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Libro autografato, Prima edizione

Léon WALRAS & William JAFFE Très importantes et dernières archives en main privées comprenant manuscrits, tapuscrits, épreuves corrigées, tirés à part, éditions originales

Léon WALRAS & William JAFFE

Très importantes et dernières archives en main privées comprenant manuscrits, tapuscrits, épreuves corrigées, tirés à part, éditions originales

S.n., s.l. 1887, divers, 11 pages sur 7 feuillets pour les manuscrits + 4 feuillets pour la transcription.


| Uniques archives en mains privées du fondateur du libéralisme et de la science économique moderne |
*


Exceptionnel ensemble d'archives manuscrites et imprimées - le dernier en mains privées - du fondateur du libéralisme et de la science économique moderne, Léon Walras, conservées et annotées par William Jaffé. L'un des 5 plus importants ensembles d'archives de celui que Schumpeter considérait comme le « plus grand de tous les économistes ».

Cet ensemble de 42 documents d'importance, comprenant des manuscrits autographes complets, des épreuves corrigées, des tirés à part abondamment annotés, et des ouvrages imprimés enrichis, fut adressé par Aline Walras puis Gaston Leduc à William Jaffé qui ajouta sur certain ses notes autographes et établit grâce à eux la première traduction des Eléments d'Economie politique Pure.
Léon Walras, inventeur de la théorie de l'équilibre économique, a en effet bouleversé la conception classique en imposant des équations mathématiques pour expliquer et influencer l'économie. Concomitamment avec Jevons et Menger, il fonde la théorie marginaliste, qui deviendra un pilier de la Science économique du XXeme siècle, comme le notait déjà à Milton Friedman, dans son essai consacré à Léon Walras à l'occasion de la traduction par Jaffé des Elements of Pure Economics : « it belongs on [any student's] "five foot shelf." [...] A person is not likely to be a good economist who does not have a firm command of Walrasian economics » (Milton Friedman)
Malgré l'importance de la pensée de Léon Walras, les documents originaux, autographes ou imprimés du fondateur de l'Ecole de Lausanne, sont d'une extrême rareté, tant en mains privées, qu'en ventes publiques ou en institutions.
***



PROVENANCE ET HISTOIRE DES ARCHIVES WALRAS



Fondateur de la Science économique avec Stanley Jevons et Carl Menger, on lui attribue la paternité du Libéralisme, omettant généralement son engagement social et humaniste. La théorie de l'équilibre économique élaborée par Walras a en effet bouleversé la conception classique de l'Economie qui, depuis Smith, Riccardo et Marx fonde la valeur sur le travail nécessaire à la production et sur l'opposition des classes sociales.
Malgré l'importance de la production de Léon Walras, les documents originaux, autographes ou imprimés de l'un des plus importants économistes de la fin du XIXème siècle sont d'une extrême rareté, tant en mains privées, qu'en ventes publiques ou en institutions.
Cette extrême rareté a contribué à une méconnaissance du nom de Walras, cependant que les co-fondateurs de la théorie marginale, sont souvent présentés comme ses prédécesseurs. Or comme l'écrit l'historien de la pensée économique Mark Blaug :

« La Théorie de l'économie politique de Jevons (1871) n'a pas été bien accueillie lors de sa parution, mais elle a été lue. Les Principes d'économie de Menger (1871) furent à la fois lus et bien accueillis, du moins dans son propre pays. Mais l'ouvrage en deux parties de Walras, Éléments d'économie pure (1844-1877), fut monstrueusement négligé partout. (…] Walras s'est fixé une tâche qui allait au-delà de Jevons et Menger, ses co-découvreurs de la théorie de l'utilité marginale, à savoir écrire et résoudre le premier modèle multi-équationnel d'équilibre général sur tous les marchés. De plus, Walras allait bien au-delà de Jevons en employant un mode d'exposition mathématique, ce qui suffisait à effrayer la plupart de ses lecteurs contemporains. Mais alors que Jevons et Menger sont désormais considérés comme des monuments historiques, rarement lus uniquement pour eux-mêmes, l'appréciation posthume de l'œuvre monumentale de Walras s'est si nettement développée depuis les années 1930 qu'il est peut-être aujourd'hui l'économiste du XIXe siècle le plus lu après Ricardo et Marx, notamment depuis la traduction des Éléments en anglais en 1954. » (1)



