqu'aux traits fragmentés des Demoiselles d'Avignon, la silhouette et le visage de Fernande inondent l'œuvre de l'artiste. Ce premier grand amour joue un rôle décisif sur l'orientation artistique de Pablo Picasso qui connaît alors ses premiers succès. Pourtant, après six années de bohème en sa compagnie, la peinture demeure la plus dangereuse des rivales. Préoccupé de lui-même et de son œuvre, Picasso rejoint ses amis Manolo et Franck Burty Haviland à Céret et laisse sa muse seule dans leur nouvel appartement du boulevard de Clichy au sein d'une véritable ménagerie domestique, trois chats siamois, une chienne et une guenon qui mettent les lieux sens dessus dessous : "Je pense que tu as raison de donner le chat de Siam il n'est pas rigolo et après dernièrement la maison sentait vraiment trop la pisse".
Inquiète du silence de son amant, - « Ma chère Fernande tu me demandes si je pense à toi allors [sic] tu crois que je peux te oublier » - Fernande qui se fait déjà appeler « Madame Picasso », transforme leur appartement au grand dam du peintre : « Je pense que tu vas me faire arranger l'atelier mais que on fasse etention [attention] et que on mete les livres avec les livres les penceaux avec les penceaux et les bouteilles avec les chopines ». Mais si Picasso feint encore de croire à son retour : « enfin que Louise se arrange de façon que je puisse trouver quelque chose quand je rentre », sa lettre témoigne d'une toute autre passion : « Je ai commencé à travailler chez Haviland ier je serais bien ». Leur couple connait en effet ses derniers feux et, à l'automne, Picasso succombera aux charmes d'Eva Gouel, cependant que Fernande trouvera refuge dans les bras et sur les toiles du peintre futuriste Ubaldo Oppi.
Malgré cette rupture et les infidélités de chacun, Fernande n'hésitera pas à écrire dans ses Ecrits intimes : « ces années vécues près de toi, ce fut la seule époque heureuse de ma vie ».
Rédigée à l'aube de son aventure cubiste, la lettre laisse transparaître l'effervescence créatrice du peintre qui semble incapable de modérer son excitation. Entre chaque adresse à Fernande, surgit le bonheur de la vie cérétane, « hier soir, j'ai diné chez Manolo », « Dede Denicker ne est pas encore arrivé » écrit-il, mentionnant ce jeune émule baptisé "le plus jeune des cubistes" par Apollinaire, et qui deviendra cet été-là l'élève de Manolo. Et si Picasso pense encore au Bateau-Lavoir, c'est presque plus pour les « copains » que pour l'amante : « Je ne ai reçu encore que une lettre de toi tu me écriras tous les jours et tu dis aux copains de me ecrire aussi. (...) Je ai envoyé des cartes postalles à tout le monde. » On connaît quelques-unes de ses fameuses cartes griffonnées de peu de mots, notamment à Apollinaire et son marchand Kahnweiler.
Au-delà du plaisir intense qu'éprouve Picasso à retrouver l'ambiance catalane, cette lettre nous révèle l'intérêt du peintre pour une vie modeste, « Je pai 4 francs par jour à l'Hôtel. » et propice à la profusion créatrice : « La maison est si grande que je aurai plusieurs ateliers à ma dispocition ». Cette relation à la simplicité et à l'espace qui domine la lettre est fondamentale dans le processus d'émergence d'une nouvelle esthétique, cette « discipline de l'humble » des tableaux cubistes. L'arrivée quelques jours plus tard de Braque et Max Jacob marquera le début d'une série de trois saisons estivales à Céret, d'une fécondité artistique extraordinaire.
C'est précisément à cette période qu'une nouveauté fondamentale marque ses œuvres : mots et lettres entrent dans ses compositions comme des « textures optiques » (Michel Butor) et d'espiègles jeux de sens.
