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Victor SEGALEN Double lettre autographe signée adressée à Emile Mignard évoquant des gravures de Gauguin :  "T'expédie, en à propos de la mort de Gauguin, simplement, une gravure sur bois de lui [...] C'est une idole monstrueuse et repue, dans un ciel tourmenté d'une coupée de grande vallée tahitienne. Le mot « Maruru » (prononcer : Maourourou) signifie : merci je suis content."

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Victor SEGALEN

Double lettre autographe signée adressée à Emile Mignard évoquant des gravures de Gauguin :  "T'expédie, en à propos de la mort de Gauguin, simplement, une gravure sur bois de lui [...] C'est une idole monstrueuse et repue, dans un ciel tourmenté d'une coupée de grande vallée tahitienne. Le mot « Maruru » (prononcer : Maourourou) signifie : merci je suis content."

Papeete 7 & 15 décembre 1903, 11,3x15,4cm et 11,3x17,7cm, 9 pages et quelques lignes sur 2 feuillets doubles et un feuillet simple.


Double lettre autographe signée de Victor Segalen adressée à Emile Mignard. Neuf pages et quelques lignes rédigées à l'encre noire sur deux feuillets doubles et un feuillet simple. Pliures transversales inhérentes à l'envoi.
Emile Mignard (1878-1966), lui aussi médecin et brestois, fut l'un des plus proches amis de jeunesse de Segalen qu'il rencontra au collège des Jésuites Notre-Dame-de-Bon-Secours, à Brest. L'écrivain entretint avec ce camarade une correspondance foisonnante et très suivie dans laquelle il décrivit avec humour et intimité son quotidien aux quatre coins du globe. C'est au mariage de Mignard, le 15 février 1905, que Segalen fit la connaissance de son épouse, Yvonne Hébert.
Longue lettre évoquant l'avancement des Immémoriaux et une gravure de Paul Gauguin.
Segalen poursuit la rédaction de sa grande fiction, Les Immémoriaux, qui paraîtra en 1907 au Mercure de France sous le pseudonyme de Max-Anély (Max en hommage à Max Prat et Anély, l'un des prénoms de sa femme), Segalen n'étant pas autorisé, en sa qualité de médecin militaire, à signer une œuvre fictionnelle de son patronyme. « Je me suis décidément attelé à la partie active de mon travail. Là encore, si les sources abondent, il me manque l'auditeur sympathique et avisé auquel je soumettrais, page par page, ma copie. Si je le mène à bonne fin je n'aurai qu'à me louer de ma campagne, ayant résisté à l'enlisement intellectuel prédit. […] Enfin réussirai-je à terminer quelque chose, à tirer de moi autre chose qu'un désir fou d'œuvrer, je commence à croire que oui. Je pars pour une tournée de trois semaines, calme, en des pays déjà connus, avec une formidable bibliothèque Polynésienne ; j'en reviendrai peut-être avec ¼ matériellement achevé. J'ai moins qu'autrefois l'obsession du verbe et j'écris avec plus de calme. » Mais il n'y a pas que l'écriture des Immémoriaux qui accapare Segalen. Entre temps, en octobre 1903, il a fait l'acquisition d'œuvres et d'objets ayant appartenu au peintre Paul Gauguin qui venait de disparaître aux Marquises. Dans une lettre du 2 octobre 1903, il écrivait à Emile Mignard : « Je viens de gagner 450f dont 250 pour un accouchement assez ennuyeux. Sur ces 450 j'en ai consacré 200f à l'achat de toiles, bois sculptés, croquis, album, du peintre Paul Gauguin, l'un des meilleurs Impressionnistes, qui, réfugié aux Marquises, vient d'y mourir. J'ai acquis à bas prix, à la vente publique, d'admirables choses : deux portraits de lui, une grande toile où défilent des Tahitiens, des bois sculptés dont je ferai tirer des épreuves, des croquis, des notes… Je m'étais fait son champion, ici, car très ingrat, très isolé, haineux même, il était généralement détesté dans la colonie. » La vente aux enchères des biens et des œuvres de Gauguin, demeurés dans sa Maison du Jouir après sa mort, eut lieu à l'automne 1903. L'un des rares acquéreurs présents lors de cette liquidation fut Victor Segalen qui permit ainsi le sauvetage de plusieurs pièces capitales du peintre qui risquaient d'être détruites dans l'indifférence générale. Segalen, qui avait espéré arriver à temps pour rencontrer Gauguin, ravive sa mémoire en tentant – malgré sa faible solde – d'acquérir un maximum d'œuvres de son défunt mentor. Il évoque d'ailleurs ici une gravure du peintre : « T'expédie, en à propos de la mort de Gauguin, simplement, une gravure sur bois de lui, en double exemplaire, dont un pour l'ami Max [Prat] […] C'est une idole monstrueuse et repue, dans un ciel tourmenté d'une coupée de grande vallée tahitienne. Le mot « Maruru » (prononcer : Maourourou) signifie : merci je suis content. » Segalen possédait en effet plusieurs épreuves de cette gravure représentant la divinité Hina ; un fragment de l'une d'entre elles était collé sur la page de garde de son Journal de voyage et on retrouvera la même silhouette de l'idole sur la couverture du manuscrit des Immémoriaux.
Cette déférence pour Gauguin est également visible à travers un autre projet, la rédaction d'un article lui rendant hommage : « J'écris à Morache. J'ai eu tort de ne rien envoyer au Mercure à propos de la fin de Gauguin. » Et en effet, un article apologétique intitulé « Gauguin dans son dernier décor » paraîtra en juin 1904 dans le Mercure de France. Segalen y décrit les derniers jours du peintre dans sa Maison du Jouir. Comme en témoigne notre lettre, cet article a peut-être été écrit sous l'impulsion de Saint-Pol-Roux : « J'ai reçu de Saint-Pol-Roux une bonne et encourageante lettre. » Dans cette lettre, datée du 15 octobre 1903, le poète symboliste le questionne : « Que devenez-vous, mon bien cher ami ? Malgré le silence – qui au fond n'est le silence que pour les imbéciles – vous êtes de ceux qui habitent ma quotidienne pensée. […] Votre image y fut plus particulièrement évoquée ces temps-ci de par la mort de Paul Gauguin décédé à Papeete. L'avez-vous assisté ? Sans doute, n'est-ce pas ? Car vous l'avez dû connaître. Oh dites-nous quelque chose sur ce malheureux de la Destinée qui fut souvent un grand artiste, et à sa manière un Maître. Comment se fait-il que vous n'ayez pas adressé quelque relation sur cette mort au Mercure de France qui l'eût accueillie avec enthousiasme ? ... » Cet oubli sera donc doublement réparé : en sus de la publication de l'article tant sollicité, Segalen fera don du fronton et des panneaux de la Maison du Jouir à son ami poète pour son manoir breton. Ces superbes décorations sont aujourd'hui conservées au Musée d'Orsay.
 

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