Ce n'est en effet que grâce à cette première traduction de William Jaffé, près de 80 ans après l'originale, que les théories de Léon Walras connaîtront une diffusion internationale et deviendront un pilier de la Science économique du XXeme siècle, comme le notait déjà Milton Friedman, dans son essai consacré à Léon Walras à l'occasion de la parution des Elements of Pure Economics :


« Though I regard as somewhat extravagant Schumpeter's judgment that, "so far as pure theory is concerned, Walras is . . . the greatest of all economists,"2 there can be no doubt that the Elements is a great work which marked an important step forward in the development of economics as a science, and which still plays an important role in economic thinking. It is well worth having a translation even at this late date in order to make it more readily accessible both to the profession at large and particularly to students learning to become economists: it belongs on their "five foot shelf." |...] A person is not likely to be a good economist who does not have a firm command of Walrasian economics; equally, he is not likely to be a good economist if he knows nothing else. » (2)



  
L'animosité de ses contemporains conjuguée au soin que Walras mit à rassembler son travail et à en assurer la disponibilité pour les générations futures, contribua à une très faible dispersion de son patrimoine écrit, aujourd'hui presqu'exhaustivement rassemblées au sein de quatre institutions :
Les archives cantonales vaudoise à Lausanne (qui conserve l'essentiel des manuscrits et épreuves annotées)
La collection Walras de la Faculté de Droit de Lyon (essentiellement riche des archives d'Auguste Walras et de la correspondance familiale de Léon Walras)
La Bibliothèque de Droit, Sciences Economiques et Gestion de Montpellier (qui recense deux œuvres manuscrites, des notes de cours et quelques ouvrages imprimés)
La collection de l'Université de York (uniquement composée de correspondance et de photographies, le reste étant des copies effectuées par William Jaffé ou Aline Walras)
L'histoire de la constitution de ces archives et leur contenu, détaillés dans notre dossier joint révèle ainsi une très faible dispersion des documents originaux de Léon Walras
Or, avant qu'Olive Caroline Jaffé, Veuve de William Jaffé ne confie des documents à l'Université de York, elle offrit à Donald A. Walker, le continuateur du travail de recherche de son mari sur Léon Walras, une partie des archives de l'économiste offerts par Aline Jaffé et son héritier Gaston Leduc.
Les exceptionnelles et sans doute ultimes archives en mains privées que nous présentons sont issues de la collection privée de Donald Walker. Elles constituent le dernier et le plus important ensemble d'œuvres manuscrites, épreuves corrigées et tirés à part d'auteurs de Léon Walras hors des Universités de Lausanne, Lyon et Montpellier.

LES ARCHIVES DE WILLIAM JAFFÉ
 
L'ensemble des documents proposés ici présente donc la particularité de provenir à la fois des archives personnelles de Léon Walras et de celles de son principal hérault, William Jaffé.
Ainsi, la plupart des documents imprimés sont corrigés et annotés et signés par l'un ou/et l'autre.
Mais la véritable cohérence de cet ensemble tient surtout à la diffusion internationale et plus particulièrement outre-Atlantique des idées de Léon Walras. En effet, les documents conservés par Jaffé puis Walker semble liés à cette volonté très novatrice d'internationalisation de la science économique, favorisée tant par la mathématisation établie par Walras que par sa tentative précoce de diffusion internationale de ses idées.

