Victor SEGALEN
Double lettre autographe signée, la dernière envoyée depuis San Francisco adressée à Emile Mignard : "[...] ma sexualité est infiniment occupée par ma vorace Israélite."
San Francisco jeudi 8 et samedi 11 janvier 1903, 13x20cm, 6 pages sur 3 feuillets.
Double lettre autographe signée de Victor Segalen adressée à Emile Mignard, six pages rédigées à l'encre noire sur trois feuillets de papier blanc. Pliures transversales inhérentes à l'envoi. Traces d'onglets de papier blanc.
Emile Mignard (1878-1966), lui aussi médecin et brestois, fut l'un des plus proches amis de jeunesse de Segalen qu'il rencontra au collège des Jésuites Notre-Dame-de-Bon-Secours, à Brest. L'écrivain entretint avec ce camarade une correspondance foisonnante et très suivie dans laquelle il décrivit avec humour et intimité son quotidien aux quatre coins du globe. C'est au mariage de Mignard, le 15 février 1905, que Segalen fit la connaissance de son épouse, Yvonne Hébert.
Segalen, parti du Havre le 11 octobre 1902 en direction de Tahiti, voit son voyage interrompu par la contraction de la fièvre typhoïde qui l'immobilisera finalement deux mois à San Francisco. Cette convalescence, qui durera jusqu'à début janvier 1903 fut l'occasion pour Segalen de découvrir China Town. Dans cette lettre, la dernière que le médecin adressera à son ami depuis la Californie, il est l'heure du bilan :
« Je laisse ici à défaut d'Amis, nom que je ne prodigue plus, de très bons camarades et de très bienveillants patrons. […] Je ne quitte pas sans une pointe de tristesse une ville amusante et trouble et quelques braves gens. Je promets des retours auxquels je ne crois pas et des souvenirs dont plusieurs s'effaceront. » Segalen revient cependant sur sa conquête américaine, déjà évoquée dans sa lettre de fin décembre :
« Je n'omets pas dans le protocole des adieux une séance opératoire soignée sur mon sujet Miss Rachel qui m'est restée bien amusante pendant mon mois supplémentaire. Quel joli petit animal ! Je me suis donné le malin plaisir de réunir en un même dîner plusieurs compétiteurs de ce très succulent morceau. » On découvre ici qu'il ne s'en est pas tenu à cette unique fréquentation sensuelle :
« Ayant satisfait aux lois de l'esthétique en la personne de ma petite Juive, vraiment tentante, j'ai trouvé intéressant et bon de m'occuper de son extrême parmi la cohorte des nurses ; une petite béarnaise échouée ici, laide sans trop, d'une laideur suffisante pour l'isoler, la priver de sortie à deux. Je lui donne volontiers de longues heures de causeries et l'illusion brève d'épanchements nouveaux ; sans plus d'ailleurs car ma sexualité est infiniment occupée par ma vorace Israélite. »C'est ici pour Segalen l'occasion de se livrer à un compte-rendu anthropologique de la femme américaine :
« La « girl » est ici cet être américain qui peut être millionnaire ou employée de téléphone, noceuse ou rigide. Pas de catégories tranchées comme en France. Elle est souvent de bonne humeur, mange bien, boit plus encore et s'enivre carrément. »Les lettres autographes de Victor Segalen sont d'une grande rareté.
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Réf : 80856
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