Très rare édition originale de cette revue programme du cinéma Studio 28 fondée par Jean Mauclaire et composée de textes du groupe surréaliste sur le film de Luis Bunuel, "L'âge d'Or".
Légers manques sur le dos qui comporte deux petites déchirures en tête et en pied, une ombre en tête du premier plat. Ex-libris manuscrit « Jean Vigo », probablement autographe, inscrit à l'encre noire en angle inférieur droit de la page où figure l'illustration de Salvador Dali.
Contributions littéraires de Louis Aragon, André Breton, René Char, Salvador Dali, Paul Éluard, Georges Sadoul, Tristan Tzara.
Le numéro est orné d'illustrations de Hans Arp, Salvador Dali, Max Ernst, Man Ray, Yves Tanguy ainsi que de nombreuses reproductions du film de Luis Buñuel "L'âge d'or".
Rarissime exemplaire de ce très fragile programme du film de Luis Buñuel aux couvertures dorées bien conservées. Doublé d'une provenance exceptionnelle, il a appartenu au cinéaste Jean Vigo, célèbre réalisateur de l'Atalante, rebelle du cinéma à la carrière fulgurante et admirateur du travail de Buñuel. Il signa également une critique élogieuse de son Chien andalou.
Film réalisé par Luis Buñuel en 1930 sur un scénario écrit conjointement avec Salvador Dali, L'Âge d'or est le parangon du film d'avant-garde et surréaliste. Commandé par Charles de Noailles, dont l'épouse, Marie-Laure de Noailles, d'ascendance juive, était une des plus importantes fortunes de France, la première projection de ce film se déroula en juillet 1930 dans l'hôtel particulier des De Noailles, puis le 22 octobre au Panthéon Rive gauche et pour finir les 28 novembre et le 3 décembre 1930 au cinéma Studio 28 à Montmartre. Pendant la dernière séance, la salle fut saccagée par des militants d'extrême droite aux cris de « On va voir s'il y a encore des chrétiens en France ! » et « Morts aux juifs » ; ils jetèrent de l'encre sur l'écran, balancèrent des fumigènes et des boules puantes, et forcèrent les spectateurs à quitter les lieux. Dans la foulée, le film fut censuré pour ses propos antipatriotiques mais surtout antichrétiens et fut saisi le 12 décembre.
Cette « Revue-programme », divisée en 2 parties tête-bêche, fut publiée pour les séances au Studio 28 en 1930 ; une partie, la plus importante, de 38 pages, est consacrée au film de Luis Buñuel et débute par un petit texte de Salvador Dali : « Mon idée générale en écrivant avec Buñuel le scénario de L'Âge d'or a été de présenter la ligne droite et pure de « conduite » d'un être qui poursuit l'amour à travers les ignobles idéaux humanitaire, patriotique et autres misérables mécanismes de la réalité ». Le numéro est ensuite composé du scénario, des sous-titres, du dialogue et d'un long texte sur le film se terminant par celui intitulé Aspect social - éléments subversifs signé des principaux membres du courant surréaliste à l'époque, du « Catalogue des œuvres exposées au studio 28 pour la première représentation », d'un catalogue des livres surréalistes en vente à la librairie Corti, ainsi que de trente photographies en noir du film.
Cinéphile devenu cinéaste, Jean Vigo se rapproche du surréalisme de Buñuel pour sa première œuvre cinématographique A Propos de Nice (1930) avec des scènes aux allures surréalistes : pieds nus que l'on cire, femme fumant une cigarette et soudain dénudée. La première projection publique de ce documentaire social a lieu deux mois avant la sortie de L'Âge d'or. Vigo avait déjà admiré la « sauvage poésie » d'Un Chien andalou dans une analyse qui fait toujours autorité. Comme Buñuel, Vigo ne sera pas étranger au scandale avec son film Zéro de conduite (1933), fortement influencé par son enfance difficile et l'image d'un père anarchiste disparu, qui sera censuré pendant plus de quinze ans. Peu de temps avant la précoce disparition de Vigo, les deux cinéastes font partie de l'Association des Ecrivains et Artistes révolutionnaires. L'éphémère carrière de Vigo sera redécouverte par la Nouvelle Vague et notamment Truffaut, « pris aussitôt d'une admiration éperdue pour cette œuvre dont la totalité n'atteint pas 200 minutes de projection. »
Exemplaire exceptionnel liant deux figures tutélaires du cinéma - surréaliste et impressionniste - indéniablement liés par leurs sauvages et poétiques portraits de la bourgeoisie.
Provenance : Jean Vigo ; Claude Aveline, son exécuteur testamentaire.