« Walras fut en relation, c'était nouveau pour l'époque, avec tous les économistes de la période qui laissèrent un nom dans l'histoire de la théorie économique […]. Cette constitution progressive d'un milieu international d'économistes doit sans doute beaucoup au processus de mathématisation : Sakharov faisait remarquer récemment que les équations sont justes sur tous les continents. » (3)



Cette contribution essentielle de Walras à l'établissement d'une véritable communauté internationale de chercheurs en science économiques, ne se limite pas à un nouveau langage.
Comme le notent Jan Van Daal et Donald Walker, « beaucoup des articles de Léon sont parus dans des revues ou des journaux à faible tirage et peu connus, donc difficiles à trouver. » (4). Les tirés à part des articles de Walras sont ainsi les meilleurs et presque les seuls ambassadeurs de la pensée en élaboration de Walras et son réel moyen de communication savante avec ses pairs (l'internet naitra d'ailleurs de cette même volonté de partage entre scientifiques). Notre ensemble qui est constitué de nombreux tirés à part annotés par l'auteur, témoigne donc de cette démarche spécifique.
La maitrise de la langue anglaise devenant, au détriment du français, la langue scientifique officielle est également pour Walras lui-même un enjeu que reflètent les documents conservés par Jaffé et Walker.

NOTE ON THE SOLUTION OF THE ANGLO-INDIAN MONETARY PROBLEM

Ainsi les deux jeux d'épreuves de Note on the solution of the Anglo-indian monetary problem enrichies de nombreuses corrections et notes de Walras montrent l'importance accordé à ces traductions.

THE GEOMETRICAL THEORY OF THE DETERMINATION OF PRICES (annoté par Jaffé)

De même The Geometrical theory of the Determination of Prices, tiré à part de l'American Academy of political and social science de Philadelphie, est-il fortement anoté et enrichi de cette belle explication autographe de W. Jaffé : « The corrections in ink are those made by Léon Walras himself in a copy of this article sent to Alfred Marshall. The corrections are in W's hand ».

MANUSCRIT AUTOGRAPHE ORIGINAL EN ANGLAIS DE LA MAIN DE WALRAS de The Geometrical theory of the Determination of Prices

Plus encore la version anglaise de cet article fondamental, parue quelques mois après l'originale française, est réalisée par Léon Walras lui-même comme le prouve le manuscrit autographe original en anglais de la main de Walras, présenté dans notre ensemble et précieusement gardé par Jaffé qui a inséré dans son exemplaire imprimé plusieurs feuillets de calcul de sa main.

UN NUOVO RAMO DELLA MATEMATICA DELL'APPLICAZIONE DELLE MATEMATICHE ALL'ECONOMIA POLITICA

Un autre ouvrage de ce fonds illustre tant l'internationalisation de la pensée de Walras que l'abandon de la primauté de sa langue d'origine. Il s'agit d'Un nuovo ramo della matematica dell'applicazione delle matematiche all'economia politica parue à Padoue dès 1876 directement en italien et jamais traduit en français du vivant de l'auteur.

BIBLIOGRAPHIE DES OUVRAGES RELATIFS A L'APPLICATION DES MATHEMATIQUES A L'ECONOMIE POLITIQUE et THEORIE MATHEMATIQUE DE LA RICHESSE SOCIALE

Jaffé et Walker ont également conservé un précieux tiré à part, l'unique collaboration entre deux des fondateurs de l'économie mathématique qui est également la toute première bibliographie des ouvrages relatifs à l'application des mathématiques a l'économie politique, de Stanley Jevons, avec la collaboration et une introduction de Léon Walras. Ce tiré à part sans couverture est plus qu'un simple recensement, c'est une revendication de légitimité. Par la recherche de prédécesseurs, ces deux révolutionnaires de l'économie affirment que leur pensée s'inscrit dans une continuité historique et se trouve justifiée par les illustres pairs qui les ont précédés. Ainsi, Walras est-il fier d'ajouter à la liste la première occurrence mathématique dans une réflexion économique, remontant à 1781, c'est-à-dire presque à l'origine de la pensée économique.