Encore pleine d'amour, cette superbe lettre nous laisse pourtant deviner que la vraie rupture avec Fernande sera sans doute plus encore imputable à cette nouvelle vie picturale qu'à l'apparition d'Eva Gouel. Et lorsque sa biographe Sophie Chauveau évoque les jours passés dans l'alcôve de l'atelier, c'est avec Georges Braque : « dire qu'à Céret ils ne restent ensemble que deux semaines ! Dieu qu'ils sont reliés l'un à l'autre ! Quand on voit le résultat, c'est inouï ! » Parmi les tableaux peints durant ce premier séjour, figurent d'immortels chefs-d'œuvre du cubisme analytique, notamment Le Poète, L'Accordéoniste, L'Eventail (L'Indépendant) et de fameux tableaux objets de forme ovale (L'Homme à la pipe ; Palette, pinceaux, livre de Victor Hugo).
La lettre est caractéristique de sa correspondance du début du siècle, dont de très rares exemples subsistent en mains privées. De son écriture « frappée de la verdeur naïve de la jeunesse » (Laurence Madeline, Picasso épistolaire), le peintre se moque du visage vérolé de son mécène : « Haviland et [est] plein de clous » (qui ne manque pas d'évoquer au lecteur les fameuses statuettes africaines dérobées au Louvre qui firent tant de tort à Picasso quelques semaines plus tard, lorsqu'aura lieu le vol de la Joconde). La délicieuse orthographe du jeune Picasso regorge encore de tournures hispanisantes - alors seulement installé en France depuis quelques années, ses mots presque bilingues accompagnent ce retour en pays catalan, dans cette cité si proche de la frontière et de sa jeunesse barcelonaise. « Il vivait comme en Espagne », se souvient Fernande, et semble s'en réjouir immensément : « On ne fait pas ou presque de 14 juillet ont ne aime que Don Carlos » écrit-il ici. Il profite de la convivialité de son ami catalan et du "Grand Café de Céret, tenu par Michel Justafré" qui a fourni l'enveloppe à en-tête de cette missive et accueilli les innombrables dessins de Picasso sur ses tables en marbre. On y verra passer tout au long du siècle les plus grands artistes de l'art moderne, notamment Juan Gris, Matisse, Moïse Kisling, Marquet et Soutine. Réunis dans cette institution aux fenêtres hispano-mauresques, Braque et Picasso se fourniront en partitions musicales pour leurs papiers collés cubistes auprès de Déodat de Séverac, leur ami compositeur installé dans le village. Le souvenir de ce café survit également dans les unes du journal local L'Indépendant, lues à la hâte au comptoir, qui se retrouvèrent partie intégrante de ses toiles.
Magnifique et rarissime lettre pré-cubiste à sa première muse et son premier grand amour, qui partagea la vie de bohème du jeune Picasso dans l' « Acropole cubiste » du Bateau-Lavoir. Fernande reçoit ici le précieux témoignage des premiers jours du peintre à Céret, véritable jalon de la grande épopée du cubisme.
"Ma chère Fernande tu me demandes si je pense à toi allors [sic] tu crois que je peux te oublier. Je t'aime beaucoup.
Je ai commencé à travailler chez Haviland ier je serais bien. La maison est si grande que je aurai plusieurs ateliers à ma dispocition.
Hier soir je ai diné chez Manolo. Je pense que tu as raison de donner le chat de Siam il n'est pas rigolo et après dernièrement la maison sentait vraiment trop la pisse. Dede Denicker ne est pas encore arrivé. On ne fait pas ou presque de 14 juillet ont ne aime que Don Carlos. Je pai 4 francs par jour à l'Hôtel.
Je ne ai reçu encore que une lettre de toi tu me écriras tous les jours et tu dis aux copains de me ecrire aussi.
Haviland et plein de clous.
Je ai envoyé des cartes postalles à tout le monde.
Je pense que tu vas me faire arranger l'atelier mais que on fasse etention [attention] et que on mete les livres avec les livres les penceaux avec les penceaux et les bouteilles avec les chopines, enfin que Louise se arrange de façon que je puisse trouver quelque chose quand je rentre.
Bonjour à tout le monde et à toi je te embrasse tout le temps
Pablo"