Antoine de SAINT-EXUPERY
Un feuillet manuscrit autographe de "Terre des Hommes"
1938, 21x27cm, 1 page sur un feuillet.
| « Nous nous sommes nourris de la magie des sables, d'autres peut-être y creuseront leurs puits de pétrole » |
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Manuscrit autographe original d'Antoine de Saint-Exupéry, une page rédigée à l'encre noire sur un feuillet de papier pelure jaune, nombreuses ratures, corrections et réécritures.
Exceptionnel manuscrit de travail d'un passage du chapitre VI intitulé « Dans le désert » de Terre des Hommes, véritable ode à la magie de contrées sauvages vouées à disparaître avec l'avancée inéluctable de l'âge industriel. Saint-Exupéry livre de magnifiques souvenirs de l'adversité libératrice, la « dissidence » tant chérie qu'il connut au cœur des déserts de Mauritanie et de Libye. Les deux derniers paragraphes du manuscrit sont absents de la version finale de Terre des Hommes ; le texte entier du feuillet demeure inédit en anglais, étant absent de la traduction anglaise de l'ouvrage publié sous le titre Wind, Sand and Stars.
Cet état du texte, avec de nombreuses ratures, constitue la véritable genèse de son chef-d'œuvre humaniste, lauréat du Prix Pulitzer et du Prix de l'Académie Française : l'écrivain retravaille et réarrange ses souvenirs publiés en reportages dans Paris-Soir en 1938. Certaines phrases (« Qu'importe ce que l'on trouve au pôle si l'on marche ainsi dans l'enchantement ») échappant aux biffures correspondent à des variantes d'un de ses reportages, accompagnées de passages inédits obscurcis de traits de plume.
Manuscrit témoignant d'une étape d'écriture précoce, non citée dans les notes et variantes de l'édition de La Pléiade.
Le manuscrit reprend un passage de son cinquième article pour Paris-Soir, intitulé « La magie du désert c'est ça », publié le 14 novembre 1938. Il paraîtra, avec une partie des modifications de ce manuscrit et d'autres corrections ultérieures, en fin du sixième chapitre de Terre des Hommes.
DISSIDENCE ET LIBERTÉ
Le thème central du texte, la dissidence, est cité dès la première phrase du feuillet, et deviendra le titre du passage indiqué par la suite sur les épreuves dactylographiées. Ce leitmotiv suscite une bouffée de nostalgie chez l'écrivain, qui se remémore avec émotion de fugaces moments de liberté lors de ses échappées dans le désert : « Les horizons [biffé : contrées] vers lesquels nous avons couru l'un après l'autre se sont éteints ['se sont éteints l'un après l'autre' dans le texte publié], comme ces insectes une fois pris au piège des [sic] mains tièdes ['qui perdent leurs couleurs une fois pris au piège des mains tièdes' idem]. Mais il n'y avait pas d'illusion ['celui qui les poursuivait n'était pas le jouet d'une illusion' idem]. Nous ne nous trompions pas, quand nous marchions ainsi de miracles en miracles ['nous courions ces découvertes' idem]. Le sultan des Mille et une nuits non plus, qui courait un matin ['poursuivait une matière si subtile' idem] [phrase biffée], que ses belles captives, une à une s'éteignaient à l'aube dans ses bras, ayant perdu, à peine touchées, l'or de leurs ailes ». Entre les lignes, on sent poindre la conscience aiguë de la fin d'une époque, qui s'acheva avec la faillite de l'Aéropostale et son grave accident au Guatemala. Il se réfugie dans le souvenir des déserts insoumis de Mauritanie, ces terres peuplées de rebelles dont le charme s'est définitivement rompu avec le temps qui passe : « Mais il n'est plus de dissidence. Cap Juby, Cisneros, Puerto Cansado, Dora, Smarra, il n'est plus de [mot biffé] mystère ».
ESSENCE DES HOMMES CONTRE HOMMES DE L'ESSENCE
L'écrivain-aviateur livre un sublime passage sur ces contrées dont ses camarades aviateurs et lui-même furent les heureux observateurs : « Car la poudre vierge des coquillages et les palmeraies interdites, nous ont livré leur part la plus précieuse : elles n'offraient qu'une heure de ferveur, et
c'est nous qui l'avons vécue. » Le récit est conté à la première personne du pluriel, honorant la mémoire de cette
« petite civilisation fermée maintenant disparue » constituée de ses camarades aviateurs tombés du haut du ciel, Guillaumet et Mermoz. Le feuillet contient également une prophétique remarque sur le sort de ces déserts, qu'il a intimement connus, bientôt exploités pour leurs ressources : «
Nous nous sommes nourris de la magie des sables, d'autres peut-être y creuseront leurs puits de pétrole, et s'enrichiront de leurs [biffé : cette]
marchandises. » On voit déjà poindre le personnage du businessman dans
Le Petit Prince, une précoce manifestation de son opinion sur les dérives du progrès humain.
« ÉTOILES PAR GRAND VENT » Ces mots jetés sur un fin feuillet de papier jaune représentent un état crucial et précoce de son chef-d'œuvre. Saint-Exupéry y assemble pour la première fois l'ouvrage encore sous son titre princeps
Étoiles par grand vent, qui paraîtra en France sous le titre de
Terre des Hommes en février 1939. Nous connaissons une autre feuille de papier de cette couleur avec les mêmes types de corrections, qui a également échappé au recensement de La Pléiade. On perçoit l'écriture plus directe d'un premier jet – le feuillet datant sans nul doute de la première synthèse de ses reportages journalistiques.
Quasiment chaque phrase subit une modification (rature, biffure, déplacement de mots ou expressions), qui ne se retrouvera pas systématiquement dans la version publiée : « On voit donc ici un travail fort subtil de reprises de textes fonctionnant de manière très différente selon les sujets, et nettement orientés vers cette recréation de l'Homme à laquelle invite le livre » (
Saint-Exupéry. Œuvres complètes, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1994, vol. I, p. 1009)
Précieux extrait de
Terre des Hommes, la grande aventure humaniste et romanesque de Saint-Exupéry qui lui apporta une renommée internationale.
Ce manuscrit de toute rareté, criblé de ratures, de repentirs et réécritures se fait le témoin de l'intense travail d'écriture à l'origine de ce chef-d'œuvre intemporel.
10 000 €
Réf : 83908
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