THEORIE MATHEMATIQUE DU BIMETALLISME (annoté par Walras)

Cette obsession de la légitimation historique se retrouve sur notre exemplaire de la Théorie mathématique du Bimétallisme en 1881, abondamment annoté au crayon et corrigé par Léon Walras et enrichi de cette longue note autographe en pied de la page 8 :
« Le plus ancien de tous les essais d'application des mathématiques à l'économie politique qu'on ait retrouvés jusqu'ici est un ouvrage d'un économiste italien nommé Giovanni Ceva, publié à Mantoue en 1711 et intitulé De re numinaria quoad fieri potuit geometrice tractata ad illustrissimos et excellentissimos dominos Praesidene, Quaestroresque hujus arciducalis Caesarei Magistratus Mantuae. Cet ouvrage a été signalé et analysé par M. F. Nicolini dans le n° du Giornale degli Economisti d'octobre 1878 ».
 
ELEMENTS D'ECONOMIE POLITIQUE PURE 1926 (enrichies de corrections manuscrites voulue par Walras)

Notre ensemble comprend également l'exemplaire de William Jaffé, paraphé en tête, de l'édition de 1926 des Eléments d'économie politique, à partir de laquelle il établira l'édition américaine. Réputé être l'édition définitive, notre exemplaire est cependant annoté par Jaffé en rouge avec cette précieuse mention autographe sur le premier plat : « Specially marked copy with correction indicated by L.W. for ed. def. – not carried into this edition. »
Parue en 1954, la traduction de Jaffé, établie à partir de cet exemplaire tient compte des corrections « indiquées par Walras » et reportées à l'encre rouge. Elle deviendra donc, bien que personne n'est mentionné cette particularité la première édition définitive de l'œuvre maitresse de Walras, 22 ans avant la 6eme édition française.
 
LES MANUSCRITS


THEORIE DE LA CAPITALISATION ET DU CREDIT

Parmi les précieux et uniques manuscrits contenus dans notre ensemble, on notera les cinq feuillets qui accompagnent des épreuves de la 23eme leçon de la section V des Eléments pour l'édition de 1900. William Jaffé, qui a conservé précieusement ce manuscrit d'équations mathématiques abondamment corrigé, écrit dans Économie appliquée, d'Avril-Septembre 1953 :


« La partie la plus difficile des Éléments d'économie politique pure est probablement la Section V de l'édition définitive, qui s'intitule « Théorie de la capitalisation et du crédit ». […] Qu'elle ait constitué pour Walras lui-même une véritable pierre d'achoppement, j'en vois également la preuve dans les nombreuses révisions qu'il a faites de sa théorie de la capitalisation au cours des éditions successives des Éléments qui ont paru de son vivant. […] Si l'on veut accéder à une meilleure compréhension de la théorie, il faut la suivre dans les changements qu'elle a subis dans ses versions successives et la considérer du point de vue de la place qu'elle occupe dans l'ensemble du système. » (5)



Un bon a tirer de cette leçon (p. 241 à 256) daté à la main du 6 avril 1900 et signé par Léon Walras est joint à ce manuscrit. Il comporte également plusieurs corrections et des ajouts autographes qui, étonnamment, ne seront toujours pas répercutées sur l'édition définitive des Eléments de 1926 !
 
 
NOTE SUR LA SOLUTION DU PROBLEME MONETAIRE ANGLO-INDIEN (plusieurs versions plus traduction anglaise autographe et corrections)
Dans le manuscrit de note sur la solution du problème monétaire anglo-indien, Walras, - sans se soucier des concurrences impérialistes qui conduiront bientôt l'Europe à sa perte - « propose la mise en place de son système pour résoudre les problèmes monétaires des principales puissances économiques » en offrant une solution d'équilibre économique à l'Empire britannique. « Il espère organiser de meilleurs rapports monétaires entre le Royaume-Uni et l'Inde . Son plan est censé stabiliser simultanément la livre et la roupie, mettant ainsi fin à la dévalorisation permanente de la monnaie indienne par rapport à la livre sterling » (6)
 « La question de la monnaie m'intéresse [...] parce qu'elle se prête à une des premières et des plus décisives applications de mon système d'économie politique pure. » écrira Walras en 1893  (7)
Or notre manuscrit, loin d'être une simple copie autographe de cette communication fondamentale pour Walras qui espère ainsi voir ses théories mises en application à l'échelle internationale, présente plusieurs versions et de nombreuses corrections.
Ces manuscrits sont également enrichis de trois pages autographes de calculs (sur deux feuillets) intitulés « vérifications » et une copie tapuscrit avec note de Walras.
 
EQUATIONS DE LA CIRCULATION

Autre manuscrit essentiel, Equation de la circulation comprend 8 feuillets, sans doute rédigés en 1899, fait pendant au manuscrit de 19 ff conservé à Lausanne et intitulé « Sur les équations de la circulation ». La même année, Walras fait paraitre un article éponyme de notre manuscrit dans le Bulletin de la Société vaudoise. Ce qu'il développe ici est un concept novateur de la circulation de la monnaie par lequel il crée, selon Schumpeter, « la théorie moderne de la monnaie ». Absent des premières éditions, ce concept constituera la section VI des Éléments d'économie politique pure à partir de l'édition de 1900. La théorie de la monnaie, c'est-à-dire du « capital circulant » est en effet, pour Schumpeter, l'ultime pièce fondatrice de sa théorie générale de l'équilibre, avec la théorie du marché des biens de consommation et celle de la production et du marché des services producteurs.
Sont joints deux tiré-à-part, sans doute parus uniquement pour l'auteur et ses proches. Ils sont tous deux annotés au crayon par William Jaffé qui ajoute des corrections et relève notamment les passages omis de l'Edition 1900 des Eléments.
 
EQUATIONS DU TAUX DU REVENU NET

Le dernier manuscrit de cet ensemble s'intitule Equations du taux du revenu net, abondamment corrigé, il comprend quatre pages sur trois feuillets et demi. Rédigé en 1900, un an après Equation de la circulation, il en est la continuation et vient parachever la grande œuvre de Walras, les Eléments d'économie politique pure, juste avant la quatrième édition (et dernière de son vivant). L'importance de ce dernier manuscrit est soulignée par Léon Walras lui-même dans son autobiographie :


« En 1900, je donnai la 4e édition des Eléments d'économie politique pure, qui contenait une théorie de la détermination du taux de l'intérêt déduite rationnellement, pour la première fois, d'équations d'échange et de satisfaction maxima et qui parut en décembre sous le titre de : " Note sur l'équation du taux du revenu net ", dans le Bulletin de l'Institut des actuaires français, […] et une théorie de la valeur de la monnaie déduite, elle aussi rationnellement, pour la première fois, d'équations d'échange et de satisfaction maxima et qui avait été communiquée en 1899 sous le titre d'" Equations de la circulation " à la Société vaudoise des sciences naturelles, laquelle m'élut, à cette occasion, membre émérite. Cette 4e édition des Eléments d'économie politique pure, avec les deux volumes des Etudes d'économie sociale et des Etudes d'économie politique appliquée, peut, je crois, donner une idée suffisante de ma doctrine économique et sociale. »



Notre manuscrit, rédigé initialement sur trois feuillets, est enrichi d'un demi-feuillet supplémentaire de texte à insérer dans le premier paragraphe. Cette composition et les nombreuses ratures, suppressions et ajouts indiquent clairement un travail de premier jet en pleine élaboration dont les repentirs sont sans aucun doute aussi instructifs sur la formation de la pensée walrassienne que son contenu définitif.
 
L'ENGAGEMENT SOCIAL ET POLITIQUE



Parmi les documents conservés par Jaffé se trouvent quelques-uns de ses premiers tirés à part et épreuves issus de cette « volonté de Léon Walras de réaliser une synthèse entre le socialisme et le libéralisme. » comme l'explique Claude Hébert : « De 1864 à 1870, Léon Walras participe au mouvement coopératif. (…) En tant que praticien, il fonde avec Léon Say, la Caisse d'escompte des associations populaires et le journal Le Travail. » (8)
Toutefois C. Hébert précise l'enjeu pour Walras de ces écrits précoces qu'il qualifie de « véritable profession de foi ». L'économiste humaniste voit en effet dans ces mouvements une alternative à sa réforme de l'impôt pour « la résolution du problème de la répartition des richesses » : « Par l'approche théorique qu'il va développer dans trois leçons publiques au début de l'année 1865, Walras se distingue de ses contemporains en voyant dans l'association un moyen pour les classes laborieuses d'accéder à la propriété du capital par l'épargne. »
De l'organisation financière et de la constitution légale des associations populaires présent dans notre ensemble est l'une de ces leçons. Y sont joint également une très rare épreuve corrigée de son journal Le Travail, explicitement sous-titré : organe international des intérêts de la classe laborieuse, ou le tiré à part de son Projet de loi sur les sociétés à responsabilité proportionnelle qui sera publié dans le n°7 du journal.
 
LA PAIX PAR LA JUSTICE SOCIALE ET LE LIBRE ECHANGE

En plus des trois rares numéros des Questions pratiques, publication originale du texte de Walras, notre ensemble comprend le précieux exemplaire du tiré a part du manifeste de Walras : La paix par la justice sociale et le libre-échange.
Tandis que les tensions internationales exacerbées vont bientôt conduire l'Europe dans l'ornière, Walras conçoit sa révolution économique comme une solution capable de prévenir les conflits et instaurer une paix durable grâce à l'interdépendance entre les peuples. Ainsi en 1907, à peine sept ans avant le déclenchement de la première guerre mondiale, Walras met-il son œuvre au service de l'effort de paix en s'inscrivant dans la pure tradition physiocratique :

« Il est impossible à deux peuples de tirer en partie leur subsistance l'un de l'autre s'ils sont en guerre ; et, réciproquement, il leur est d'autant plus difficile de se mettre en guerre qu'ils tirent en plus grande partie leur subsistance l'un de l'autre. En un mot, le libre-échange, non seulement suppose et exige la paix, mais il la maintient et l'assure. »



Ce manifeste est une des rares prises de position à la fois pacifiste et pragmatique dans laquelle Walras convie les états à un rééquilibrage du marché et des forces économiques et non à une utopique fraternité entre les peuples.
Aujourd'hui, hormis quelques exemplaires en institutions, il ne demeure aucune trace en vente de cette apogée tragique de tous les combats walrassiens : l'économie mathématique, la justice sociale, la reconnaissance de ses pairs et la préservation de son œuvre.   
 
FRANCIS SAUVEUR

Le plus important document de notre ensemble pour comprendre la complexe personnalité du fondateur de l'Ecole de Lausanne ne concerne pas directement ses théories économiques, mais est l'un des deux seuls exemplaires (l'autre étant conservé à l'université de Lausanne) abondamment annoté et corrigé de son unique œuvre littéraire sur la couverture duquel, Léon Walras a inscrit puis signé au crayon : « Avertissement et corrections pour une deuxième édition ».


« Travaillez, réfléchissez. Cherchez sans relâche. Cherchez le principe vivificateur et la formule d'une société idéale. Et quand vous, l'aurez trouvé, rien n'en pourra retarder l'application. Car, dès aujourd'hui, sans secousses, sans révolutions, sans une larme, sans une goutte de sang versées, la société va, sous votre Inspiration, pouvoir se transformer lentement ; et, docile comme le navire à la manœuvre, prendre et suivre la direction du progrès, que tous ensemble, sans exception, et dans un fraternel accord, vous vous efforcerez de lui donner. De ce jour, vous êtes tous citoyens, tous électeurs, tous législateurs, tous égaux. »



Cette parfaite synthèse de son engagement scientifique n'a pas été écrite par Walras au terme de sa carrière mais en préambule de son œuvre de jeunesse : Francis Sauveur, paru quelques mois avant la révélation de sa vocation d'économiste. Ce roman quasi-autobiographique publié à compte d'auteur fut très vite « retiré du commerce » selon Walras lui-même et longtemps renié par l'économiste qui dans une lettre à Edouard confie ne l'avoir « communiqué qu'à très peu de personnes ».
50 ans après sa première publication, Léon Walras reprend pourtant ce texte de jeunesse et, sur deux exemplaires, opère de nombreuses modifications en vue d'une republication au terme de sa carrière d'économiste. Outre les nombreuses corrections et ajouts dans le corps du roman, et plus explicitement la réécriture du dénouement, c'est dans la longue note autographe ajoutée à sa longue préface que Walras révèle à la fois la constance de son idéal de jeunesse et la terrible désillusion de sa maturité. C'est en effet dans ce prologue-manifeste, bien plus ambitieux que son roman, que l'éphémère romancier Walras expose la dynamique de l'éternel économiste et lui attribue une origine, un fondement politique et social sur lequel élever l'édifice de sa pensée révolutionnaire :

« D'autres que moi feront de la république de 1848 le panégyrique ou la satire. […] Toujours est-il que si faible et si impuissante, et si justement engloutie qu'ait pu être la république de 1848, elle a droit de notre part a d'autres égards que le vain respect qu'on doit aux morts, puisque d'elle, et d'elle seule, nous avons recueilli comme un héritage sacré, le suffrage universel. »



A peine 10 ans après sa proclamation, le tout jeune Walras avait compris les implications de l'un des plus fondamentaux progrès sociaux qui ferait bientôt basculer l'Europe dans l'ère moderne. Mais 10 ans avant que cette Europe ne soit confrontée aux pires conséquences de sa modernité, le vieil économiste de 70 ans, opérait au crayon à papier une modification désenchantée sur sa préface qui devait résumer son amertume :


« Mon opinion sur le suffrage universel s'est modifiée ensuite de la distinction que je suis arrivé à faire entre la théorie ou science sociale et la pratique ou politique. Je crois toujours que le suffrage universel est une vérité scientifique ne ce qu'il a sa place dans l'idéal social, à la condition d'être organisé rationnellement. Mais je crois aussi que son avènement prématuré et son fonctionnement sous une forme grossière et brutale est un malheur politique dont la démocratie française pourrait ne pas se relever. »



 

L'AVENTURE DES ARCHIVES PERDUES


Les documents capitaux précieusement conservés et transmis par Aline Walras à William Jaffé puis à Donald Walker, constituent non seulement l'ultime ensemble d'archives de Léon Walras en main privées, mais présentent également une véritable cohérence intellectuelle. Plusieurs de ces pièces autographes semble être restés encore inédites, malgré leur importance mathématique et conceptuelle. Ainsi des corrections de la section V des Eléments, de celles de Francis Sauveur, ou des corrections d'épreuves dont nous avons pu consulter la version définitive publiée. Toutefois notre méconnaissance du sujet ne nous a pas permis d'évaluer l'importance des nombreuses notes de calculs et d'équations ainsi que des ajouts de paragraphes aux textes publiés. Nous n'avons pas pu non plus travailler sur l'extrême rareté des ouvrages imprimés et tirés à part dont beaucoup sont introuvables hors des archives vaudoises.
Nous avons établi un dossier complet décrivant le parcours des archives de Léon Walras et détaillant la constitution de ces dernières archives avec une étude succincte des documents proposés et leur contexte de production. Bien entendu l'aperçu des pièces mises en exergue dans cette présentation ne se veut ni exhaustif ni nécessairement pertinent et seule une étude approfondie par des chercheurs compétents pourrait révéler la véritable importance de ces documents uniques, qui se trouvent, après recensement, être l'un des cinq plus importants ensemble d'archives de celui que Schumpeter considérait comme le « plus grand de tous les économistes ».

LIRE LE DOSSIER COMPLET ICI

 
(1)         Blaug Mark. Great Economists Before Keynes, Brighton, Wheatsheaf, 1986
(2)         Friedman Milton. “Leon Walras and His Economic System” in The American Economic Review, Vol. 45, No. 5, 1955
(3)         Dumez Hervé in L'économiste, la science et le pouvoir: le cas Walras
(4)         “Les œuvres économiques complètes d'Auguste et de Léon Walras” in Revue d'économie politique, Vol. 117, No. 6, 2007
(5)         Jaffé William. "La théorie de la capitalisation chez Walras dans le cadre de sa théorie de l'équilibre général" in Économie appliquée, tome 6, No. 2-3, Avril-Septembre 1953
(6)         Jacoud Gilles. "Stabilité monétaire et régulation étatique dans l'analyse de Léon Walras" in Revue économique.
(7)         L. Walras, « Le problème monétaire anglo-indien », Gazette de Lausanne et Journal Suisse, 24 juillet 1893.
(8)         Hébert Claude. “Léon Walras et Les Associations Populaires Coopératives.” Revue d'économie Politique, vol. 98, no. 2, 1988
 
 

Walras, Léon. “NOTE SUR LA SOLUTION DU PROBLÈME MONÉTAIRE ANGLO-INDIEN.” Revue d'économie Politique 1, no. 6 (1887): 633–36.
Potier, Jean-Pierre. « Le socialisme de Léon Walras », L'Économie politique, vol. 51, no. 3, 2011, pp. 33-49.
Walras, Marie Esprit Léon. « Autobiographie », L'Économie politique, vol. 51, no. 3, 2011, pp. 50-69.
Van Daal Jan,Jolink Albert. Note sur l'article «Economique et Mécanique» de Léon Walras. In: Économie appliquée, tome 43 n°2,1990. pp. 83-94.
HÉBERT, Claude. “Léon Walras et Les Associations Populaires Coopératives.” Revue d'économie Politique 98, no. 2 (1988): 252–72.
Van Daal, J. & Walker, D. (2007). Les œuvres économiques complètes d'Auguste et de Léon Walras. Revue d'économie politique, 117, 891-919.
Jaffé William. La théorie de la capitalisation chez Walras dans le cadre de sa théorie de l'équilibre général. In: Économie appliquée, tome 6 n°2-3, Avril-Septembre 1953. pp. 289-317.
Bousquet G.-H. L'autobibliographie inédite de Léon Walras (1906). In: Revue économique, volume 15, n°2, 1964. pp. 295-304.
Claire Baldin, André Legris et Ludovic Ragni, « Productivité marginale et concurrence dans les travaux d'Enrico Barone », Revue européenne des sciences sociales, 50-1 | 2012, 63-99
Dockès, P. & Mouchot, C. (2009). Lire Walras - Des fonds d'archives à l'édition et à la réinterprétation des Œuvres économiques complètes d'Auguste et Léon Walras. Cahiers d'économie Politique, 57, 197-210.
Bousquet, G.-H., and Léon Walras. “LÉON WALRAS, ROMANCIER: Une Lettre Inédite.” Revue d'histoire Économique et Sociale 45, no. 2 (1967): 254–56.
BOUSQUET, Georges-Henri. “LES DEUX FONDS WALRAS (DE LAUSANNE ET DE LYON).” Revue d'économie Politique 81, no. 3 (1971): 463–69.

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